Bertrand Vergely, « La vraie morale se moque de la morale. Éloge de la finesse », Guy Trédaniel éditeur, 2025, 277 pages, 21 euros.
Voici un livre décapant de bout en bout pour débusquer les faux-semblants ainsi que pour (re) trouver, et approfondir, des chemins de vie authentiques et fructueux. Le nouvel ouvrage de Bertrand Vergely explore les différentes facettes de cette pensée de Blaise Pascal (1623-1662) : « La vraie morale se moque de la morale ». L’auteur invite à voir autrement et pour tout dire à voir vraiment, par-delà les apparences et les jeux de rôle, et par là à vivre vraiment. En effet, « La morale vient de la vie » dit-il (p.18), cette dernière étant visible et invisible, matérielle et immatérielle. La morale est la plupart du temps associée aux convenances et règles sociales qui masquent souvent le conformisme ainsi qu’une rigidité extérieure qui finalement emprisonne l’être, l’appauvrit et ne produit que des séparations. « Lorsque rien ne vit, tout est séparé, Dieu, la nature, l’homme, les hommes, le moi, les autres, l’intérieur, l’extérieur, le corps, l’âme, etc. » (p. 120) observe Bertrand Vergely.
Le sous-titre, « Éloge de la finesse », renvoie également aux écrits de Pascal et à la distinction que celui-ci opère entre esprit de géométrie, esprit de justesse et esprit de finesse. Si le premier relève d’une lecture scientifique du monde, s’appuyant sur le raisonnement qui mesure et sépare, le dernier relève de l’âme et de son discernement qui sonde la vérité de toute chose tandis que l’esprit de justesse serait plutôt la capacité d’entrer à l’intérieur des réalités saisies. C’est pourquoi Pascal associe la finesse au jugement, et pour être plus précis au jugement juste. Pour Pascal, esprit de géométrie et esprit de finesse sont rarement conjoints dans un être. Bertrand Vergely, dans le droit fil de la pensée grecque, plaide pour l’équilibre et l’harmonie de la terre et du ciel, de l’extérieur et de l’intérieur, en somme pour reprendre la distinction pascalienne, de l’esprit de géométrie et de l’esprit de finesse.
Bertrand Vergely conduit son ouvrage, ou est conduit par son ouvrage comme il l’esquisse dans son épilogue, de manière pédagogique. Il débute par des clarifications ou définitions, comme concernant la morale, ce qu’elle est et n’est pas, puis poursuit par ce qui relève de la théologie ascétique : les passions (« Ces passions qui emmènent en enfer ») et les vertus (« Ces vertus qui redonnent la vie »), enfin il décline différents aspects de la « force de vie ».
Un livre pour tous, pour déciller tout d’abord, mais aussi pour s’élancer et s’élever dans l’onde du vivant afin que son flot qui dévoile tant de merveilles porte enfin l’existence au plus haut. Salutaire !
Christophe Levalois