Carême de la Nativité
Saint Spyridon, évêque de Trimythonte à Chypre, thaumaturge (vers 348) ; saint Alexandre, évêque de Jérusalem, martyr (251) ; saint Synésius, martyr à Rome (270) ; sainte Abre, vierge, fille de saint Hilaire de Poitiers (360) ; saint Corentin, évêque de Quimper (vers 490) ; saint Théraponte de Monza (1597) ; saint Germain d’Alaska (1836) et les premiers martyrs de l’Église Orthodoxe en Amérique, saint Juvénal (1796) et saint Pierre l’Aléoute (1815).
SAINT SPYRIDON
Notre saint Père Spyridon vivait dans l’île de Chypre, à l’aurore du IVe siècle, et exerçait paisiblement la simple profession de berger. De mœurs rustiques et peu cultivé, il n’avait pourtant pas son pareil quant à l’amour de son prochain, quant à la douceur, à la délicatesse, à l’aumône, à l’hospitalité et à la pratique de toutes les vertus. Tel le Patriarche Abraham, il accueillait avec empressement dans sa demeure tout homme qui s’y présentait, et lui témoignait la même sollicitude que si c’était le Christ lui-même qui était venu lui rendre visite. Il n’y avait pas non plus de pauvre ou d’indigent qui ne trouvât chez lui quelque secours. Spyridon déposait son argent dans un coffre qu’il laissait toujours ouvert, à la disposition de tous, et jamais il ne se souciait de savoir s’il était plein ou vide, ou si ceux qui y puisaient étaient dignes ou indignes de ses bienfaits. Vivant de manière chaste et pieuse dans le mariage, il obtint de Dieu une fille, Irène, mais, au bout de quelques années, son épouse décéda. Alors dégagé des soucis de la chair, Spyridon ne se préoccupa plus que de progresser dans la vertu et de s’enrichir des dons éternels de la grâce.
Il acquit ainsi, sans le vouloir, une grande notoriété dans l’île et, à la mort de l’évêque de la petite ville de Trimithonte, près de Salamine, les fidèles le désignèrent unanimement pour prendre sa place et devenir ainsi le pasteur du troupeau spirituel du Christ. Malgré cette dignité, l’humble berger n’abandonna rien de son mode de vie : il portait les mêmes pauvres vêtements, se déplaçait toujours à pied, aidait aux travaux des champs et continuait, comme auparavant, à garder son troupeau. Une nuit, des maraudeurs pénétrèrent dans sa bergerie pour dérober des brebis ; mais lorsqu’ils voulurent sortir avec leur butin, ils se sentirent comme liés et cloués sur place par une force invisible. Quand Spyridon les découvrit, au petit matin, ils lui confessèrent, pleins de honte, leur forfait. Pris de compassion, le saint dénoua les liens invisibles qui les immobilisaient et les exhorta à vivre désormais honnêtement. Mais il ne les laissa pas repartir sans leur faire don de deux moutons, en leur disant, avec le sourire, que c’était en compensation de leur peine pendant cette veillée nocturne.
Rigoureux envers lui-même, saint Spyridon manifestait toujours de la compassion pour ses frères et une grande condescendance à l’égard de leurs faiblesses. Pour soulager quelque voyageur, par exemple, il n’hésitait pas à rompre le jeûne. Comme le Christ, le Bon Pasteur, il était toujours prêt à donner sa vie pour ses brebis spirituelles, afin de les mener paître dans les pâturages de la grâce. Par sa douceur, son humilité et sa simplicité, il acquit une telle faveur auprès de Dieu, qu’il accomplit d’innombrables miracles pour le salut et la consolation de son Église. Lorsque l’île de Chypre fut affligée d’une terrible sécheresse, laissant présager les affres de la famine, saint Spyridon ouvrit les cieux grâce à sa prière, et il obtint de Dieu une pluie bienfaisante qui allait rendre à la terre sa fécondité. Comme certains riches avaient engrangé de grandes quantités de grains pour profiter de la pénurie et les revendre à des prix exorbitants, l’ardent évêque fit s’effondrer leurs réserves par sa prière et distribua équitablement aux habitants les produits de la terre, délivrant ainsi l’île de la disette. Une autre fois, tel Moïse dans le désert (Nb 21, 8), il changea un serpent en or pour venir en aide à un pauvre homme. Puis, le secours opéré, il fit revenir le reptile à son état naturel, afin que la faveur divine ne devînt pas occasion d’avarice. Il était toujours prompt à se porter au secours des infortunés, aussi un jour où il s’était mis en route pour aller délivrer un condamné à mort, il arrêta le cours d’un torrent tumultueux, qui lui barrait le passage, et traversa son lit à pied sec.
Vivant dans le Christ par les saintes vertus et le Christ agissant en lui par le Saint-Esprit, Spyridon acquit aussi le pouvoir sur la mort elle-même. Un jour, à la prière d’une pauvre femme barbare, il ramena à la vie le cadavre de son enfant, qu’elle avait déposé à ses pieds. Quand sa propre fille, Irène, vint à mourir, sans avoir eu le temps de révéler à une personne qui lui avait confié sa fortune l’endroit où elle l’avait cachée, le saint évêque se pencha au-dessus du tombeau et interrogea la défunte, qui répondit aussitôt en indiquant où se trouvait le trésor. Ayant obtenu un tel miracle de Dieu, Spyridon repoussa pourtant tout souci de consolation humaine pour lui-même, et il ne demanda pas au Seigneur de ressusciter sa fille bien-aimée. Sa vertu était si lumineuse qu’elle perçait comme l’éclair le secret des consciences, et poussait les pécheurs à venir confesser leurs fautes et à commencer une vie de repentir. Telle cette femme qui, à l’exemple de la pécheresse de l’Évangile, se jeta aux pieds de l’homme de Dieu qui avait posé sur elle son regard compatissant, et les baigna de ses larmes en confessant ses péchés. Spyridon se pencha alors pour la relever et lui dit : « Tes péchés te sont pardonnés » (Lc 7, 48), comme si le Sauveur lui-même parlait par sa bouche. Puis il la renvoya en paix, en se réjouissant tel le bon pasteur qui, ayant retrouvé la brebis égarée, convoque ses amis et voisins en disant : Réjouissez-vous avec moi car j’ai retrouvé ma brebis qui était perdue (Lc 15, 6).
Ignorant selon le savoir humain, mais riche des dons de clairvoyance et de prophétie, l’évêque de Trimithonte avait également une connaissance profonde des saintes Écritures, grâce à laquelle il confondit un jour un évêque vaniteux qui voulait faire preuve d’éloquence en changeant certains mots de l’Évangile, trop communs à son goût.
Lorsque le saint empereur Constantin le Grand convoqua le Premier Concile Œcuménique (325) pour réfuter l’hérésie impie d’Arius, Spyridon se rendit lui aussi à Nicée dans son simple appareil de pâtre, afin de témoigner de la Vérité aux côtés des saints évêques et confesseurs, et des plus illustres personnalités du temps. Pendant les débats, un philosophe arien, enflé de vain orgueil, lança un défi aux Orthodoxes pour se mesurer avec eux dans une discussion sur la Sainte Trinité. L’humble berger de Chypre s’avança alors et, à la stupeur générale, il confondit les raisonnements spécieux et la dialectique subtile de son adversaire par la simplicité et l’autorité de ses paroles inspirées par le Saint-Esprit. Pour appuyer ses dires par un signe éclatant, il fit le signe de la Croix sur une brique qu’il tenait en main, et à l’invocation des Personnes de la Sainte Trinité, les éléments dont elles était constituée : le feu, l’eau et la glaise se séparèrent et retournèrent à leur état initial. Désarmé, le philosophe se laissa convaincre, embrassa sincèrement la foi des Pères, et exhorta les autres disciples d’Arius à abandonner à leur tour les sentiers trompeurs de la sagesse humaine pour trouver dans l’Église les sources d’Eau Vive et la puissance de l’Esprit.
Après la mort de Constantin, son fils Constance, qui avait hérité la partie orientale de l’Empire, montra de la sympathie pour l’arianisme. De séjour à Antioche, il tomba gravement malade et, malgré les efforts des médecins, on désespérait de le voir survivre. À la suite d’une vision dont fut gratifié l’empereur, saint Spyridon fut convoqué au palais, en compagnie de son disciple saint Triphyllios [12 juin]. À peine parvenu au chevet du souverain, le saint homme le guérit de sa maladie et l’engagea à préserver la santé de son âme par la fidélité à l’enseignement orthodoxe et par la miséricorde envers ses sujets. Chargé d’or et de présents, Spyridon s’empressa de distribuer, dès son retour, toutes ces richesses aux habitants de Chypre
Détaché des choses de la terre et tout absorbé par l’attente des biens éternels, saint Spyridon célébrait la Divine Liturgie et les offices de l’Église comme s’il se trouvait déjà devant le trône de Dieu, en compagnie des anges et des saints. Un jour, alors qu’il célébrait dans une église isolée et négligée par les fidèles, et qu’il se retournait vers le peuple absent en disant : « Paix à tous ! » son disciple entendit les voix d’une foule d’anges répondre : « Et à ton esprit ! », puis les Puissances célestes continuèrent d’accompagner le service divin de leurs mélodies.
À l’issue d’une longue vie, menée avec l’assistance constante du Saint-Esprit, saint Spyridon remit paisiblement son âme à Dieu, le 12 décembre 348, à l’âge de soixante dix-huit ans, après avoir eu le temps d’encourager une dernière fois ses proches à suivre le Christ et à se soumettre à son joug doux et léger. Son saint corps devint une source inépuisable de miracles et de guérisons pour les fidèles de Chypre, jusqu’au VIIe siècle, où, sous la menace de l’invasion arabe, on le transféra à Constantinople, dans une église située près de Sainte-Sophie. Après la prise de la ville par les Turcs, la précieuse relique fut transportée clandestinement à Corfou (1456), où elle est gardée depuis, miraculeusement incorrompue. Elle y a accompli tant de miracles pour les particuliers comme pour l’ensemble de la population — délivrant notamment l’île d’une épidémie de choléra et de l’invasion étrangère —, que saint Spyridon est vénéré comme le premier protecteur de Corfou.
(Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras)
TROPAIRES ET KONDAKIA DU JOUR
Tropaire de saint Spyridon, ton 1
Tu fus le champion du Premier des Conciles * et le thaumaturge, Père théophore Spyridon; * tu as parlé avec une morte ensevelie, * tu as changé en or un serpent; * quand tu chantais tes saintes oraisons, * les Anges célébraient avec toi, Pontife saint. * Gloire à celui qui t’a glorifié, * gloire à celui qui t’a couronné, * gloire à celui qui opère par toi la guérison en tous!
Kondakion de saint Spyridon, ton 4
Ravi par l’amour du Christ, Pontife saint, * élevant aussi ton âme sur les ailes de l’Esprit, * tu atteignis par une pure contemplation * la perfection dans tes œuvres * et tu devins toi-même l’autel * pour implorer du Seigneur * la divine clarté en faveur de nous tous.
ÉPITRE DU JOUR
I Tim. V, 22 – VI, 11
Je te conjure devant Dieu, devant Jésus Christ, et devant les anges élus, d’observer ces choses sans prévention, et de ne rien faire par faveur. N’impose les mains à personne avec précipitation, et ne participe pas aux péchés d’autrui; toi-même, conserve-toi pur. Ne continue pas à ne boire que de l’eau; mais fais usage d’un peu de vin, à cause de ton estomac et de tes fréquentes indispositions. Les péchés de certains hommes sont manifestes, même avant qu’on les juge, tandis que chez d’autres, ils ne se découvrent que dans la suite.De même, les bonnes oeuvres sont manifestes, et celles qui ne le sont pas ne peuvent rester cachées. Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés. Et que ceux qui ont des fidèles pour maîtres ne les méprisent pas, sous prétexte qu’ils sont frères; mais qu’ils les servent d’autant mieux que ce sont des fidèles et des bien-aimés qui s’attachent à leur faire du bien. Enseigne ces choses et recommande-les. Si quelqu’un enseigne de fausses doctrines, et ne s’attache pas aux saines paroles de notre Seigneur Jésus Christ et à la doctrine qui est selon la piété, il est enflé d’orgueil, il ne sait rien, et il a la maladie des questions oiseuses et des disputes de mots, d’où naissent l’envie, les querelles, les calomnies, les mauvais soupçons, les vaines discussions d’hommes corrompus d’entendement, privés de la vérité, et croyant que la piété est une source de gain. C’est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement ; car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter; si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira. Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur.
Hébr. XIII, 17-21 (S. Spyridon)
Frères, obéissez à vos chefs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte à Dieu. Ainsi pourront-ils le faire avec joie et non en gémissant, ce qui vous ne serait d’aucun avantage. Priez pour nous, qui croyons avoir une conscience pure avec la volonté de bien nous conduire en toute occasion. C’est avec instance que je vous demande de le faire, afin que je vous sois rendu plus tôt. Que le Dieu de paix, qui a ramené d’entre les morts , par le sang d’une alliance éternelle, le grand pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus, vous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté, et qu’il produise en vous ce qui lui est agréable, par Jésus Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen !
ÉVANGILE DU JOUR
Mc VIII, 30-34
Jésus leur recommanda sévèrement de ne dire cela de lui à personne. Alors il commença à leur apprendre qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrît beaucoup, qu’il fût rejeté par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu’il fût mis à mort, et qu’il ressuscitât trois jours après. Il leur disait ces choses ouvertement. Et Pierre, l’ayant pris à part, se mit à le reprendre. Mais Jésus, se retournant et regardant ses disciples, réprimanda Pierre, et dit : Arrière de moi, Satan ! Car tu ne conçois pas les choses de Dieu, tu n’as que des pensées humaines. Puis, ayant appelé la foule avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive.
Lc VI, 17-23 (S. Spyridon)
En ce temps-là, Jésus descendit avec eux, et s’arrêta sur un plateau, où se trouvaient une foule de ses disciples et une multitude du peuple de toute la Judée, de Jérusalem, et de la contrée maritime de Tyr et de Sidon. Ils étaient venus pour l’entendre, et pour être guéris de leurs maladies. Ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs étaient guéris. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. Alors Jésus, levant les yeux sur ses disciples, dit : « Heureux vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! Heureux vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés ! Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous serez dans la joie ! Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’on vous chassera, vous outragera, et qu’on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme ! Réjouissez-vous en ce jour-là et tressaillez d’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans le ciel ; car c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. »