Métropolite Joseph : lettre pastorale pour la Nativité du Seigneur 2022

OCCIDENTALE

«À présent réjouissez-vous avec moi, terre et ciel
je porte votre Créateur dans mes bras. 
Habitants de la terre, laissez là vos tristesses, 
en contemplant la joie qui a éclos dans mon sein immaculé, 
quand j’ai été appelée
: Pleine de grâce.»

Saint Romanos le Mélode[1]

Très-Révérends et Révérends Pères, 

Très-Révérendes Sœurs,

Frères et sœurs bien-aimés dans le Christ né à Bethléem, 

La Nativité de notre Seigneur Jésus Christ nous place, avec une singularité à chaque fois renouvelée, devant l’amour infini que nous porte Dieu le Père, Lui qui envoie son Fils unique prendre chair de la Vierge Marie, comme nouveau-né que les mages et les bergers trouvent dans la crèche de Bethléem. Sa venue nous révèle la vérité annoncée par les prophètes que Celui qui est de toute éternité naît[2] afin de vivre notre vie et de nous faire prendre part à la Sienne et à celle de Celui au Nom duquel Il vient, le Père céleste[3], et de l’Esprit Saint – afin de nous rendre participants de la vie trinitaire. Le Fils de Dieu devient fils de la Vierge et fait ainsi descendre à jamais les Cieux sur la terre qu’Il transforme en Ciel, en temple, en sa propre demeure, Lui le Roi du Ciel et de la terre, par l’humble grotte de Bethléem. « Et toi, Bethléem Ephrata, petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël, et dont l’origine remonte aux temps anciens, aux jours de l’éternité »[4]. Le Fils unique-engendré nous comble de sa présence pour nous impartir son amour et celui de la Trinité sainte, amour qui se répand en abondance sur le monde par son Incarnation. Par son Fils né dans la mangeoire, Dieu nous ouvre son propre cœur pour nous y recevoir, non point comme un maître recevrait son serviteur, mais comme un Père son fils. En Lui, Il nous révèle tout l’amour qu’Il a répandu sur ceux qui Le recevront et Le suivront[5]. Quant à nous, les hommes, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur età oser non seulement Le rencontrer, mais aussi Le recevoir comme Père, Lui qui nous offre la vie céleste et nous y appelle par Son Fils qui, en naissant dans la grotte d’animaux dépourvus de parole, nous en prépare le chemin. Dès lors, notre solitude face à une vie qui serait dénuée de sens et dirigée vers la mort prend fin. Dieu est avec nous![6]

Frères et sœurs bien-aimés,

Le Christ vient vivre notre vie et se fait Lui-même Petit pour nous rendre grands, Pauvre pour nous enrichir de ses biens, Humble pour nous exalter ; Il naît dans les ténèbres de la nuit de ce monde pour nous élever à la lumière ; Il naît dans l’oubli et l’ignorance de tous afin de nous élever avec Lui dans la gloire devant toutes les armées célestes ; Il est nourri de lait maternel afin de nous abreuver de nourriture céleste.

L’Enfant Jésus naît et, faisant de nous des fils de Dieu, Il métamorphose en profondeur la vocation du monde et de l’homme ; Il vit notre vie pour nous permettre de vivre la Sienne ; Il s’oublie Lui-même ainsi que sa gloire devant le monde, afin de nous remplir de sa Gloire que les disciples contempleront au Thabor ; Il descend et poursuit sa descente de la grotte de Bethléem à la grotte du Sépulcre et jusqu’aux enfers, afin de nous élever à jamais avec Lui jusqu’au Ciel, à la droite du Père, à l’étonnement des Puissances célestes. Toute chose que le Seigneur Jésus Christ accomplit et vit, c’est pour nous qu’Il le fait. Le mystère de Bethléem se révèle être celui de notre salut, du salut de l’humanité tout entière, en vue duquel la ville sainte, recevant l’Emmanuel, oriente Dieu pour l’éternité vers nous, l’humanité, tout comme elle nous réoriente nous aussi à jamais vers Dieu.

« Éveille-toi, ô homme, pour toi Dieu s’est fait homme ! », s’exclame le bienheureux Augustin[7]. Sommes-nous prêts à recevoir l’amour que Dieu nous donne par la naissance de son Fils ? En Lui, le saint Enfant, Dieu et l’homme s’étreignent l’un l’autre pour l’éternité ! L’enfant divin régénère le monde en en réorientant vers Lui-même la finalité, pour nous permettre de choisir de notre libre choix de renverser le sens de notre vie, et avec celui-ci celui du monde, le faisant passer de la perdition à la vie, des ténèbres à la lumière, du péché au pardon et à la vertu, de l’humain au divin, par la grâce de l’amour divin déversé sur chaque personne et sur l’humanité dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle nous ne saurions vivre seuls son amour, uniquement pour nous. Car cet amour n’a d’autre dessein que d’être vécu et éprouvé àl’égard de mon prochain, proche ou lointain, mais aussi à l’égard de la création que Dieu a mise entre nos mains. Par l’amour, nous sommes aussi appelés à nous changer, nous-mêmes et le monde dans lequel nous vivons.

Fidèles bien-aimés, 

La haine et la division entre les personnes et les peuples, les guerres et les conflits armés, les catastrophes naturelles, les inondations ou la sécheresse, le froid ou la chaleur extrême, les tremblements de terre et les phénomènes effroyables, la faim et la soif qui s’installent dans différentes contrées du monde nous poussent tous à revenir à l’amour que l’Enfant Jésus, en venant au monde, nous apporte. Par le jeûne et la prière, par le pardon et l’humilité, par l’aumône et l’amour du prochain, demandons pardon à Dieu pour notre manque de mesure en toute chose. L’absence de jeûne physique, mais également spirituel, la recherche des plaisirs par la consommation excessive et le gaspillage dans tous les domaines, déterminant en grande partie l’incapacité de notre planète à nous contenir et à nous porter, tout cela serait propre à restaurer dans notre vie chrétienne, comme une habitude, le jeûne et la prière pour le salut du monde, car « la prière est un remède salutaire, écrit saint Nectaire le Thaumaturge, qui retranche le péché et guérit des égarements ».

Qui donc, sinon nous, les chrétiens, qui connaissons aujourd’hui plus que jamais la valeur du jeûne, devrait faire évoluer la mesure en toute chose, la tempérance, se faisant lumière pour les autres, selon la parole du Sauveur Lui-même qui nous dit : « Vous êtes la lumière du monde »[8] ? Que laissons-nous donc aux enfants et aux générations qui nous succéderont ? Veillons à ne pas laisser simplement un mondedésertifié par l’imprévoyance, l’immodération et la cupidité de ceux qui y vivent actuellement. Ne quittons pas un monde conquis au fil des jours par la haine et le mépris de tout et de tous, à commencer par soi-même. Ne prenons pas congé d’un monde où la Lumière du Christ soit cachée par la négligence et par notre péché, à nous, les chrétiens.

Frères et sœurs bien-aimés, 

L’année qui s’achève à présent était consacrée par le Saint Synode de notre Église à la prière dans la vie de l’Église et du chrétien et à la commémoration des saints hésychastes Syméon le Nouveau Théologien, Grégoire Palamas et Païssy de Neamț. L’année qui débute, 2023, sera dédiée à la pastorale des personnes âgées et à la commémoration des hymnographes et chantres de l’Église. Au cours de l’année qui vient, nous aurons davantage l’occasion de penser à nos parents, de près ou de loin, et à la manière dont nous pouvons aider les personnes âgées, elles qui nous ont donné la vie et nous ont procuré les moyens de nous y battre. Nous réfléchirons également davantage à ce qui a fait et continue de faire la beauté et la continuité de nos offices liturgiques au cours des siècles, grâce au soin et à l’effort de ceux qui, hymnographes ou chantres, expriment les vérités immuables de la foi à travers la parole écrite et les hymnes liturgiques les plus authentiques. 

Luttons de toutes nos forces pour gagner un monde où soit connu et reçu par le plus grand nombre l’amour que l’Enfant Divin apporte par sa naissance dans la grotte d’animaux sans raison. Le chrétien qui a connu et vit l’amour dont le Christ nous a comblés est toujours avisé et bienveillant, miséricordieux et indulgent, joyeux et aimant, afin que par lui l’œuvre du mal soit engloutie. Prions le Christ-Seigneur de nous impartir la puissance de son amour, afin que nous vivions dans sa Vérité qu’il nous revient de transmettre à notre tour à l’homme contemporain, à nos enfants, sans crainte ni honte, par nos œuvres, pour que, dans le monde et à travers nous, Son amour soit vainqueur.

Nous prions notre Dieu de miséricorde et d’amour de vous accorder santé, salut, paix et joie, tant en famille qu’en communauté, à chacun d’entre vous, et de vous aider en toute œuvre de bien.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous![9]

† Joseph,

Archevêque d’Europe Occidentale 

et Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale

Paris, Nativité du Seigneur 2022.   


[1]. Hymne « La Nativité », II, 2, SC 110, Paris 1965, p. 91.

[2]. Cf. Isaïe 7.

[3]. Cf. Jean 14.

[4]. Michée 5,2.

[5]. Cf. Jean 3.

[6]. Isaïe 7, 14.

[7]. Sermon 185, pour la nuit de Noël, PL 38, col. 494 s.

[8]. Matthieu 5,14.

[9]. 2 Corinthiens 13, 13.

24 Décembre 2022

À propos de l'auteur

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Jivko Panev

Jivko Panev, cofondateur et journaliste sur Orthodoxie.com. Producteur de l'émission 'Orthodoxie' sur France 2 et journaliste.
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