Avant-Fête de la Nativité de Notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ ; Saint Ignace le Théophore, évêque d’Antioche, hiéromartyr (107) ; saint Philogone, évêque d’Antioche (323) ; saint Ursanne, abbé-fondateur de Saint-Ursanne en Suisse (vers 620) ; saint Daniel, archevêque de Serbie (1338) ; saint Ignace, archimandrite des Grottes de Kiev (1435); saint Jean le tailleur, nouveau martyr grec à Constantinople (1650) ; saint Antoine, archevêque de Voronej (1846) ; saint Jean de Cronstadt (1908)
SAINT IGNACE LE THÉOPHORE
Disciple des apôtres, père des évêques, combattant audacieux qui s’est élancé au premier rang de la cohorte des martyrs victorieux, saint Ignace a remporté une triple couronne et brille maintenant d’un éclat flamboyant au firmament des amis de Dieu. Conformément à son nom de feu (ignis en latin), l’amour du Christ brûlait à tel point en son cœur qu’il fut surnommé le Théophore, le « porteur-de-Dieu », terme qu’il n’hésitait pas à s’appliquer lui-même d’ailleurs, sans vantardise, car tous les chrétiens, depuis leur baptême, sont devenus christophores (« porteurs-du-Christ ») et ont été revêtus de l’Esprit Saint (hagiophores, pneumatophores, disent encore les saints Pères).
Dans sa jeunesse, Ignace avait, dit-on, connu les apôtres, et avait été initié aux mystères plus profonds de la foi par saint Jean l’Évangéliste, en compagnie de saint Polycarpe. Il succéda ensuite à Évode, comme second évêque d’Antioche, la capitale de la Syrie et la ville la plus importante de tout l’Orient, dont le siège épiscopal avait été fondé par l’Apôtre saint Pierre. Pendant la persécution de Domitien (8l-96), saint Ignace encouragea de nombreux confesseurs à mépriser les tourments et les épreuves de quelques instants pour gagner la vie éternelle. Il les visitait dans leur prison, les réconfortait et leur communiquait l’empressement qu’il éprouvait lui-même pour être définitivement uni au Christ en imitant sa mort. Malgré tout, il ne fut pas arrêté, et lorsque les poursuites furent interrompues, l’intrépide évêque resta affligé de ne pas avoir été appelé par Dieu à devenir un vrai disciple, consommé dans la perfection.
Pendant les années de paix qui suivirent, les apôtres ayant désormais disparu, l’évêque d’Antioche s’employa à donner à l’Église les fondements de son organisation et à montrer comment la grâce, descendue sur les apôtres le jour de la Pentecôte, demeure et se prolonge dans le ministère épiscopal. D’Antioche la Grande, sa voix autorisée se faisait entendre dans toutes les Églises — alors petites communautés locales — pour les exhorter à vivre dans l’unité et la charité autour de l’évêque, image terrestre du seul Évêque véritable et Grand Prêtre, Jésus-Christ. Unis par la foi inébranlable dans le Sauveur crucifié et ressuscité, et par la concorde qui vient de la charité et de leur commune espérance, les fidèles doivent se réunir autour de leur évêque et du collège des prêtres et des diacres, aussi souvent qu’ils le peuvent — particulièrement le dimanche, jour du Seigneur —, pour célébrer ensemble la sainte Eucharistie, « rompant le même pain, qui est remède d’immortalité, et antidote pour ne pas mourir, afin de vivre pour toujours en Jésus-Christ », « Là où est l’évêque, disait-il encore, là est Jésus-Christ, là est l’Église catholique (i.e. universelle) », l’assurance de la vie éternelle, le gage de la communion à Dieu. C’est pourquoi il n’y a qu’une seule assemblée eucharistique légitime : celle qui est accomplie par l’Église, dans l’unité de la foi autour de l’évêque ou de son représentant. Une fois la synaxe terminée, les chrétiens se doivent de manifester dans leur vie, dans leur conduite, ensemble et vis-à-vis du monde extérieur, dans leurs sentiments et leurs pensées, le même accord harmonieux que les cordes bien ajustées d’une lyre, de manière à chanter « d’une seule voix par Jésus-Christ un hymne de louange au Père ». « Soyez unis à l’évêque, recommande-t-il aux Éphésiens, comme l’Église l’est à Jésus-Christ, et Jésus-Christ au Père, afin que toutes choses soient en accord dans l’unité ». Il les engage à fuir, outre la haine et les querelles, les divisions de toutes sortes, « comme les principes de tous les maux ». Affermis ainsi dans la concorde et l’amour mutuel, la Vérité demeurera en eux, et l’Église, telle une citadelle céleste, restera pure et inaccessible à la contamination de l’hérésie. À la suite de saint Paul, saint Ignace énonçait ainsi les principes inchangés et inaltérables sur la nature de l’Église, l’institution de l’évêque, le rôle de l’assemblée eucharistique, les rapports entre l’Église locale et l’Église universelle, toutes choses qui font dire de la sainte Église : Toute la gloire de la fille du Roi vient du dedans. Elle est ornée de franges d’or, parée de couleurs variées (Ps 44, 15).
Après être monté sur le trône (98), Trajan laissa tout d’abord les chrétiens en paix, trop occupé qu’il était à mener la guerre contre les barbares. Mais, à la suite de ses victoires sur les Scythes et les Daces, il décida de soumettre tous les sujets de l’Empire au culte des idoles et de l’empereur, sous peine de mort. Vers l’an 113 (ou 117), il partit en campagne en direction de l’Arménie et de la Parthie. En chemin, il fit halte quelque temps dans la brillante ville d’Antioche, déclenchant à cette occasion une persécution locale contre les chrétiens en vue. Sentant que le moment tant attendu était enfin arrivé, saint Ignace se présenta alors de lui-même devant l’empereur et répondit hardiment à ses questions. Il confessa le Dieu Créateur et Ami des hommes et son Fils Unique Jésus-Christ, et ne craignit pas de tourner en dérision la superstition de ce puissant souverain qui faisait invoquer des êtres illusoires pour protéger ses armées. Irrité, Trajan lui demanda :
— « Tu es donc disciple du Crucifié sous Ponce Pilate ? »
— « Je suis le disciple de Celui qui a cloué mon péché sur la Croix, et a piétiné le diable et ses intrigues », répliqua le saint.
— « Pourquoi t’appelle-t-on Théophore ? »
— « Parce que je porte en moi le Christ vivant ! »
— « Que celui qui porte le Crucifié soit donc mené à Rome chargé de chaînes afin d’y être livré en pâture aux lions pour le divertissement du peuple », ordonna l’empereur.
Rempli de joie, le serviteur de Dieu baisa avec chaleur les lourdes chaînes dont on le chargeait, en les appelant « mes très précieuses perles spirituelles », liens tellement désirés et qui devaient lui procurer la plénitude de la vie en Christ, à l’exemple de saint Paul et tant de glorieux martyrs. Puis, ayant dit adieu à son Église en exhortant ses fils à changer leurs larmes en cantiques d’allégresse, il partit à pied, en compagnie d’autres prisonniers, escorté par une escouade de dix soldats cruels et implacables, véritables « léopards » écrit-il, qui l’accablaient de mauvais traitements, avec pour seul résultat d’ajouter à sa joie et à son empressement. Partis d’Antioche, ils parvinrent à grand-peine, tantôt par mer tantôt à pied, jusqu’à Smyrne, où Ignace fut accueilli avec une profonde émotion par son condisciple saint Polycarpe, évêque de la ville, à la tête de toute sa communauté. Il reçut là aussi des envoyés des Églises de la province d’Asie : l’évêque d’Éphèse, Onésime ; celui de Magnésie, Dèmas, et celui de Tralles, Polybes. Tout en leur délivrant ses ultimes enseignements, et en les exhortant à imiter la douceur et l’humilité de notre Seigneur Jésus-Christ dans les persécutions, devant les injures et les moqueries des païens, il leur insuffla sa joie et son désir de trouver au plus vite la perfection du martyre. Si bien qu’ils ne lui firent pas leurs adieux comme à un condamné à mort, mais ils le saluèrent comme un athlète déjà triomphant, comme un voyageur en partance vers le Ciel. De là, saint Ignace adressa d’admirables lettres aux chrétiens des Églises d’Asie Mineure, pour les confirmer dans la foi, pour les engager à se garder des hérésies en restant unis autour de l’évêque et du collège des prêtres en une seule assemblée eucharistique, et pour leur communiquer son brûlant enthousiasme.
Ayant appris que les fidèles de Rome voulaient tenter de le délivrer au moment de son exécution, il leur adressa une lettre pour refréner leur zèle inopportun et les supplier de ne pas intervenir. « C’est maintenant que je commence à être un disciple … Mon désir terrestre a été crucifié, et il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais une eau vive qui murmure et dit au-dedans de moi : “Viens vers le Père” ». L’amour du Christ bouillonnait à tel point en lui, qu’il lui inspira alors ces paroles de feu : « Pardonnez-moi, Frères, ne m’empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je meure. Permettez-moi d’être un imitateur de la passion de mon Dieu … Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je serai moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ ». Devenir, à l’image du Christ, vrai pain eucharistique, et célébrer par l’offrande de lui-même la véritable et parfaite Liturgie, tel était le seul désir du saint hiérarque.
De Smyrne, le cortège se rendit à Troas, où Ignace apprit avec joie que la persécution avait cessé à Antioche. Il écrivit alors aux Églises d’envoyer des représentants pour se réjouir avec ses enfants spirituels, et confia à Polycarpe le soin de son Église. Il aurait voulu envoyer d’autres lettres aux Églises, mais un ordre subit d’embarquement l’obligea à quitter Troas pour se rendre à Néapolis en Macédoine. De là, il passa par Philippes avant de s’embarquer à Dyrrachium pour l’Italie. Ayant atteint Rome, après de longues et pénibles étapes, il fut accueilli par les fidèles de la capitale dans une ambiance où les larmes de tristesse et d’angoisse se mêlaient à la joie de recevoir cet astre venu d’Orient, qui avait parcouru le monde pour venir se coucher à l’Occident. Lorsque le moment de l’exécution arriva, saint Ignace entra dans l’arène comme s’il s’avançait vers le saint autel pour célébrer son ultime Liturgie, devant ses fidèles mêlés aux païens sur les gradins du Colisée. Désormais pleinement évêque et disciple du Grand Prêtre de notre Salut, Jésus, à la fois prêtre et victime, il s’offrit avec complaisance aux lions voraces, qui se précipitèrent sur lui et le dévorèrent en quelques instants, ne laissant, selon son désir, que ses plus gros ossements. Ces précieux restes furent récupérés avec dévotion par les fidèles et furent ramenés en grande pompe vers Antioche, salués sur leur passage par les chrétiens, comme si le pasteur rentrait vivant et triomphant à son bercail.
(Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras)
TROPAIRES ET KONDAKIA DU JOUR
Tropaire de l’avant-fête, ton 4
Prépare-toi, Bethléem, car l’Éden est ouvert à tous. Apprête-toi, Ephrata, car, dans la grotte, l’Arbre de Vie a fleuri de la Vierge. Son sein est devenu un paradis spirituel, où pousse le plan divin. Si nous en mangeons, nous vivrons, nous ne mourrons pas comme Adam. Le Christ naît pour relever l’image de Dieu autrefois déchue.
Tropaire de saint Ignace le Théophore, ton 4
Des Apôtres ayant partagé le genre de vie * et sur leur trône devenu leur successeur, * tu as trouvé dans la pratique des vertus * la voie qui mène à la divine contemplation; * c’est pourquoi, dispensant fidèlement la parole de vérité, * tu luttas jusqu’au sang pour la défense de la foi; * Ignace, martyr et pontife inspiré, * intercède auprès du Christ notre Dieu, * pour qu’il sauve nos âmes.
Tropaire de saint Jean de Cronstadt, ton 4
Toi qui vis en Christ dans les siècles, ô thaumaturge, compatissant dans l’amour avec les hommes malheureux, écoute tes enfants qui t’invoquent avec foi, et qui attendent de toi une aide abondante, Jean de Kronstadt, notre bien-aimé pasteur.
Kondakion de saint Ignace le Théophore, ton 3
Le splendide jour de tes brillants combats * nous annonce déjà la Naissance virginale du Christ; * dans ta soif de jouir de son amour, * tu n’eus de cesse d’être broyé par les fauves comme froment; * c’est pourquoi, martyr Ignace, tu reçus * l’illustre nom de Théophore.
Kondakion de saint Jean de Cronstadt, ton 4
Élu de Dieu depuis ta jeunesse, et ayant miraculeusement reçu de Lui dans l’enfance le don d’apprendre, tu fus glorieusement appelé à la prêtrise dans une vision durant le sommeil, et tu devins un merveilleux pasteur de l’Église du Christ, ô Père Jean, éponyme de la grâce, prie le Christ Dieu afin que nous soyons tous avec toi dans le Royaume divin.
Kondakion, ton 1 avant-fête de la Nativité
Réjouis-toi, Bethléem, prépare-toi, Ephratha, car la Vierge s’empresse d’enfanter le grand Pasteur qu’elle porte en son sein ; à cette vue les Pères théophores se réjouissent et, avec les bergers, chantent la Vierge qui allaite.
ÉPITRE DU JOUR
I Tim. IV, 4-8, 16
Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière. En exposant ces choses aux frères, tu seras un bon ministre de Jésus Christ, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que tu as exactement suivie. Repousse les contes profanes et absurdes. Exerce-toi à la piété; car l’exercice corporel est utile à peu de chose, tandis que la piété est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir. Veille sur toi-même et sur ton enseignement; persévère dans ces choses, car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t’écoutent.
I Jn IV, 7-11 (S. Jean de Cronstadt)
Bien-aimés, aimons nous les uns les autres; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres.
ÉVANGILE DU JOUR
Lc XVI, 15-18, XVII, 1-4
Jésus leur dit : Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu. La loi et les prophètes ont subsisté jusqu’à Jean ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun use de violence pour y entrer. Il est plus facile que le ciel et la terre passent, qu’il ne l’est qu’un seul trait de lettre de la loi vienne à tomber. Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. Jésus dit à ses disciples : Il est impossible qu’il n’arrive pas des scandales ; mais malheur à celui par qui ils arrivent! Il vaudrait mieux pour lui qu’on mît à son cou une pierre de moulin et qu’on le jetât dans la mer, que s’il scandalisait un de ces petits. Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s’il se repent, pardonne-lui. Et s’il a péché contre toi sept fois dans un jour et que sept fois il revienne à toi, disant : Je me repens, – tu lui pardonneras.
Lc VI, 31-36 (S. Jean de Cronstadt)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi agissent de même. Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants. Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. »