« Le juste vivra par la foi. La vie de l’higoumène Alexia du monastère de la Présentation de la Vierge au Temple d’Orel (1866-1941) », Éditions des Syrtes, 2025, 154 pages, 16 euros.
Cet ouvrage, sans nom d’auteur, a été traduit du russe avec « la bénédiction et à l’instigation » du métropolite Jean de Doubna. Il est dédié à la mémoire du regretté docteur Jean Liamine (1932-2024). En effet, le livre a grandement bénéficié des archives familiales de Jean Liamine, des écrits et des photographies qu’il a transmis, car l’higoumène Alexia était sa grand-tante et fut en outre très proche de ses parents, à la fois de son neveu, le musicien et compositeur Jean Liamine (1899-1944) et de son épouse, Zinaïda Kolpakov en partie élevée par l’higoumène Alexia et auprès de laquelle elle resta de longues années avant de partir à Paris rejoindre son fiancé et futur mari.
C’est l’histoire de plusieurs vies autour de l’higoumène Alexia, comme celle de son évêque le saint martyr Séraphin d’Orel (1880-1937), une ville de l’ouest de la Russie, et de bien d’autres, qui comme la sienne furent happées par l’immense tragédie qui frappa la Russie lorsque les communistes s’emparèrent de cette grande puissance et imposèrent un totalitarisme meurtrier et antireligieux. En ce sens, c’est un ouvrage de microhistoire, d’un groupe de personnes malmenées par cette violente tourmente, persécutées durant de nombreuses années, mais dont la ferveur n’a pas faibli, cependant une microhistoire pleinement révélatrice de ce qui a été subi par le plus grand nombre.
Le récit, d’une lecture aisée accessible à tous, captivant, relate comment des communautés florissantes furent spoliées, ses membres humiliés, diffamés, violentés, arrêtés, parfois exécutés sommairement, finalement déportés dans des conditions qui rendaient l’espérance de vie restante limitée, voire très limitée, tandis que d’autres étaient assassinés d’emblée. Au milieu des enfers que ces personnes ont traversés, de cette longue Passion, la flamme de leur foi ne s’est jamais éteinte. Cependant, après leur disparition de ce monde et les années de persécution qui se poursuivirent en Russie plongèrent en grande partie, sinon totalement, dans l’oubli ces personnes, les rares témoins vivants se protégeant par le silence.
De 1923 à 1993, le monastère de la Présentation de la Vierge au Temple de la ville d’Orel, fondé au XVIIe siècle, dont Mère Alexia était l’higoumène (en Occident on dirait l’abbesse), et l’un des plus importants de Russie, fut saccagé et resta fermé. La vie monastique y repris à partir de 1993 et en même temps son histoire fut redécouverte peu à peu.
Mais c’est à Paris, grâce au fils de Jean et Zinaïda Liamine, le docteur Jean Liamine, à ses archives, qu’une partie importante de cette histoire fut portée à la connaissance de la nouvelle communauté monastique russe. Jean Liamine le raconte à la fin de l’ouvrage. En 2002, une équipe de télévision russe vient l’interroger sur le rôle de sa famille en Russie avant 1917 et sur les compositions de son père. Il choisit de parler dans l’église Saint-Séraphin de Sarov à Paris devant l’icône de saint Séraphin, donnée par saint Séraphin d’Orel à sa mère en 1922 pour la remettre au métropolite Euloge qui la déposa alors dans l’endroit où s’éleva une dizaine d’années plus tard l’église en question. Le reportage fut vu à Orel et l’higoumène de la nouvelle communauté prit alors rapidement contact avec Jean Liamine. L’icône a malheureusement disparu le 17 avril 2022, dans l’incendie qui ravagea l’église, mais avant cela elle fut un signe pour la communauté d’Orel qui lui a permis de retrouver, à Paris, une partie de sa mémoire tragiquement égarée. Une restitution en somme.
Christophe Levalois
