« Comment le Patriarcat de Moscou piétine les canons de l’Église et sape l’unité orthodoxe en Corée », entretien avec le métropolite Ambroise de Corée (Patriarcat oecuménique)

Nous publions ci-dessous l’intégralité de l’entretien accordé par le métropolite Ambroise de Corée réalisé au milieu du mois d’avril 2019 par Evangelos Sotiropoulos, auteur de nombreux articles et publications sur le christianisme orthodoxe.

Éminence, je vous remercie de me recevoir. Nous avons été informés par les médias que le Patriarcat de Moscou a récemment créé un « diocèse de Corée du Sud et du Nord ». Pourriez-vous commenter cette décision ?

Merci également, Monsieur Sotiropoulos, pour cet entretien. Il est regrettable que nos frères russes n’aient pas écouté notre appel, que nous avons réitéré avec beaucoup de tristesse, à de ne pas détruire la canonicité de l’Église orthodoxe en Corée. Il est très regrettable et scandaleux pour les fidèles locaux que, sous prétexte de leur désaccord avec le Patriarcat œcuménique sur la question de l’autocéphalie de l’Église orthodoxe en Ukraine, le Patriarcat de Moscou a créé un exarchat et un diocèse relevant de sa juridiction en Extrême-Orient et en Asie de l’Est, lesquels se trouvaient sous la juridiction du Patriarcat oecuménique.

Pour moi, et probablement aussi pour les lecteurs, les références à la « canonicité » et au « prétexte » transparaissent dans votre réponse. Merci de bien vouloir expliquer ce que vous entendez par ces termes.

Je réponds avec plaisir à votre question. En utilisant le terme « canonicité », je veux dire que jusqu’à juste avant Noël 2018, il n’y avait qu’une seule Église orthodoxe en Corée, celle dépendant du Patriarcat œcuménique, qui était – permettez-nous le terme – un « modèle » d’orthodoxie dans le monde entier. Il y avait un seul évêque local, le métropolite de Corée, parce que nous, en tant qu’Église, ne séparons pas le pays – comme les grandes puissances l’ont malheureusement divisé entre le Sud et le Nord il y a 70 ans. Sous l’omophore du métropolite de Corée, tous les chrétiens orthodoxes résidant dans la péninsule coréenne faisaient partie d’une seule Église unie indépendamment de leur appartenance ethnique. En d’autres termes, en Corée, depuis des décennies, nous suivons la tradition canonique de l’Église ancienne, à savoir l’existence d’un seul évêque dans chaque région géographique qui, en tant que responsable spirituel, a pris soin des besoins liturgiques et pastoraux de ses fidèles multinationaux. Le phénomène anormal de l’existence de plusieurs évêques, et portant parfois le même titre et dans la même région, est une situation qui est apparue avec l’émigration des croyants orthodoxes depuis le XIXème siècle, des pays orthodoxes vers le Nouveau Monde. Toute personne qui a une connaissance même élémentaire du droit canon de l’Église comprend immédiatement cette irrégularité. De plus, la décision de la 4ème Conférence pan-orthodoxe pour la diaspora orthodoxe au Centre orthodoxe du Patriarcat œcuménique de Chambésy (6-13 juin 2009), signée par toutes les Églises orthodoxes, dont Sa Béatitude Cyrille, patriarche de Moscou, appelle au retour à l’ordre canonique de l’Église primitive. Cette décision officielle montre clairement que l’acte récent du Patriarcat de Moscou en Corée et dans d’autres régions d’Extrême-Orient, d’Asie orientale, d’Europe et d’Amérique latine est tout à fait anormal et contraire à la tradition ecclésiologique et canonique orthodoxe.

Pourriez-vous nous donner des explications sur l’utilisation que vous faites du terme « prétexte » et son lien avec la situation en Ukraine ?

Je n’ai pas utilisé ce terme par hasard, parce que je crois fermement que la décision du Patriarcat de Moscou de suspendre la commémoration du Patriarche œcuménique, bien avant que l’autocéphalie ne soit accordée à l’Église d’Ukraine, était un prétexte imaginé par Moscou afin de mettre en œuvre un plan mûrement réfléchi et élaboré plusieurs décennies auparavant.

Votre Éminence, ne pensez-vous pas que la formule « plan prémédité » soit exagérée ?

L’expression « plan prémédité » n’est pas une forme d’exagération rhétorique. J’ai beaucoup d’éléments qui prouvent, à mes yeux, l’exactitude et la véracité de cette affirmation.

Pouvez-vous fournir des preuves ou des informations à l’appui de votre allégation ?

Je ne citerai que quelques faits concernant la Corée, ma situation concrète. D’autres frères hiérarques, qui dirigent des métropoles du Patriarcat œcuménique dans la diaspora, ont vécu des expériences similaires, et je les encourage à faire connaître leurs expériences afin d’informer pleinement le plus grand nombre de personnes. Immédiatement après l’effondrement du régime communiste, lorsque les premiers immigrants économiques en provenance de Russie et d’autres pays slaves ont commencé à venir en Corée, le Patriarcat de Moscou a commencé tout de suite à faire valoir sa juridiction en Corée. Par exemple, le patriarche Cyrille de Moscou, alors qu’il était encore archevêque de Smolensk et de Kaliningrad, a visité la cathédrale saint Nicolas de Séoul, la cathédrale des fidèles de Corée sous la protection spirituelle du Patriarcat Œcuménique. Après la divine liturgie du dimanche, il a déclaré à une personne locale d’origine russe : « Vous voyez tout cela ? (c’est-à-dire l’église et les bâtiments environnants). Ils étaient autrefois à nous, et ils ont été pris par les Grecs ! » Quand le métropolite Sotirios de Pisidia, alors archimandrite et doyen de la cathédrale saint Nicolas, l’a appris de la personne russe locale à qui Cyrille en avait parlé, il a répondu : « Dites à son Éminence que, lorsque les Russes étaient présents en Corée avant la guerre, il n’y avait aucun bâtiment là où se trouve aujourd’hui la cathédrale Saint-Nicolas. Tous ces bâtiments ont été construits après la guerre de Corée, quand les Russes avaient déjà quitté la Corée ».

Donc, les revendications ont commencé il y a longtemps, au début des années 1990 ?

En fait, ceux qui étudient l’histoire de l’Église savent que le Patriarcat de Moscou a commencé à revendiquer des juridictions du Patriarcat œcuménique il y a déjà plusieurs siècles. Tout a commencé avec la thèse satanique et impérialiste de la « troisième Rome » des tsars. C’est-à-dire l’idée inventée et sans fondement que l’Empire russe allait devenir le prolongement de l’Empire byzantin et que le Patriarcat de Moscou remplacerait le siège de Constantinople comme Patriarcat « œcuménique ». Depuis lors, avec quelques ruptures historiques, l’État russe et l’Église orthodoxe russe ont travaillé ensemble pour atteindre cet objectif. Ils ont collaboré avec l’illusion que si, hypothétiquement, il était possible pour quelqu’un de « donner » au Patriarcat de Moscou le titre de « Patriarcat œcuménique » et de le déclarer premier en importance, tous les problèmes seraient alors résolus par voie de conséquence et immédiatement, de la façon la plus simple. Si cet objectif avait été atteint, nous verrions que toutes les pratiques du Patriarcat œcuménique au cours des 100 dernières années, que le Patriarcat de Moscou qualifie aujourd’hui d’ « irrégularités » ou d’ « anticanoniques », seraient immédiatement considérées comme pleinement canoniques. En d’autres termes, les dirigeants du Patriarcat de Moscou ne s’opposent pas aux décisions et actions du Patriarcat œcuménique parce que ces décisions et actions sont contraires à l’ecclésiologie et à l’éthique de l’Église orthodoxe, mais simplement parce que les décisions et actions du Patriarcat œcuménique ne servent pas leurs aspirations à devenir la « troisième Rome ». Mais revenons maintenant à notre préoccupation première. Les revendications du Patriarcat de Moscou en Corée ont commencé au début des années 1990. Nous avons en notre possession des documents du département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou demandant de l’argent aux Églises protestantes pour construire une église à Séoul. Nous avons des reportages des médias coréens, apparemment préparés par les autorités russes, dans lesquels ils « expliquent » que les Russes n’ont aucune église pour leurs besoins liturgiques. Ainsi, ils ignorent délibérément l’existence de la métropole orthodoxe de Corée, sous l’égide du Patriarcat œcuménique, dans laquelle ils ont une église et un prêtre ainsi que tout le nécessaire pour leurs besoins liturgiques et pastoraux dans leur propre langue. Nous avons subi des pressions répétées de la part de diplomates russes en Corée pour la même raison. Bref, à chaque réunion officielle entre diplomates russes et coréens, que ce soit en Corée ou en Russie, le thème permanent à l’ordre du jour des discussions bilatérales était le don d’un terrain pour la construction d’une église russe à Séoul. Permettez-moi de terminer ce rapport sur la politique aveugle et expansionniste préméditée du Patriarcat de Moscou contre la métropole orthodoxe de Corée par le fait suivant. Il y a deux ans, l’archevêque Serge (aujourd’hui métropolite de Singapour et d’Asie du Sud-Est et président de l’exarchat du Patriarcat d’Asie du Sud-Est) est venu en Corée. Comme je l’ai mentionné dans une interview il y a près de deux ans, lui et l’ambassadeur de Russie à Séoul ont rendu visite au maire de Séoul dans le seul but de demander un terrain pour la construction d’une église russe ! Après avoir rencontré le maire de Séoul, Mgr Serge s’est rendu dans notre métropole accompagné de diplomates de l’ambassade de Russie. Dans un acte d’hypocrisie extraordinaire, il m’a demandé d’accepter avec amour un Coréen, que lui-même a qualifié de prêtre, et de lui enseigner les pratiques liturgiques et ecclésiastiques, parce qu’il n’avait pas étudié la théologie. Cet homme coréen, que le Patriarcat de Moscou a qualifié pendant des années d’ « officier de la mission russe en Corée », a également accompagné l’archevêque Serge à sa rencontre avec le maire de Séoul. Et alors qu’ils avaient, comme il s’est avéré par la suite, un plan prémédité pour l’installer comme prêtre dans l’église russe qu’ils allaient ériger, l’archevêque Serge nous l’avait décrit comme un pauvre homme qui avait besoin de notre aide mais, en fait, leur projet prémédité depuis tout ce temps était de le placer comme le prêtre dans l’église russe qu’ils allaient construire.

Votre Éminence, connaissez-vous ce « prêtre » ? Et si oui, pourquoi ne pas mentionner son nom ?

Bien sûr, je sais qui il est, mais par respect pour lui et en sachant qu’on l’utilise, je ne mentionne pas son nom. Pourtant, parce que cette question me fait réagir, je mentionnerai un autre incident : après la rencontre susmentionnée avec le métropolite Serge dans notre métropole, j’ai reçu un appel téléphonique et un message écrit d’une personne qui s’est présenté comme « Mr. So » et a demandé à me rencontrer. Le jour et l’heure de la rencontre, mes collaborateurs de la métropole et moi-même avons été étonnés de voir « Mr So » habillé en ecclésiastique et portant une croix russe dorée autour du cou ; sur sa carte de visite il se présentait comme un « archiprêtre ». Il était accompagné d’un laïc coréen, qui entretient des relations commerciales avec la Russie et qui prétend être une connaissance de Dimitri Petrovsky, un clerc travaillant au département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou. Deux de nos employés les ont conduits à la salle de réception où on leur a offert des rafraîchissements. Mais comme « Mr. So » est venu à la réunion en habits sacerdotaux, sans nous en informer, nous avons pensé qu’il était préférable de ne pas le rencontrer. C’est pourquoi le diacre de la métropole lui a transmis le message suivant : « Vous avez demandé par téléphone et par écrit à rencontrer le métropolite en tant que laïc, pas en tant que prêtre. Notre Patriarcat œcuménique ne vous reconnaît pas comme prêtre canonique, donc puisque vous avez sollicité cette rencontre comme une personne et que vous vous présentez maintenant comme une autre, notre métropolite ne vous recevra pas ». Lorsque le diacre a transmis ce message, « Mr. So » était tellement en colère qu’il a commencé à le réprimander avec des mots vulgaires qui ne peuvent être répétés. Le diacre, en dépit de la surprise ressentie, essayait de faire passer le message, mais « Mr. So » ne voulait rien entendre. Au lieu de cela, il a répété la même phrase avec colère et indignation : « Tais-toi ! Je suis venu voir le métropolite. La ferme ! La ferme ! Ne me dis rien du tout. Dis-moi seulement s’il veut me rencontrer ». Finalement, lorsqu’il apprit par le diacre que le métropolite ne le verrait pas, il se leva de son siège et serra les poings avec colère, ouvrit la porte et partit presque en courant, laissant tout le monde abasourdi et son compagnon tout embarrassé.

Votre description des événements est tout à fait étonnante, Votre Éminence.

C’est en effet une situation très triste compte tenu de tout ce qui se passe. Pour bien comprendre à quel point la volonté du Patriarcat de Moscou était de détruire le caractère canonique de la métropole orthodoxe de Corée, laissez-moi vous donner un autre exemple : un nouveau couple sud-coréen, qui fait partie de l’une des hérésies les plus importantes et les plus dangereuses que connaisse la Corée, a visité la Russie en mars 2017 pour y rencontrer le patriarche Cyrille. Au cours de leur rencontre, Sa Béatitude les a bénis, leur a souhaité bonne chance pour leur mariage, leur a offert une icône en cadeau et ne ratait pas une occasion de leur dire que l’Église russe avait de profondes racines en Corée et qu’elle reviendrait pour continuer le travail de la mission russe qui avait cessé en raison des circonstances politiques. Tout cela peut être vu sur une vidéo publiée sur internet, à la suite de la rencontre de Sa Béatitude avec le couple. Apparemment, Sa Béatitude, perdant le contrôle des choses, était guidé par son désir de parler de ses plans en Corée. Ce qui est désagréable dans cette histoire, c’est que ces jeunes, comme nous l’avons appris, se sont servi de leur rencontre avec le patriarche Cyrille au profit de leur hérésie, car leur stratégie est de communiquer avec des « VIP » et ensuite de publier les photos et vidéos de leurs rencontres avec de grandes personnalités politiques et religieuses.

Pour en revenir à la problématique coréenne, quel est la situation actuelle ? Une Église orthodoxe sous juridiction russe a-t-elle été créée ?

Malheureusement, oui. Le 30 décembre 2018, dans une salle privée qui leur avait été aménagée par le « Mr. So » dont il a été question plus haut, ils ont commencé à célébrer les offices religieux avec un prêtre envoyé par le Patriarcat de Moscou et assisté par « Mr. So ». A cette étape de notre entretien, il me semble pertinent de vous faire part de l’incident suivant : du 23 au 25 novembre 2018, une semaine à peine avant la 4e visite officielle si fructueuse du Patriarche oecuménique en Corée, une rencontre des représentants des russes vivant dans le Sud-Est asiatique s’est tenue à l’ambassade de Russie à Séoul. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk a participé à la réunion. Une cinquantaine de Russes de divers pays d’Asie du Sud-Est, dont la Corée, ont participé à la rencontre. A ceux qui vivent en Corée, Son Éminence Hilarion a souligné qu’ils enverraient un prêtre du Patriarcat de Moscou avant Noël selon l’ancien calendrier. En entendant cette annonce, beaucoup de ceux qui appartiennent depuis des années à la métropole orthodoxe de Corée ont réagi négativement. Son Éminence Hilarion leur a « expliqué » que ceux qui sont membres du Patriarcat œcuménique sont « schismatiques » et qu’ils ne doivent ni fréquenter nos églises en Corée ni recevoir la sainte communion dans les paroisses du Patriarcat oecuménique. Un des fidèles a déclaré : « Vladika, nous sommes ici en Corée depuis de nombreuses années. Dès le début, quand nous sommes arrivés ici, Son Éminence Sotirios, métropolite de Pisidia, nous a accueillis avec beaucoup d’amour et d’affection et nous a donné tout ce dont nous avions besoin. Nous avons une église, nous avons un prêtre, nous avons une salle pour nos réunions, nous avons des écoles du dimanche et des camps d’été pour nos enfants, nous avons tout. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle église. Un autre fidèle lui a dit : « Vladika, vous nous avez dit que cela va arriver parce que le Patriarcat œcuménique a accepté les schismatiques en Ukraine. Le Patriarcat de Moscou n’a-t-il pas accepté l’église schismatique ERHF (Église russe hors-frontières) sans procédure particulière ? « Son Éminence Hilarion a répondu : « C’est parce que le Patriarcat de Moscou, en tant qu’Église mère des Russes, a accueilli les schismatiques avec amour et leur a pardonné tout ce qu’ils avaient fait ». « Mais le Patriarcat œcuménique ne fait-il pas la même chose maintenant dans le cas des Ukrainiens schismatiques ? ». Au lieu de répondre, Son Éminence a demandé à tous ceux qui souhaitent qu’une nouvelle église soit établie en Corée de signer un document à cet effet. Il a été signé par un petit nombre de participants.

Nous comprenons dans vos paroles que la nouvelle église russe en Corée a été fondée contre la volonté de la majorité des fidèles russes vivant en Corée. Est-ce que tous les russes fréquentent maintenant cette église ?

Certaines personnes nous ont quittés et fréquentent la nouvelle église, apparemment pour des raisons socio-ethniques. Mais beaucoup plus de fidèles appartiennent encore à la métropole orthodoxe de Corée. Le plus triste, cependant, c’est que les représentants du Patriarcat de Moscou ont non seulement contacté des russes et d’autres slavophones, mais aussi des coréens, des américains et d’autres anglophones, pour les convaincre de se joindre à leur église. Ils appellent ou rencontrent même de jeunes enfants et tentent de les influencer en les manipulant dès leur plus jeune âge. Ce qui est grotesque, c’est qu’ils ont finalement atteint le triste stade de demander aux membres de notre Église d’aller chez eux afin de catéchiser les Coréens qui veulent devenir orthodoxes ! Tous ceux qui soutiennent le camp russe doivent se demander si ces manœuvres sont en harmonie avec l’esprit de l’Évangile ou si elles sont un exemple de prosélytisme à l’égard d’autres orthodoxes ! Dieu peut-il bénir une telle attitude anti-fraternelle ? En ce qui concerne la question de l’utilisation de moyens inconvenants pour attirer des soutiens, il me revient à l’esprit la conversation entre le patriarche œcuménique Bartholomée et le patriarche Cyrille de Moscou lors de la seconde visite de Sa Béatitude au Phanar en août 2018. Le simple fait de me rappeler les scènes dont nous avons été témoins, en tant que membres du Synode, me rend littéralement malade. En ce qui concerne cette rencontre, le Patriarche de Moscou a déclaré au Patriarche œcuménique : « Votre Sainteté, si vous donnez l’autocéphalie à l’Ukraine, le sang va couler à flots ». Le Patriarche œcuménique a répondu à cette remarque : « Votre Béatitude, nous n’avons ni armée ni armes à notre disposition. Si le sang doit être versé, il ne sera pas versé par nous, mais par vous ! ». Je me souviens aussi que lorsque je discutais avec un Ancien des intrigues et des manigances du Patriarcat de Moscou en Corée, il me disait, entre autres choses que je ne veux pas révéler, tout en gémissant profondément : « Malheureusement, mille ans se sont écoulés, mais la plupart des dirigeants de l’Église en Russie n’ont pas encore appris ce que dit l’Évangile ! ».

Ce sont des remarques très sérieuses, Votre Éminence.

Graves, en effet, mais c’est confirmé par les faits. Je vous ai déjà dit qu’à Séoul, ils ont établi une « paroisse » de juridiction russe, dans laquelle, malgré leurs efforts de prosélytisme, une trentaine de personnes seulement sont présentes. Peut-on croire que pour ces quelques personnes, ils ont créé un diocèse spécifique et que le Synode du Patriarcat de Moscou, il y a quelques jours, le 4 avril, a également élu un archevêque, qu’ils vont « introniser » en Corée ? Comprenez-vous qu’ils « jouent » avec les institutions sacrées de notre Église ? Le métropolite Hilarion de l’ERHF a agi de la même manière lorsqu’il est venu à Séoul il y a des années, comme je l’ai mentionné dans une interview précédente. A cette époque, il convoqua un ancien prêtre du Patriarcat œcuménique et en fit un « higoumène » et son épouse une « higoumène » dans un monastère inexistant avec des moines et des moniales inexistants ! Il est bien connu, même pour ceux qui ont une connaissance limitée du droit ecclésial, qu’il doit y avoir des raisons spécifiques pour établir un diocèse. L’une d’elles est l’existence d’un bon nombre de paroisses et de croyants. Ces conditions préalables avaient été prises en compte par le Patriarcat œcuménique, pour notre Église en Corée, c’est pourquoi ce n’est qu’en 2004 que la métropole de Corée a été fondée, alors que pendant plusieurs décennies l’Église orthodoxe en Corée a été un exarchat, appartenant en fait à d’autres provinces du patriarcat œcuménique.

Pourquoi croyez-vous qu’ils ont fait cela ? 

Je crois que c’était une réponse au Patriarcat œcuménique, parce que l’octroi de l’autocéphalie à l’Église orthodoxe en Ukraine n’est pas dans leur intérêt. Écoutez, Monsieur Sotiropoulos, personne parmi nous qui appartenons au Patriarcat œcuménique ne prétend être infaillible ou sans péché. Bien au contraire. Chacun a ses propres problèmes spirituels pour lesquels nous demandons la miséricorde de Dieu. Cependant, nous ne voulons certainement pas faire de mal à qui que ce soit. Mais, malheureusement, il y en a certains dont la première chose à laquelle ils pensent au réveil le matin, c’est comment blesser le plus profondément possible, par leurs actions et leurs décisions, le Patriarcat œcuménique. On est obligé de se demander, pensent-ils à s’interroger si leurs actions au terrible Jour du Jugement seront pardonnées pour ce qu’elles ont fait ? En accomplissant ces actions hostiles, comment célèbrent-ils la divine liturgie et comment participent-ils aux saints mystères ?

Tout ce que vous nous avez dit est une source de grande tristesse. Permettez-moi, Votre Éminence, de passer à une autre question pertinente : votre titre dit que vous êtes aussi « l’exarque du Japon ». Que faites-vous au Japon ?

Au nom de l’amour et de la paix du Christ, nous ne faisons rien du tout là-bas, parce que le moment n’est pas propice.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

En 1970, le Patriarcat de Moscou a accordé à l’Église orthodoxe du Japon un statut d’autonomie non canonique, qu’aucune autre Église orthodoxe ne reconnaît. Nos frères orthodoxes au Japon sont piégés dans l’autonomie qui leur a été donnée et sont pour ainsi dire coupés des autres Églises orthodoxes. Il s’agit d’une question très sérieuse qui, comme nous en avons discuté au saint et grand Concile de Crète, doit être solutionnée pour le bien spirituel de nos frères et sœurs japonais. Bien que nous ayons le droit d’être actifs au Japon, nous n’exerçons pas notre autorité, car nous nous efforçons de maintenir la paix spirituelle dans notre Église orthodoxe d’Extrême-Orient. Cependant, malgré notre attitude pacifique, vous voyez que nos frères russes viennent en Corée « sans épargner le troupeau », pour « voler et détruire ». Le Patriarcat de Moscou a fait et continue de faire la même chose et même pire dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est où se trouvent des métropoles du Patriarcat oecuménique. En Indonésie, par exemple, non seulement ils ont occupé une église érigée grâce aux dons des chrétiens orthodoxes de Grèce, mais ils ont également revendiqué des membres du clergé, qui avaient étudié et qui ont été ordonnés sous la houlette du patriarcat oecuménique. Tous ces actes abusifs sont des « réalisations » du métropolite d’Amérique de l’Est et de New York Hilarion (ERHF), que le Patriarcat de Moscou s’est approprié. Je me souviens quand nous avons mentionné ces actes et d’autres actes anti-canoniques du métropolite Hilarion à l’actuel métropolite de Singapour Serge, lors de notre réunion il ya trois ans dans notre centre missionnaire ici à Séoul, il a dit que le Patriarche de Moscou a fait des reproches au métropolite Hilarion pour ses actions anti-canoniques. S’il l’avait vraiment blâmé, il aurait dû rendre ce qu’il avait pris au Patriarcat œcuménique et remédier à tous les autres actes anti-canoniques qu’il avait commis avant et même après le rétablissement des relations entre le Patriarcat de Moscou et l’ERHF.

Votre Éminence, l’inquiétude concernant l’unité de l’Église orthodoxe est perceptible dans votre discours. Comment le Patriarcat de Moscou voit-il la question de l’unité ?

Malheureusement, je ne pense pas que le Patriarcat de Moscou s’intéresse à l’unité de l’Église orthodoxe. Au contraire, je crois qu’il suit la doctrine anti-chrétienne de « diviser pour régner ». Un simple exemple confirme ce que je viens de dire. Vous vous souvenez que la 10e Assemblée du Conseil œcuménique des Églises s’est tenue à Busan, en Corée, en 2013. En tant qu’évêque local président du pays hôte, j’ai invité toutes les délégations des Églises orthodoxes à célébrer une liturgie pan-orthodoxe le dimanche dans notre église de l’Annonciation à Busan. Toutes les délégations orthodoxes ont accepté notre invitation avec joie, à l’exception du métropolite Hilarion de Volokolamsk, qui a catégoriquement refusé de participer. Il a préféré suivre le chemin dévastateur de la division. Concrètement, alors que les délégations des 13 Églises orthodoxes ont participé à la sainte liturgie eucharistique commune à notre église de l’Annonciation, il a célébré la liturgie isolément au consulat russe à Busan, assisté seulement par ses confrères du Patriarcat de Moscou et 4 ou 5 laïcs russes ! De plus, il n’hésita pas à placer un fauteuil derrière le saint autel portable dans la salle du Consulat où se tenait la divine liturgie, et à s’asseoir comme « maître » métropolite sur le trône hiérarchique. Quelqu’un peut prétendre que cela ne s’est produit qu’une seule fois parce qu’il y avait une raison particulière. Malheureusement, j’ai appris qu’il a appliqué la même tactique à plusieurs reprises au cours de réunions interorthodoxes, parce qu’il ne tolère pas le fait de se retrouver au cinquième rang et sous la houlette du représentant du Patriarcat œcuménique. Ne serait-ce que par cet incident, on comprend si les Russes veulent ou non l’unité de l’Église orthodoxe.

Maintenant que les masques et les faux-semblants sont tombés, nous voyons que les prétendues « bonnes relations » entre le Patriarcat œcuménique et le Patriarcat de Moscou n’ont pas toujours été bonnes ; mais pas par la faute du Patriarcat œcuménique, qui a enduré avec grande patience les affronts que Moscou avait lancés à ce dernier. Et maintenant que le Patriarcat œcuménique est censé être « schismatique », les représentants du Patriarcat de Moscou agissent comme s’ils étaient libres de faire ce qu’ils veulent dans le monde entier, mettant en œuvre leur projet prémédité de « troisième Rome » afin de devenir eux-mêmes le Patriarcat œcuménique. Le Patriarcat de Moscou n’a même pas hésité à ériger un autel au siège séculaire du Patriarcat œcuménique, à Constantinople. En d’autres termes, ils ne se privent pas de traiter l’Église mère de Constantinople avec un tel manque de respect et une telle ingratitude envers l’Église qui, mille ans auparavant, les a mis au monde et les a nourris spirituellement. Il convient de mentionner ici que Son Éminence le métropolite Sotirios de Pisidia, un homme de quatre-vingt-onze ans, bien qu’alité par la grippe, a décidé de faire le déplacement de Corée vers sa métropole en Turquie après avoir appris la création d’une paroisse russe à Antalya et Alaya afin de le mettre hors du joug de leurs prédateurs, le patriarcat de Moscou.

Votre Éminence, quel a été l’impact de ces évolutions sur les hétérodoxes en Corée ?

Les répercussions en sont terribles. Pour parler franchement, c’est un énorme scandale. Pendant des décennies, nous avons proclamé que l’Église orthodoxe est une. Dans les dialogues œcuméniques auxquels nous participons, nous soulignons que la fragmentation en différentes dénominations est un facteur de déclin. Nous ne cessons de répéter que nous devons à tout prix mettre un terme à ce mal. Or, la situation provoquée par le Patriarcat de Moscou, non pas bien sûr pour des raisons dogmatiques ou canoniques, mais pour des raisons purement politiques, déconcerte et scandalise nos partenaires dans le dialogue. Ils nous demandent d’expliquer ce qui se passe. Nous leur répondons que nous espérons et prions chaque jour pour que la raison et la conscience ecclésiologique orthodoxe l’emportent sur les aspirations du monde et l’opportunisme politique. Nous ne devons jamais oublier que nous n’inspirons spirituellement personne par notre comportement politique et séculier. Je me souviens d’un incident qui s’est produit il y a de nombreuses années : un groupe de pasteurs coréens est revenu de leur voyage en Russie et ils m’ont fait des commentaires très négatifs sur les religieux russes. En d’autres termes, ils sont revenus scandalisés par le luxe et la richesse qu’ils avaient vus dans les vêtements et les voitures du clergé. Plus encore, ils ont été scandalisés lorsqu’ils ont comparé la vie du clergé russe aux conditions économiques misérables de leur troupeau.

Votre Éminence, quelle est aujourd’hui la relation entre la Corée et la Russie ?

À l’heure actuelle, ils semblent très bons parce que les deux pays s’occupent d’intérêts politiques et économiques communs. Certains membres du Patriarcat de Moscou insistent délibérément sur l’amitié entre les deux pays et sur ce qui unit les deux peuples afin de justifier leur penchant pour la prédateur. Pourtant, de nombreux Coréens, en particulier les plus âgés, n’oublient pas ce qu’ils ont souffert de la Russie communiste. Ils n’oublient pas que la division maudite de la Corée du Sud et de la Corée du Nord et le drame de la guerre civile coréenne ont été largement une conséquence de la politique russe. Les innombrables victimes de la guerre, les morts, les blessés et les disparus, ainsi que la tragique séparation des familles en Corée du Sud et du Nord ne peuvent être facilement oubliés.

Qu’en est-il des relations entre la Corée et la Grèce ?

C’est une relation de respect sincère et d’amour pour les grands sacrifices des Grecs pendant la guerre de Corée. Si l’on compare les relations entre la Corée et la Grèce à celles entre la Corée et la Russie, on peut dire que les Coréens reconnaissent que les Grecs ont donné leur sang pour la liberté de leur pays. D’autre part, les Russes, avec l’alliance des Nord-Coréens et des Chinois, ont versé le sang des Sud-Coréens et causé de nombreuses tragédies qui perdurent encore à ce jour.

Votre Éminence, à l’issue de cet entretien, pour lequel nous vous remercions chaleureusement, quel message souhaitez-vous transmettre à nos lecteurs ?

Je tiens moi aussi à vous remercier, Monsieur Sotiropoulos, de m’avoir donné l’occasion de communiquer avec vous au sujet de ces questions d’une grande importance. Le premier et principal message ne peut être autre chose que la priorité de la réconciliation, de l’amour et de l’unité. Le deuxième point que je voudrais soulever est que nous ressentons une grande douleur devant cette triste situation. Et notre douleur devient encore plus grande lorsque nos chagrins et nos tribulations viennent d’un conflit au sein de notre famille spirituelle. Personnellement, je tiens à répéter une fois de plus que j’aime sincèrement nos frères et sœurs russes. Je ne me permettrai jamais de me vanter de ce que nous avons fait et faisons encore avec amour pour nos fidèles russes en Corée, car je considère cela comme de la mesquinerie. De plus, l’autopromotion narcissique est totalement inacceptable dans l’Église. Depuis 1992, le métropolite Sotirios de Pisidia a fait tout ce qu’il a pu pour les Russes, qui sont arrivés en Corée affligés et traumatisés par ce qu’ils avaient subi sous le régime soviétique. Actuellement, dans sa métropole de Pisidia (Turquie), malgré son âge avancé, il continue à servir de la même manière, les servant sans relâche, à cause de son grand amour pour les Russes. Je me demande honnêtement quand allons-nous enfin comprendre que la politique et les alliances diplomatiques sont des phénomènes éphémères ? Que la puissance économique et séculière, sur laquelle tant de gens fondent leur vie, a une date d’expiration ; et que seule l’Église du Christ demeure inchangée et salvifique à travers les siècles ? Je conclurai cet entretien en invitant tous les Russes de bonne volonté, membres du clergé ou laïcs, à coopérer. Tout le monde est invité à venir travailler avec nous pour diffuser le témoignage orthodoxe en Corée. Il y a de la place pour tout le monde sous l’omophore du Patriarche œcuménique. N’oublions pas que l’unité et la coopération nous sauveront. Car c’est ainsi que nous deviendrons la « lumière du monde » et le « sel de la terre ». Encore une fois, je vous remercie du fond du cœur.

Source

À propos de l'auteur

Photo of author

Yannick Provost

Recteur des paroisses saint Jacques, frère du Seigneur à Quimper et saint Jean de Cronstadt et saint Nectaire d'Egine à Rennes, en Bretagne
Lire tous les articles par Yannick Provost

Articles populaires

Recension: Hiéromoine Grégoire du Mont-Athos, «La foi, la liturgie et la vie de l’Église orthodoxe. Une esquisse de catéchisme orthodoxe»

Ce catéchisme est particulièrement bienvenu pour les parents en attente, pour leurs enfants d’un catéchisme orthodoxe fiable, mais aussi pour ...

Jean-Claude Larchet, « « En suivant les Pères… ». La vie et l’œuvre du père Georges Florovsky »

Vient de paraître: Jean-Claude Larchet, « “En suivant les Pères… ”. La vie et l’œuvre du Père Georges Florovsky », ...

Première inscription déclarant Jésus comme Dieu découverte sous une prison israélienne

La plus ancienne inscription connue déclarant Jésus comme Dieu a été découverte sous une prison moderne dans le nord d’Israël. ...

Cinq lettres de Mère Eupraxie de Trébizonde

Mère Eupraxie de Trébizonde, née à Constantinople, abandonna richesse et famille pour se consacrer à la vie monastique. Après avoir ...

Un Ukrainien est ordonné évêque vicaire du diocèse d’Autriche du Patriarcat œcuménique

Le 10 novembre 2024, l’archimandrite Maxime (dans le monde Roman Roudko) a été ordonné évêque d’Aristi, vicaire de la Métropole ...

Le métropolite Antoine de Volokolamsk a rencontré les présidents Aleksandar Vučić et Milorad Dodik

Le 18 novembre 2024, le président de la République de Serbie Aleksandar Vučić a rencontré à sa résidence officielle de ...

21 novembre

Présentation au Temple de la Très-Sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie

8 novembre (ancien calendrier)/21 novembre (nouveau)

Synaxe de l’archistratège Michel et des autres Puissances incorporelles : Gabriel, Raphaël, Uriel, Jégudiel (ou Jéhudiel), Salathiel (ou Sealtiel) et ...

Jour 4 : PHAICON 24 – 21 novembre à partir de 9h40 heure de Paris

À suivre en ligne le deuxième jour de la conférence internationale PHAICON2 4 « Post-Humanisme et Intelligence Artificielle »Pour consulter le programme ...

Bertrand Vergely : « La luxure »

La huitième conférence du 12e cycle de conférences de Bertrand Vergely, a été consacrée à la luxure.Vous pouvez (re)voir également en ...

Jour 3 : PHAICON 24 – 20 novembre à partir de 7h30 heure de Paris

À suivre en ligne le troisième jour de la conférence internationale PHAICON2 4 « Post-Humanisme et Intelligence Artificielle » Pour consulter le ...

7 novembre (ancien calendrier) / 20 novembre (nouveau)

Jour de jeûneLes 33 martyrs de Mélitène : saints Hiéron, Nicandre, Hésychius, Athanase, Marnas, Barachus, Valère, Xanthe, Théodule, Callimaque, Eugène, ...

20 novembre

Saint Grégoire le Décapolite, moine (816)

« L’offrande de paix »

Ci-dessous : enregistrement d’une harmonisation de Michel N. Ossorguine de « L’offrande de paix » (chant liturgique).

Le patriarche d’Alexandrie : « Vive la glorieuse marine de guerre hellénique ! »

Le 17 novembre, Sa Béatitude le pape et patriarche d’Alexandrie et de toute l’Afrique Théodore II a présidé la divine ...

Métropolite Antoine de Volokolamsk : « Les prêtres de l’Église orthodoxe russe ne souhaitent pas servir en Occident »

De nombreux prêtres de l’Église orthodoxe russe dans les pays occidentaux ne veulent plus vivre et servir à l’étranger en ...

Programme du colloque international : « Le mystère de l’Esprit Saint dans l’œuvre du salut. Nominations, motions et dons de l’Esprit : perspectives œcuméniques », les 13 et 14 décembre 2024

L’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris et la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg organisent en partenariat ...

19 novembre

Saint Abdias, prophète (IXème s. av. J.-C.)