Jour de jeûne
Saint Antoine le Grand, moine en Égypte (356) ; saint Genou, évêque de Cahors (vers 250) ; sainte Yolaine, martyre (363) ; Saint Marcel, évêque de Die (510) ; saint Sulpice, évêque de Bourges (647); saint Richmir, abbé fondateur du monastère de Saint-Rigomer-des-Bois (vers 715) ; saint Antoine de Dymsk (1224) ; saint Antoine du Lac Noir (XVIème s.) ; saint néomartyr Georges de Ioannina (1838) ; saints nouveaux martyrs de Russie : Victor (Evropeïtsev), prêtre (1931) et Paul (Ouspensky), prêtre (1938).
SAINT ANTOINE LE GRAND
Saint Antoine, la première fleur du désert, naquit vers l’an 251, dans le petit village de Coma (auj. Qîmân al-Ariâs dans la région de Al-Ouasta) dans la vallée du Nil. Ses parents, nobles et riches chrétiens, l’élevèrent dans la foi et la crainte de Dieu. Ils se chargèrent eux-mêmes de l’éducation du jeune garçon, car Antoine ne souhaitait pas se mêler aux jeux turbulents des autres enfants et n’éprouvait que mépris pour les sciences profanes. Il ne sortait de la maison que pour se rendre à l’église, où il suivait avec attention la lecture des livres sacrés et le récit des exploits des saints.
Vers l’âge de vingt ans, la mort de ses parents le laissa à la tête du patrimoine familial et seul responsable de l’éducation de sa jeune sœur. Un jour, comme il se rendait à l’église en méditant sur la vie paisible et dégagée de tout souci des Apôtres et des premiers chrétiens, il entendit la lecture de ces paroles de l’Évangile : Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi (Mt 19, 21). Convaincu qu’elles n’avaient été dites que pour lui, il alla partager sans retard toutes les terres qu’il possédait entre ses voisins, vendit ses meubles et en distribua le prix aux pauvres, ne gardant que le nécessaire pour établir sa sœur. Une autre fois, après avoir entendu lire les paroles : Ne soyez pas en souci du lendemain (Mt 6, 34), il décida de renoncer définitivement au monde, distribua le reste de ses biens, confia sa sœur à des personnes vertueuses et quitta sa maison pour embrasser la vie ascétique.
En ce temps-là, il n’existait pas encore de monastères organisés. On ne trouvait que quelques hommes vivant en solitaires non loin de leur village, dans le jeûne et la prière. Un de ces anciens demeurait non loin de là. Antoine se proposa donc de l’imiter. Il s’installa lui aussi dans un lieu isolé, où, l’esprit libre de toute préoccupation et de tout souvenir de sa vie passée, il travaillait de ses mains, distribuait ses surplus aux pauvres, méditait les livres saints et s’efforçait de garder imperturbable la prière en son cœur. Semblable à une abeille industrieuse, chaque fois qu’il entendait louer la vertu de quelque solitaire, il se rendait auprès de lui, observait l’humilité des uns, la mortification, l’assiduité à la prière ou à la méditation des autres et, une fois rentré dans sa cellule, il s’efforçait de rassembler en lui-même toutes ces vertus.
Le démon, envieux de toutes les bonnes actions des hommes, ne pouvant souffrir de voir une telle ardeur en un si jeune homme, décida de partir en guerre contre lui. Il lui suggéra d’abord le souvenir des biens qu’il avait quittés, de sa sœur qu’il avait abandonnée et de tous les plaisirs de sa vie passée. Puis il lui représenta de manière épouvantable les difficultés de la vie ascétique, la faiblesse de son corps, le long combat qu’il aurait à soutenir pendant des années et tout un nuage épais de pensées diverses. Comme Antoine résistait à ces assauts par la fermeté de sa foi, la patience et la prière continuelle, le Malin passa à l’attaque sur un autre front. Il lui présenta à l’esprit des pensées d’impureté et excita ses sens juvéniles par quantité de suggestions obscènes. Et, voyant qu’il tenait bon, il prit de nuit l’apparence d’une femme qui l’invitait au péché par des gestes effrontés. Mais le vaillant soldat du Christ repoussa Satan par le souvenir des peines de l’enfer. Le démon excédé lui apparut alors sous l’aspect d’un enfant hideux et sombre et, se présentant comme l’esprit de la fornication, il reconnut avoir été vaincu par lui. Devant cette apparition aussi ridicule, Antoine le repoussa avec dédain, en chantant : Le Seigneur est mon secours, et je mépriserai tous mes ennemis (Ps 117, 7). Il était en effet convaincu que ce n’était pas lui-même qui avait remporté cette première victoire, mais la grâce de Dieu qui était en lui (1 Cor 15, 10). Sagement averti par les saintes Écritures des diverses machinations des démons, il ne se laissait pas endormir dans une trompeuse sécurité ; mais, toujours sur ses gardes, il travaillait avec encore plus de soin à réduire son corps en servitude, de peur que, victorieux dans un combat, il ne se trouvât vaincu dans un autre. Ayant désormais affermi sa résolution par une sainte habitude, il n’éprouvait plus de peine à passer souvent la nuit entière en prière, ne mangeait qu’un peu de pain et de sel, de deux jours en deux jours, et se refusait toute consolation humaine. Oubliant le temps déjà passé dans ce genre de vie et sans cesse tendu plus avant (Phil 3, 14), il considérait chaque jour comme le début de son ascèse et faisait sienne les paroles du prophète Élie : Le Seigneur est vivant, en présence duquel je me tiens aujourd’hui (3 Rg 18, 15 LXX).
C’est ainsi qu’il passa à l’offensive et se choisit pour retraite un des anciens sépulcres creusés par les païens. Ne pouvant souffrir cette provocation, Satan vint l’assaillir de nuit avec toute une troupe de démons. Ils l’accablèrent de tant de coups qu’ils le laissèrent à terre, couvert de plaies. Quand l’ami chargé de son ravitaillement le découvrit ainsi à demi-mort, il le transporta en hâte à l’église du village. Mais aussitôt qu’il eût repris ses sens, Antoine supplia son ami de le transporter de nouveau dans le sépulcre. Incapable de se tenir debout, il priait allongé et défiait audacieusement les démons. Ceux-ci pénétrèrent en foule dans le tombeau, en prenant l’apparence de toutes sortes de bêtes sauvages et de reptiles. Le preux guerrier était assailli de tous côtés, mais il les repoussait en leur criant avec force : « Si vous aviez quelque pouvoir, un de vous suffirait pour m’abattre ; mais comme le Seigneur vous a enlevé votre force, vous essayez de m’épouvanter par votre nombre. Le signe de votre faiblesse est bien que vous en êtes réduits à prendre la forme d’animaux dépourvus de raison. Si vous avez quelque pouvoir contre moi, allez, ne tardez pas davantage, attaquez ! Si vous ne pouvez rien, inutile alors de vous agiter ainsi. Le signe de la Croix et la foi me sont un rempart inexpugnable ! » Les démons, impuissants, en étaient réduits à grincer des dents de rage. Finalement, le Seigneur Jésus-Christ vint à son secours. Le toit de la demeure sembla s’ouvrir, et un rayon de lumière descendit sur Antoine, mit en fuite les esprits des ténèbres et le soulagea de ses peines. Antoine demanda alors : « Où étais-Tu, Seigneur ? Pourquoi n’as-Tu pas fait cesser plus tôt ce combat ? » Le Christ lui répondit : « J’étais là, à tes côtés. Mais je voulais être spectateur de ton combat. Puisque tu as résisté avec tant de courage, Je serai désormais toujours ton défenseur et Je rendrai ton nom célèbre par toute la terre. »
Antoine, alors âgé de trente-cinq ans (286), se trouva animé d’un surcroît de ferveur après ces combats et décida de s’enfoncer seul dans le désert. Il parvint sur la rive orientale du Nil, trouva sur la montagne un vieux fort abandonné et, après avoir chassé les reptiles qui l’habitaient, il s’y installa dans la plus complète solitude, en y interdisant l’entrée à quiconque. Il passa ainsi vingt années dans cette retraite, où, de six mois en six mois, un ami venait lui jeter du pain par-dessus la muraille. Nombreux étaient cependant ceux qui, attirés par sa réputation, venaient jusque-là. Ils restaient au-dehors, en entendant à l’intérieur un grand tumulte et les voix des démons vociférant contre celui qui était venu habiter leur demeure avec une si grande témérité. Un jour, dans l’excès de leur ferveur, ses admirateurs forcèrent la porte et virent Antoine leur apparaître, éclatant comme au sortir d’un sanctuaire mystique. Son aspect corporel était resté le même, malgré vingt ans de jeûnes et de luttes contre les démons, et son âme avait acquis un état de pureté, semblable à celui d’Adam avant la chute.
Il accepta dès lors de recevoir des disciples en nombre sans cesse grandissant, et fonda pour eux deux monastères (vers 306) : l’un à l’est du Nil, à Pispir (auj. Deir el-Mimoun), l’autre sur la rive gauche, non loin d’Arsinoé. Le cœur apaisé et l’intelligence inébranlablement fixée en Dieu, saint Antoine avait le pouvoir de réconcilier les ennemis par sa seule présence, de faire régner autour de lui la charité entre les hommes et de guérir les malades par sa prière. Inspiré par le Saint-Esprit, il instruisait ses moines dans la science spirituelle. Il leur recommandait de ne jamais se laisser décourager par les épreuves ou de se relâcher de leur première ferveur, mais au contraire de la faire croître de jour en jour, comme s’ils ne faisaient que commencer, en méditant ces paroles de l’Apôtre : Je meurs tous les jours (1 Cor 15, 31). Il disait :
Efforçons-nous de ne rien posséder que ce que nous emporterons avec nous dans le tombeau : à savoir la charité, la douceur, la justice, etc. La vertu, c’est-à-dire le Royaume des cieux, n’a besoin que de notre volonté, car elle se trouve en nous-mêmes. Elle ne consiste en rien d’autre, en effet, qu’à conserver la partie spirituelle de notre âme dans la pureté et la beauté dans lesquelles elle a été créée. Si nous demeurons tels que nous avons été faits, nous sommes dans la vertu.
En gardant avec vigilance notre cœur contre la souillure des mauvaises pensées, contre l’excitation des plaisirs et contre l’emportement de la colère, nous pourrons résister aux assauts des démons qui nous entourent et entreprennent tout dans le but d’empêcher les chrétiens de monter au Ciel et d’occuper les places d’où ils ont été chassés à cause de leur orgueil et de leur révolte. C’est seulement au prix d’une ascèse soutenue et de beaucoup de prière que nous pourrons recevoir du Saint-Esprit le charisme du discernement des esprits, afin de déjouer leurs ruses. Ils nous attaquent d’abord par les mauvaises pensées, puis, si nous les avons repoussés par la foi, le jeûne et la prière, ils reviennent à l’assaut par des imaginations diverses, dans l’espoir de nous effrayer. Derechef repoussés par la puissance du Christ, ils essaient alors de nous tromper en feignant de prédire les événements à venir, chose dont Dieu seul est capable, mais qu’ils parviennent à imiter grâce à l’agilité de leur nature incorporelle. S’ils nous trouvent encore inébranlables, alors leur prince lui-même, Satan, apparaît dans tout son faste, entouré d’une trompeuse lumière, image du feu qui lui est préparé pour l’éternité, et il nous suggère visions, révélations, exploits ascétiques et toutes sortes d’embûches, afin de nous faire tomber dans l’orgueil et l’illusion. Ne vous effrayez pas de toutes ces attaques. Ayant perdu leur puissance depuis l’Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ et ne pouvant demeurer en repos, ils en sont réduits à nous menacer par des paroles, des bruits et de vaines apparitions S’ils avaient quelque pouvoir, ils n’auraient pas besoin de déployer une telle pompe et auraient depuis longtemps arrêté l’accroissement et le progrès des chrétiens. C’est Dieu seul que nous devons craindre et, loin d’avoir de l’appréhension, nous ne devons avoir à l’égard des démons que du mépris. Car ils ne redoutent rien plus que le jeûne des moines, leur humilité, leur patience, leur amour pour Dieu et pour leurs frères. S’il vous vient quelque apparition, ne vous laissez pas troubler mais demandez à celui qui se présente : Qui es-tu ? et d’où viens-tu ? Si cette vision est sainte, elle dissipera aussitôt vos doutes et changera votre crainte en joie ; si elle est du diable, celui-ci prendra immédiatement la fuite en voyant votre fermeté. Toutes ces épreuves vous sont en fait profitables : supprimez la tentation, et personne ne sera sauvé.
Sous l’influence de saint Antoine, « le désert devint comme une cité de moines qui avaient renoncé au monde pour devenir citoyens de la cité céleste » . Tous ces monastères étaient semblables à des temples, où des hommes, unis en une douce harmonie par le but unique qu’ils se proposaient, passaient leur vie à chanter des psaumes, à méditer les saintes Écritures, à jeûner, à prier dans la joie et l’espérance des biens futurs.
En ce temps-là, Maximin Daïa ayant rallumé en Égypte le feu de la persécution, faisait couler à flot le sang dans la ville d’Alexandrie (308). Antoine, brûlant du désir d’accéder lui aussi à la perfection du martyre, se rendit à Alexandrie et s’exposa hardiment au danger pour se mettre au service des confesseurs, les visiter dans leurs prisons et dans les mines, et les exhorter à soutenir jusqu’au bout le bon combat. Malgré son ardent désir de partager leur sort, Dieu le garda pour d’autres combats ; il ne fut pas arrêté et retourna dans son monastère, où il continua son martyre non-sanglant de la conscience, en redoublant ses austérités.
Quoique restant reclus, il continuait d’accomplir des miracles et les visiteurs ne cessaient d’affluer. C’est pourquoi il décida de se retirer seul dans un désert plus profond. Il se joignit à une caravane de Bédouins et parvint jusqu’à la région montagneuse de Quolzoûm , situé vers la mer Rouge dans le désert, à trois jours de marche du Nil, où il s’installa après avoir été confirmé par une révélation de Dieu. Comme les bêtes sauvages venaient troubler l’eau de la source qui coulait là, le saint les en chassa délicatement au seul son de sa voix. Il cultivait un petit jardin pour sa subsistance et, excepté quelques rares visites de ses disciples, il pouvait s’adonner sans relâche à la contemplation et au combat contre les démons furieux. L’assurance que lui donnait sa familiarité avec le Seigneur rendait son esprit inébranlable comme la montagne de Sion, de sorte que les démons s’enfuyaient et que les bêtes sauvages vivaient en paix avec lui.
Au bout de plusieurs années, Antoine, désormais âgé, consentit à retourner visiter ses disciples à Pispir. En chemin, il fit jaillir de l’eau dans le désert pour abreuver ses compagnons de route accablés par la soif. Grande fut la joie à l’arrivée de l’homme de Dieu, et tous les moines trouvèrent dans sa visite l’occasion de renouveler leur ardeur dans les combats de la vertu. Une grande foule le suivit lorsqu’il regagna sa montagne : les uns demandaient la guérison des maladies du corps, d’autres venaient pour recevoir réconfort et instruction de l’âme. Le saint donnait à tous selon leur besoin, comme Dieu Lui-même. Il ne rompait le silence qu’après avoir reçu une inspiration du Saint-Esprit, et il parlait alors en employant les paroles de la Sainte Écriture, comme s’il en était lui-même l’auteur. Il pouvait dire avec confiance : « Moi, je ne crains plus Dieu, mais je l’aime. Car l’amour parfait chasse la crainte » . C’est pourquoi, dans ses enseignements, il insistait surtout sur la charité fraternelle et la purification du cœur. Il disait encore : « C’est du prochain que dépendant la vie et la mort. En effet, si nous gagnons notre frère, c’est Dieu que nous gagnons ; mais si nous sommes pour notre frère occasion de péché, c’est contre le Christ que nous péchons » . Père plein de compassion, il savait relâcher en temps opportun l’ascèse de ses disciples par quelque divertissement, et il leur transmettait la leçon, qu’il avait lui-même reçue d’un ange, d’alterner avec science la prière pure, la psalmodie et le travail manuel afin de lutter contre l’ennui (acédie) . Il considérait comme siennes les souffrances de ceux qui venaient le trouver et priait pour chacun. Quand Dieu accomplissait par lui une guérison, il rendait grâce, et quand Il la lui refusait, il rendait grâce aussi et exhortait ces malheureux à rester dans l’espérance.
Un jour, pendant sa prière, saint Antoine fut ravi en esprit et il se sentit comme élevé corporellement dans les airs par des anges qui éloignèrent de lui la horde de démons qui voulaient examiner impudemment sa conduite depuis sa naissance. Son visage dégageait un tel éclat de pureté et tous les mouvements de son corps révélaient si bien l’état impassible de son âme, qu’il répandait autour de lui comme un orbe de paix, de joie et de douceur. Sans qu’il ait besoin de se faire connaître, tous ceux qui le voyaient étaient irrésistiblement attirés vers lui. Il pouvait lire dans leur cœur comme à livre ouvert et, tel un habile médecin, il leur donnait toujours le remède approprié. C’est ainsi que l’Égypte entière le tenait pour son père et son médecin, les personnes les plus haut placées venaient jusqu’à son lointain désert pour s’entretenir avec lui ou seulement pour recevoir sa bénédiction. L’empereur Constantin le Grand lui-même, ainsi que ses fils, lui écrivirent comme à un père, en exprimant le souhait de recevoir une réponse.
Détaché de tous ces honneurs et l’intelligence sans cesse tournée vers la présence de Dieu en lui, Antoine avait été pourtant instruit par Dieu, comme par surcroît, de toute la science nécessaire à confondre la sagesse de ce monde. Des philosophes païens, enflés d’orgueil par leur prétendue science, vinrent avec mépris rendre visite à cet illettré dont toute l’Égypte parlait. En peu de mots, l’homme de Dieu confondit leur assurance. Il leur exposa comment la sagesse de ce monde a été rendue folle par la folie de la Croix, leur démontra l’insanité de leurs mythes qui abaissent Dieu à la ressemblance d’animaux ou d’objets fabriqués, alors que la doctrine du Christ élève l’homme à la communion avec la nature divine, et leur fit reconnaître qu’ils essayaient vainement d’atteindre par les discours et les raisonnements ce que les chrétiens connaissent par la foi et la puissance de l’expérience vécue. Il scella enfin sa victoire en délivrant des possédés par la puissance du Christ et congédia ses visiteurs tout penauds.
Saint Antoine avait un grand respect pour les clercs et les responsables de l’Église. Il était certes étranger à toute affaire ecclésiastique, mais il n’en soutenait pas moins vigoureusement la foi orthodoxe, gravement en péril en ces temps de troubles. Comme les ariens d’Alexandrie avaient répandu la rumeur selon laquelle l’illustre ermite partageait leur doctrine insensée, le saint n’hésita pas à sortir de sa retraite et à se rendre dans la bruyante capitale pour proclamer clairement, devant toute la population accourue pour le voir, sa foi en la divinité du Fils et Verbe de Dieu, son adhésion inébranlable à la doctrine du Concile de Nicée et son indéfectible soutien à saint Athanase (338).
Quand il parvint à l’âge de cent cinq ans, Antoine partit, selon sa coutume, rendre visite aux moines installés dans la montagne plus avancée et leur annonça avec joie que Dieu allait bientôt le rappeler vers sa véritable patrie. Il les exhorta à persévérer tous les jours dans les travaux de l’ascèse, comme si la mort était toute proche, à imiter l’exemple des saints, et à préserver avec soin la tradition des Pères inspirés de Dieu en évitant toute relation avec les hérétiques. Puis, il se retira dans le désert profond, servi par deux disciples : Macaire [19 janv.] et Amatas. Au moment de mourir, il leur recommanda de ne pas transporter son corps en Égypte, de peur qu’il ne fût embaumé, conformément aux coutumes païennes encore en vigueur, et leur ordonna de l’enterrer dans un endroit inconnu de tous. Il légua une partie de ses vêtements aux deux grands confesseurs de l’Orthodoxie : saint Athanase et saint Sérapion de Thmuis [7 fév.], et sa tunique de poil à ses deux plus proches disciples, pour que ceux-ci, en portant ces vêtements, soient couverts de sa protection invisible. Puis il étendit les pieds et, le visage comblé de joie, comme si des amis venaient à sa rencontre, il remit paisiblement son âme à Dieu, le 17 janvier 356. La réputation du Père des moines s’étendit aux extrémités de toute la terre et, depuis des siècles, sa biographie, écrite avec amour par saint Athanase d’Alexandrie peu après la mort du saint (357), offre aux âmes éprises de Dieu un parfait modèle de la voie à suivre pour parvenir à la perfection de la vie chrétienne.
Le corps de saint Antoine fut, dit-on, découvert à la suite d’une révélation, en 561, et transféré à Alexandrie. Vers 635, sous la menace de l’invasion arabe, on le transporta à Constantinople et, vers 1070, selon le témoignage de la tradition occidentale, un seigneur du Dauphiné apporta une partie de ses reliques en France (Saint-Antoine en Dauphiné), où elles devinrent l’objet d’un célèbre pèlerinage.
(Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras)
TROPAIRES ET KONDAKIA DU JOUR
Tropaire de saint Antoine, ton 4
Imitant par ta vie le zèle d’Elie * et suivant le droit chemin du Baptiste, * vénérable Père Antoine, tu peuplas le désert * et par tes prières affermis l’univers; * prie le Christ notre Dieu de sauver nos âmes.
Kondakion de saint Antoine, ton 2
Le tumulte de ce monde, tu l’as chassé loin de toi * pour mener une vie conforme à la paix, * imitant le Baptiste par tous les moyens; * c’est pourquoi, Père des Pères, avec lui, * vénérable Antoine, nous te glorifions.
ÉPITRE DU JOUR
II Tim. IV, 9-22
Mon enfant Timothée, viens au plus tôt vers moi, car Démas m’a abandonné, par amour pour le siècle présent, et il est parti pour Thessalonique ; Crescens est allé en Galatie, Tite en Dalmatie. Luc seul est avec moi. Prends Marc, et amène-le avec toi, car il m’est utile pour le ministère. J’ai envoyé Tychique à Éphèse. Quand tu viendras, apporte le manteau que j’ai laissé à Troas chez Carpus, et les livres, surtout les parchemins. Alexandre, le forgeron, m’a fait beaucoup de mal. Le Seigneur lui rendra selon ses œuvres. Garde-toi aussi de lui, car il s’est fortement opposé à nos paroles. Dans ma première défense, personne ne m’a assisté, mais tous m’ont abandonné. Que cela ne leur soit point imputé ! C’est le Seigneur qui m’a assisté et qui m’a fortifié, afin que la prédication fût accomplie par moi et que tous les païens l’entendissent. Et j’ai été délivré de la gueule du lion. Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise, et il me sauvera pour me faire entrer dans son royaume céleste. À lui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen ! Salue Prisca et Aquilas, et la famille d’Onésiphore. Éraste est resté à Corinthe, et j’ai laissé Trophime malade à Milet. Tâche de venir avant l’hiver. Eubulus, Pudens, Linus, Claudia, et tous les frères te saluent. Que le Seigneur soit avec ton esprit ! Que la grâce soit avec vous !
He XIII, 17-21 (S. Antoine)
Frères, obéissez à vos chefs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte à Dieu. Ainsi pourront-ils le faire avec joie et non en gémissant, ce qui vous ne serait d’aucun avantage. Priez pour nous, qui croyons avoir une conscience pure avec la volonté de bien nous conduire en toute occasion. C’est avec instance que je vous demande de le faire, afin que je vous sois rendu plus tôt. Que le Dieu de paix, qui a ramené d’entre les morts, par le sang d’une alliance éternelle, le grand pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus, vous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté, et qu’il produise en vous ce qui lui est agréable, par Jésus Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen !
ÉVANGILE DU JOUR
Lc XX,1-8
Un de ces jours-là, comme Jésus enseignait le peuple dans le temple et qu’il annonçait la bonne nouvelle, les principaux sacrificateurs et les scribes, avec les anciens, survinrent, et lui dirent: Dis-nous, par quelle autorité fais-tu ces choses, ou qui est celui qui t’a donné cette autorité? Il leur répondit: Je vous adresserai aussi une question. Dites-moi, le baptême de Jean venait-il du ciel, ou des hommes? Mais ils raisonnèrent ainsi entre eux: Si nous répondons: Du ciel, il dira: Pourquoi n’avez-vous pas cru en lui? Et si nous répondons: Des hommes, tout le peuple nous lapidera, car il est persuadé que Jean était un prophète. Alors ils répondirent qu’ils ne savaient d’où il venait. Et Jésus leur dit: Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais ces choses.
Lc VI, 17-23 (S. Antoine)
En ce temps-là, Jésus descendit avec eux, et s’arrêta sur un plateau, où se trouvaient une foule de ses disciples et une multitude du peuple de toute la Judée, de Jérusalem, et de la contrée maritime de Tyr et de Sidon. Ils étaient venus pour l’entendre, et pour être guéris de leurs maladies. Ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs étaient guéris. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. Alors Jésus, levant les yeux sur ses disciples, dit : « Heureux vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! Heureux vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés ! Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous serez dans la joie ! Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’on vous chassera, vous outragera, et qu’on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme ! Réjouissez-vous en ce jour-là et tressaillez d’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans le ciel ; car c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes ».