Grand Carême
Saint Gérasime du Jourdain, anachorète (475) ; saints martyrs Paul et Julienne (vers 273) ; saint Jacques le Jeûneur (VIème s.) ; saint Grégoire, évêque de Constance à Chypre ; saint Léonard, évêque d’Avranches et confesseur (630) ; saint Joasaph de Pskov (1299) ; saint Basile, prince de Rostov (1238) ; saint Daniel, prince de Moscou (1303) transfert des reliques du saint prince Wenceslas de Bohême (938) ; saint Gérasime de Vologda (1178) ; saint hiéromartyr Alexandre (Likharev), prêtre (1938).
SAINT GÉRASIME DU JOURDAIN

Notre saint Père Gérasime naquit dans la province de Lycie, à la fin du ive siècle, et entra dès son enfance dans un monastère cénobitique. Après avoir été initié aux règlements de la vie commune, son ardent désir de Dieu le conduisit en des lieux déserts où il se nourrissait de plantes poussant là naturellement, et il passait ses jours et ses nuits à lutter contre les esprits des ténèbres et les passions de la chair. De là, il se rendit en Terre Sainte pour entreprendre de plus grands combats dans les lieux sanctifiés par la présence de tant de saints ascètes et nouveaux apôtres. Après avoir vénéré les sanctuaires de Jérusalem, il se dirigea vers l’âpre désert de la mer Morte, qu’il civilisa par ses vertus, et attira à lui un grand nombre de disciples.
Pendant les temps troublés qui agitèrent les moines de Palestine après le Concile de Chalcédoine (451) et entraînèrent vers l’hérésie plus de dix mille d’entre eux, saint Gérasime, victime de sa grande simplicité, se laissa séduire lui aussi quelque temps par l’éloquence trompeuse du monophysite Théodose qui s’était emparé du siège épiscopal de Jérusalem, à la place de saint Juvénal [2 juil.]. Mais, rencontrant saint Euthyme [20 janv.] dans le désert de Rouba, il réalisa son erreur, accueillit avec humilité son enseignement et revint à l’Orthodoxie pour devenir, tant par sa vie que par ses enseignements, un fervent défenseur de la vraie foi. Par la suite, il garda de fréquentes relations avec le grand Euthyme et, chaque année, il partait avec lui pour le désert profond, afin de passer tout le Carême, jusqu’au dimanche des Palmes, dans le jeûne le plus strict et la prière permanente. Pendant la semaine, il s’abstenait de toute nourriture et ne se contentait, le dimanche, que de la sainte Communion.
Comme ses disciples devenaient plus nombreux, il condescendit à leur faiblesse et alla fonder une laure dans un endroit plus clément, sur les rives du Jourdain, dans laquelle il alliait harmonieusement la vie communautaire et la solitude, offrant ainsi à tous une saine émulation dans les combats de la vertu. Les débutants devaient d’abord vivre dans le coenobium pour y apprendre la soumission et les institutions de la vie angélique, puis ceux d’entre eux qui étaient suffisamment éprouvés dans l’ascèse et l’humilité allaient vivre en solitaire aux alentours, répartis dans plus de soixante-dix cellules qui étaient assez éloignées les unes des autres pour que chacun puisse se livrer sans trouble à la prière et aux hymnes divines, se nourrissant seulement de pain et d’eau pendant les cinq jours de la semaine. Le samedi et le dimanche, ermites et cénobites, se réunissaient dans l’église pour célébrer la Divine Liturgie et participer aux saints Mystères. Après le repas commun, suivi de quelque conversation spirituelle ou d’une conférence de leur père spirituel, Gérasime, ils recevaient leurs provisions pour la semaine : un pain, quelques dattes et une cruche d’eau, et les fournitures nécessaires à leur travail manuel, puis chacun repartait en silence pour mener son combat, seul devant Dieu. Ces ermites menaient une vie si rigoureuse qu’on ne trouvait dans leurs cellules ni lampe, ni rien pour allumer du feu. Ils ne possédaient qu’une tunique, un manteau (mandya), un capuchon (coucoulion), une natte pour couche et un vase en terre cuite dans lequel ils mangeaient et dont ils se servaient pour mouiller les feuilles de palmes qu’ils tressaient. Mortifiant leur ventre et toutes les passions charnelles par un combat permanent contre la tendance de notre nature au plaisir, ils apprenaient à rester maîtres de la tristesse, de la colère et de toutes les passions de l’âme, et gardaient leur intellect en éveil dans le constant souvenir de Dieu. Saint Gérasime leur enseignait comment mettre tout leur soin à cultiver l’homme caché du cœur et à élever leur âme vers la contemplation des mystères divins. Ils étaient si dépouillés de tout attachement aux choses du monde qu’ils avaient comme règle, quand ils sortaient, de laisser leur cellule ouverte à quiconque entrerait pour prendre ce dont il avait besoin. N’ayant qu’un seul cœur, qu’une âme, personne ne disant sien quoi que ce fût, car tout appartenait à tous, ils imitaient parfaitement la vie des apôtres, et pouvaient ainsi recevoir de Dieu les mêmes grâces que ces derniers.
Saint Cyriaque l’Anachorète [29 sept.] qui, trop jeune encore pour entreprendre les combats du désert, avait été envoyé par saint Euthyme auprès de Gérasime pour devenir son disciple, racontait qu’un jour, après avoir été averti de nuit par la vision d’une colonne de feu qui s’élevait au ciel, son Ancien lui annonça que saint Euthyme venait de décéder et qu’ils devaient se rendre à ses funérailles, après une longue marche dans le désert jusqu’à Jéricho.
Une autre fois, comme le saint se promenait sur la rive du Jourdain, un lion terrifiant se présenta soudain devant lui, hurlant de douleur et lui montrant sa patte enflée, car une pointe de roseau s’y était enfoncée. Animé de cette même compassion que Dieu éprouve envers toutes ses créatures, Gérasime retira l’épine, nettoya la plaie et la banda, puis il congédia la bête. Mais le lion, plein de reconnaissance, ne voulut plus quitter l’homme de Dieu. Il le suivait partout, comme un disciple exemplaire, et, converti de sa férocité naturelle, il ne mangeait plus que du pain et des légumes. Il avait même reçu une obédience et était chargé de conduire l’âne du monastère pour le faire paître sur les rives du fleuve. Un jour, échappant à la surveillance du lion, l’âne s’éloigna et fut capturé par des chameliers qui venaient d’Arabie. Le lion revint au monastère tout triste et la tête baissée. Saint Gérasime, croyant qu’il avait mangé l’âne, le réprimanda sévèrement et le condamna à faire désormais le travail de la bête de somme, en portant l’eau du fleuve au monastère. Quelque temps après, le chamelier qui avait pris l’âne, étant de nouveau de passage dans la région, se trouva par hasard en face du lion. En reconnaissant l’âne, le lion fonça aussitôt sur lui et, le prenant par la bride avec trois chameaux à la suite, il le ramena avec joie au monastère d’Abba Gérasime en frétillant de la queue de joie. Son innocence ayant été reconnue, le lion, qui avait reçu le nom de Jourdain, vécut dès lors dans la laure, inséparable du saint et ami de tous les moines.
Au bout de cinq ans, quand saint Gérasime s’endormit dans le Seigneur (5 mars 475), Jourdain était absent de la laure. Lorsqu’à son retour, les moines lui apprirent la mort de l’Ancien, il refusa de manger et, tournant çà et là, il poussait de grands rugissements de désespoir. Comme les moines ne parvenaient pas à le consoler, l’un d’eux l’invita à le suivre pour voir l’endroit où l’on avait enterré le saint. Aussitôt qu’il approcha de la tombe, le lion se prosterna avec le moine et, frappant violemment sa tête contre terre, il mourut sur place en poussant un grand rugissement. Jean Moschos, qui nous a transmis cet épisode, conclut en disant : « Tout cela se fit non pas qu’il faille attribuer au lion une âme raisonnable, mais parce que Dieu voulait glorifier ceux qui le glorifient, non seulement durant leur vie, mais encore après leur mort, et montrer comment les bêtes étaient soumises à Adam avant qu’il eût transgressé son commandement et qu’il eût été chassé du Paradis de délices ».
La laure de saint Gérasime est restée pendant longtemps un des hauts lieux du monachisme palestinien, jusqu’à sa destruction au xiiie siècle. Prenant avec eux les reliques du saint, les moines s’installèrent alors dans la Laure de Calamon qui prit le nom de saint Gérasime.
(Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras)
TROPAIRES ET KONDAKIA DU JOUR
Tropaire de saint Gérasime, ton 1
Le désert fut ta cité, dans la chair tu fus un Ange, / tes miracles te signalèrent, Père Gérasime porteur-de-Dieu; / par le jeûne, les veilles et l’oraison / tu as reçu les charismes du ciel / pour guérir les malades et les âmes des fidèles qui accourent vers toi. / Gloire à celui qui t’a donné ce pouvoir, / gloire à celui qui t’a couronné, / gloire à celui qui opère en tous, par tes prières, le salut.
Kondakion de saint Gérasime, ton 4
Embrasé par l’amour suprême, tu préféras / à toutes les délices du monde l’âpre désert du Jourdain; / c’est là qu’un fauve te servit docilement jusqu’à ta mort / et de chagrin se laissa mourir sur ton sépulcre, Père saint, / Dieu te glorifiant d’une telle façon; / vénérable Père, intercédant auprès de lui, / de nous tous, Gérasime, souviens-toi.
Lectures de l’Ancien Testament
Isaïe VIII, 13- IX, 7
Ne sanctifie que le Seigneur, et que seul Il soit l’objet de ta crainte. Et si tu mets en Lui ta confiance, Il sera ta sanctification; et tu ne te heurteras pas à Lui comme à une pierre d’achoppement, comme à une roche qui croule. Mais les maisons de Jacob sont dans un piège, et les habitants de Jérusalem sont dans une fosse. C’est pourquoi beaucoup d’entre eux seront sans force, et ils tomberont, et ils seront brisés ; ils approcheront du filet, et ils y seront pris. Alors apparaîtront manifestement ceux qui ont été marqués d’un sceau pour n’avoir pas appris la loi. Et je dirai: J’attendrai Dieu, qui a détourné Sa face de la maison de Jacob, et je mettrai en Lui ma confiance. Et moi, me voici avec les fils que Dieu m’a donnés. Et il y aura des signes et des prodiges dans la maison d’Israël, envoyés par le Seigneur Dieu des armées, qui habite sur la montagne de Sion. Et si l’on vous dit : Consultez les magiciens et ceux qui font sortir leur voix de la terre, et les diseurs d’imposture qui parlent du ventre, répondez : Est-ce que chaque nation ne consulte pas son Dieu? Pourquoi consulter les morts au sujet des vivants? Car Dieu a donné une loi pour qu’on y ait recours et qu’on dise : Ce n’est pas selon ce précepte qui interdit de donner pour cela des présents. Et il viendra sur vous une cruelle famine, et, quand vous aurez faim, il arrivera que vous serez dans l’affliction, et vous maudirez le prince et les coutumes de vos ancêtres ; et le peuple lèvera les yeux au ciel. Puis il les abaissera vers la terre; et voilà qu’il y aura détresse et ténèbres, tribulation et angoisses; et les ténèbres seront telles qu’on ne verra plus, et celui qui sera dans l’angoisse y sera pour longtemps. Bois d’abord ceci, hâte-toi, terre de Zabulon, et toi, terre de Nephthali, et vous, restes des habitants de la côte, et toi, Galilée des gentils au delà du Jourdain ! Peuples qui marchez dans les ténèbres, voyez une grande lumière ; et vous qui habitez dans la région ténébreuse de la mort, une lumière luira sur vous; sur vous qui êtes la plus grande part d’un peuple que Tu as amené, Seigneur, à Tes joies; et ils se réjouiront de Ta vue, comme ceux qui se réjouissent d’une moisson, ou qui se partagent des dépouilles; parce que Tu as ôté le joug qui pesait sur eux, et la verge qui courbait leur cou. Car le Seigneur a brisé la verge de ceux qui les pressuraient, comme au jour où Il s’est déclaré contre Madian. Ils rendront le prix des robes qu’ils ont accumulées par fraude, et des manteaux qu’ils ont eus par les vicissitudes de la guerre; et ils consentiront à les voir brûlés par le feu. Car un petit enfant nous est né, et un fils nous a été donné; la principauté repose sur son épaule, et Il est appelé de ce nom l’Ange du grand conseil. Par Lui J’amènerai la paix sur les princes, par Lui la santé et la paix. Sa principauté est grande et à la paix qu’Il donne il n’est point de limites; Il s’asseoira sur le trône de David et Il possédera son royaume pour le conduire et raffermir dans l’équité et la justice, maintenant et dans tous les siècles; l’amour du Seigneur des armées fera ce prodige.
Genèse VI, 9-22
Voici les générations de Noé. Noé, homme juste, irréprochable dans sa vie, Noé était agréable à Dieu. Et Noé engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. Or, la terre était corrompue devant Dieu, et pleine d’iniquités. Et le Seigneur Dieu vit la terre toute corrompue, parce que toute chair sur la terre avait corrompu ses voies. Et le Seigneur Dieu dit à Noé : Le temps fatal de tous les hommes est arrivé devant moi, parce que la terre est pleine de leurs iniquités ; voilà donc que je vais détruire eux et toute la terre. Ainsi, fais-toi une arche de pièces de bois équarries ; tu composeras l’arche de cellules, et tu l’enduiras de bitume, au dedans et en dehors. Voici comment tu feras l’arche : trois cents coudées de long, cinquante coudées de large, trente coudées de haut. Tu construiras l’arche en rassemblant les bois les uns au-dessus des autres ; tu donneras au faîte une coudée de plus d’élévation ; tu feras la porte de l’arche sur les flancs ; elle aura des chambres basses, un étage au-dessus, et un troisième étage. Car voilà que Je prépare un déluge ; J’amènerai de l’eau sur la terre pour anéantir toute chair ayant souffle de vie sous le ciel, et tout ce qui est sur la terre périra. J’établirai mon alliance avec toi; puis tu entreras dans l’arche, et avec toi entreront tes fils, ta femme, et les femmes de tes fils. De tous les oiseaux ailés, par espèces, et de tous les reptiles se traînant à terre, selon leurs espèces, deux couples, pris parmi tous, mâles et femelles, entreront près de toi, pour être nourris avec toi. En même temps tu prendras avec toi de tous les aliments que vous mangez, tu les transporteras près de toi, et ce sera pour votre nourriture et pour la leur. Et tout ce que lui ordonna le Seigneur Dieu, Noé l’accomplit exactement.
Proverbes VIII, 1-21 Tu proclameras la Sagesse, afin que la prudence t’obéisse. Car elle se tient sur les cimes des monts; elle est debout au milieu des sentiers. Elle s’assied devant les portes des riches, et à l’entrée des villes, elle chante. C’est vous, ô hommes, que J’appelle ; J’élève ma voix devant les fils des hommes. Comprenez, innocents, la subtilité ; et vous, ignorants, déposez la science en votre cœur. Écoutez-moi ; car Je vais dire des choses saintes, et proférer de mes lèvres la justice. Car ma langue va méditer la vérité, et J’ai en abomination les lèvres menteuses. Toutes les paroles de ma bouche sont selon la justice ; en elles rien d’oblique et de tortueux. Elles sont toutes offertes à ceux qui comprennent, et justes pour ceux qui trouvent la Sagesse. Recevez l’instruction et non l’argent, et la science plutôt que l’or raffiné. Car la sagesse a plus de prix que les pierres précieuses, et rien de ce que l’on estime de plus précieux ne la vaut. Moi, la Sagesse, J’ai demeuré avec le conseil et le savoir ; J’ai appelé à moi l’intelligence. La crainte du Seigneur hait l’iniquité, et l’insolence, et l’orgueil et les voies des méchants ; et moi aussi, Je hais les voies tortueuses des méchants. C’est à moi le conseil et la fermeté, à moi la prudence, à moi la force. Par moi, les rois règnent, et les princes écrivent des jugements équitables. Par moi, les grands sont glorifiés ; par moi, les monarques commandent à la terre. Moi J’aime ceux qui m’aiment, et ceux qui me cherchent me trouvent. De moi dépendent la fortune et la gloire, et les grandes richesses et la justice. Mieux vaut recueillir mes fruits que de l’or et des pierres précieuses, et mes rejetons sont meilleurs que l’argent le plus pur. Je me promène dans les voies de l’équité, et Je reviens par les voies de la justice ; pour distribuer à ceux qui m’aiment une part de mes richesses, et remplir de biens leurs trésors.