« La prière du cœur » de Frère Jean

Les éditions Actes Sud viennent de publier un nouvel ouvrage de Frère Jean (père Gérasime du skite Sainte-Foy) : “La prière du cœur” (144 pages, 16 euros). “Le chemin que nous découvrons est divisé en plusieurs étapes, chacun l’escalade suivant son engagement, ses possibilités. La prière ne s’apprend pas, elle se vit simplement.”

La prière n’est pas une technique élaborée, la prière n’est pas une formule.
La prière du cœur est l’état de celui qui se trouve devant Dieu, Dieu est partout présent mais moi je ne suis pas toujours présent à Dieu. J’ai besoin d’une tradition vivante, d’un Père spirituel, d’un chemin à parcourir pour incarner la réalité de la prière. Nous allons, en toute humilité, aborder la voie de la prière du cœur. Le chemin que nous découvrons est divisé en plusieurs étapes, chacun l’accomplit suivant son engagement, ses possibilités. La prière ne s’apprend pas, elle se vit simplement. Elle est un don de Dieu. Frère Jean est moine orthodoxe.
En 1982 lors d’un reportage photographique au Mont Athos, le Frère Jean est saisi par la foi. Il devient moine au monastère de Stavronikita puis à Saint Sabba dans le désert de Judée, où il rencontre le Père Séraphin. Revenu en France, il fonde en 1996 le Skite Sainte Foy en Cévennes.

Nous vous proposons de lire un extrait du livre avec l’aimable autorisation de son auteur.

« La prière du cœur est un don de Dieu.
Elle ne s’explique pas, elle se vit simplement.
Elle n’est pas le fruit de nos actes si louables soient-ils,
de nos réflexions si remarquables soient-elles.
Elle est le fruit de notre foi, de l’ouverture sans limite de notre cœur à Dieu.
La prière est une goutte de lumière vivante
qui féconde tous nos sens et transfigure toute notre existence.

Le Seigneur dit cette parabole :
Deux hommes montèrent au temple pour prier :
l’un était pharisien, l’autre publicain.
Le pharisien, la tête haute, priait ainsi en lui-même :
“Ô Dieu je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes,
qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain ;
je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus.”
Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux vers le ciel,
mais il se frappait la poitrine en disant : “Ô Dieu, aie pitié de moi pécheur !”
Je vous assure que ce dernier descendit chez lui justifié, l’autre non.
Quiconque s’exalte sera humilié et quiconque s’humilie sera exalté.
Évangile selon saint Luc 18, 10-14.
Il apparaît, dans cet Évangile, qu’aucune des deux personnes n’a été condamnée
mais qu’une seule a été justifiée.
L’obéissance à la loi ne suffit pas.
L’un méprise son prochain, il se glorifie de ses propres efforts,
l’autre trouve par son humilité le chemin de la prière.
Le repentir est un ébranlement réel du cœur, un retournement profond de l’être,
une purification des pensées, un retour vers Dieu.
La conversion nous permet d’escalader nos profondeurs pour nous élever vers Dieu.
Dieu repose dans un au-delà au plus profond de nous-même.
Tant que le cœur n’est pas touché par la grâce, tant qu’il reste froid,
le repentir ne suscite qu’une émotion superficielle,
alimentée par des sentiments authentiques mais sans véritable conversion.
C’est pour cela que dans la prière du cœur, nous crions vers le Seigneur : “Aie pitié de moi” car sans Toi je ne suis rien.
Donne-moi d’avoir la conscience de ma fragilité,
donne-moi la grâce de T’écouter et de mettre en pratique Ta Parole.
Il n’y a pas de technique sophistiquée,
pas de formule magique devant Dieu.
La prière ne s’apprend pas, elle se vit.
Ceux qui prétendent enfermer la Présence dans des mots secrets
ou des postures compliquées tombent dans la vanité.
La prière est l’état du croyant qui se trouve devant Dieu, dans l’attente de la Parousie.
Elle est un face-à-face intime, un amour fou,
un cœur ouvert qui résonne à l’unisson avec le cœur du Bien-Aimé.
État signifie la participation totale de l’être : corps, âme, esprit.
Cette rencontre plénière ne se répète jamais,
elle est chaque fois unique et nouvelle.
Elle engendre la Joie, la Paix, la Beauté, l’Amour…
Au fond de l’être ne sont pas inscrites des lois,
au fond de l’être repose la Présence du Tout-Autre.
Chaque geste se place spontanément dans la conscience de l’instant qu’engendre la prière.
Le souffle habité par la Présence du Christ colore notre regard d’innocence.
C’est une rencontre globale de tout l’être vers une union,
une découverte chaque fois unique, qui se nourrit du don de soi.
Dieu n’est pas au-delà des cieux, au-delà des montagnes, au-delà des mers pour que nous disions qui ira le chercher.
Dieu n’est pas une idole qui a des yeux et ne voit pas, des oreilles et n’écoute pas, une bouche et ne parle pas.
La rencontre avec Dieu n’est pas une fusion mais une communion,
sans confusion, dans un même esprit.
Comme deux flammes s’unissent consubstantiellement : le feu de notre humanité et le Feu de la Grâce divine.

Vous allez me dire :
Pourquoi alors étudier une technique ?
Pour reconnaître notre faiblesse, nos limites, pour participer à notre sanctification.
Si Dieu infini est partout présent, nous ne sommes pas toujours présents à Dieu.
Nous avons besoin de l’Église, des Pères, de structures, de rites pour canaliser nos pulsions,
pour pacifier nos désirs qui vagabondent, pour écouter les saints qui nous ont précédés dans la voie
et qui nous guident sur le chemin de l’intériorité.
L’homme a besoin d’un schéma, d’un chemin balisé pour accomplir le pèlerinage de la tête au cœur.
Les étapes se succèdent comme des échelons à gravir pour nous ouvrir à l’Esprit Saint.
Les degrés les plus efficaces sont le repentir et l’humilité.
La prière est le souffle par lequel nous recevons la révélation divine.
La connaissance de la carte ne remplacera jamais l’expérience de la marche,
l’ignorance de la carte nous fait hésiter, tomber dans l’utopie ou chuter.
Le novice recherche une tradition vivante, une technique incarnée, un rituel sacré, un guide spirituel pour l’aider à affronter, à franchir les obstacles inévitables :
l’orgueil, l’illusion, l’impatience…
Le pèlerin des profondeurs a besoin d’une paternité spirituelle pour le guider
mais l’homme est seul à décider de ses choix,
il demeure libre mais il ne peut pas ne pas choisir.

Le chemin que nous allons découvrir est divisé en étapes en fonction de l’engagement de chacun. Voici les diverses étapes à franchir :

  1. Purification
  2. Orientation intérieure
  3. Paternité spirituelle
  4. Position
  5. Pardon des ennemis
  6. Récitation orale
  7. Mémoire de la mort
  8. Méditation
  9. Manducation
  10. Contemplation

C’est la conscience de notre fragilité́ qui nous fait crier : “Abba Père”,
“Seigneur, aie pitié de moi”, car sans Ta puissance je ne suis rien.
Ce qui ne signifie pas que nous soyons indignes,
mais que notre désir n’a de réalité qu’en étant fécondé par le souffle de l’Esprit.
Le souffle jaillit de la transcendance, il se manifeste ici et maintenant dans d’incessants recommencements.
La première œuvre que l’homme doit accomplir, durant le temps de son existence, c’est lui-même.
Vous constaterez que, dans cet ouvrage, je passe souvent du “je”, au “nous”, du “vous”, au “tu” car ce témoignage sur la prière a pour origine une expérience vécue, depuis plus de quarante ans, soit au mont Athos au monastère Stavronikita et à Kerassia, soit dans le désert de Judée à la laure Saint-Sabba, soit en Cévennes au skite Sainte-Foy.
J’utilise un langage parlé car ce témoignage est issu de diverses rencontres
et de multiples prises de conscience.
Très souvent je m’inspire de passages des Évangiles, je cite des Docteurs ou des Pères de l’Église, je fais parler des starets, des iérondas, des anciens.
Qui suis-je pour oser parler ?
Ce livre est un carnet de route, il passe de l’action à la méditation, de l’exercice à la contemplation, de la réflexion à l’humble témoignage d’un moine qui aspire à vivre dans son quotidien la prière de Jésus.

“Seigneur
Jésus-Christ,
Fils de Dieu,
aie pitié de moi,
pécheur.”

La Prière du cœur, le Frère Jean
Éditions Actes Sud
16 € mai 2023
www.photo-frerejean.com »