Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe roumaine envoie son traditionnel message pastoral à l’occasion du dimanche de l’Orthodoxie, le premier dimanche du Grand Carême, jour qui commémore la victoire de la foi droite sur l’hérésie iconoclaste.
La lettre pastorale pour le dimanche de l’Orthodoxie 2024 rappelle l’histoire et l’importance des saintes icônes dans l’Orthodoxie. « L’icône nous montre que l’homme peut surmonter le péché et atteindre la déification, avec l’aide de la grâce de l’Esprit Saint et à travers une vie pure », est l’une des conclusions du message.
Les membres du Saint-Synode rappellent également la collecte pour le Fonds central missionnaire et invitent les fidèles à contribuer au soutien des activités missionnaires, pastorales et socio-caritatives de l’Église orthodoxe roumaine.
Lettre pastorale du Saint Synode de l’Église orthodoxe roumaine le Dimanche de l’Orthodoxie en l’an de grâce 2024
Aux très révérends moines, au très révérends membres du clergé et aux fidèles bien-aimés du Patriarcat de Roumanie,
Grâce, joie et paix de la part de Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et de notre part, bénédiction paternelle !
Révérends Pères, Frères et Sœurs bien-aimés dans le Seigneur,
L’Écriture Sainte nous enseigne que notre Sainte Église est « le corps du Christ, la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Éphésiens I,23). L’Église, avec le Sauveur Jésus-Christ à sa tête (Éphésiens I,22), poursuit dans le monde, par la présence de l’Esprit Saint, l’œuvre salvatrice du Christ, en prêchant sa parole, en communiquant la grâce divine, en conduisant au Royaume de Dieu tous ceux qui croient, sont baptisés au nom de la Sainte Trinité et qui le suivent.
Mais la lumière du Christ, dès les débuts du christianisme, a rencontré une opposition qui s’est manifestée dans le temps par des hérésies, des schismes, des persécutions, des troubles divers, venant des ennemis de l’Église. Il n’y a pas eu de point de l’enseignement chrétien qui n’ait été attaqué, nié ou mal interprété par les enseignements de divers hérétiques. Le mystère de la Sainte Trinité, la divinité et l’humanité du Sauveur, la pureté et la virginité de la Mère de Dieu, les Saints Mystères, les Saintes Icônes, la Sainte Croix, tout a été contesté.
La lutte fut grande et difficile, mais à chaque fois, les hiérarques et les pères, fortifiés et éclairés par l’Esprit Saint, se sont levés et, au cours des saints Conciles œcuméniques, ont combattu les enseignements erronés et ont établi la foi juste.
Aujourd’hui, en ce premier dimanche du Saint et Grand Carême, également appelé dimanche de l’Orthodoxie, nous nous souvenons de la victoire de la foi droite sur l’hérésie iconoclaste, tout en célébrant la victoire de l’Orthodoxie sur toutes les hérésies.
Bien que, depuis les premiers siècles chrétiens, les saintes icônes ont occupé une place particulière dans le culte de l’Église et constituent un élément important de la vie religieuse des fidèles, des voix se sont élevées pour les rejeter et les combattre avec acharnement, c’est-à-dire les iconoclastes.
Le premier empereur byzantin à publier des actes officiels contre l’honneur des icônes fut Léon III l’Isaurien (717-741). Entre 726 et 729, il a promulgué plusieurs décrets iconoclastes. Ce fut une période troublée pour l’Église, où les défenseurs de la foi juste ont souffert : certains sont torturés, d’autres exilés, d’autres encore meurent en martyrs. De nombreuses icônes, trésors de l’Église orthodoxe, ont également été détruites.
L’un de ceux qui ont résolument défendu les saintes icônes est saint Jean Damascène, le grand théologien qui résidait au monastère de Saint-Sabas, dans le désert de Judée. D’autres pères ont défendu avec des arguments solides l’honneur des saintes icônes, comme saint Théodore Studite, saint Nicéphore le Confesseur, saint Grégoire le Décapolite et d’autres encore.
Les troubles causés par les iconoclastes se poursuivirent, si bien qu’en 787, l’impératrice Irène (†802), en tant que régente, avec le soutien du patriarche Taraise de Constantinople (784-806), convoqua le septième Concile œcuménique à Nicée, dans la province de Bithynie, en Asie Mineure. Le Concile, auquel ont participé quelque 350 évêques, a décidé que la vénération des icônes était une pratique agréable à Dieu. Il a également déclaré que les icônes peuvent être peintes et doivent être honorées, parce que les visages de saints personnages y sont peints, et que l’honneur ne porte pas sur la matière de l’icône, mais sur la personne représentée sur celle-ci.
Le calme ne s’est cependant pas installé dans l’Église, même après le septième Concile œcuménique de 787. Les opposants aux icônes ont poursuivi la lutte. Pour mettre fin à la controverse, l’impératrice Théodora de Byzance (842-846) et le patriarche Méthode ont convoqué un concile à Constantinople en mars 843. Celui-ci a déterminé l’enseignement orthodoxe sur la vénération des icônes sur la base des Saintes Écritures et des écrits des Saints Pères, et a déclaré valides toutes les décisions des sept Conciles œcuméniques. La restauration du culte des icônes ayant eu lieu la veille du premier dimanche de Carême, celui-ci a été appelé « Dimanche de l’Orthodoxie ».
Depuis lors, chaque année, le premier dimanche de Carême, première étape de l’ascension spirituelle vers la Résurrection, l’Église orthodoxe, dans le monde entier, commémore la victoire sur les iconoclastes et rend hommage à ceux qui ont combattu pour la foi droite.
Le mot « Orthodoxie » signifie « foi droite » ou « glorification droite ». Orthodoxie signifie « croire correctement », non pas en quelque chose, mais en Quelqu’un, le vrai Dieu. L’Orthodoxie est le lien vivant de l’homme avec le Christ, qui nous conduit à Dieu le Père, à la vie éternelle, parce que le Christ Sauveur dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn XIV,6). En d’autres termes, la foi en notre Sauveur Jésus-Christ est le véritable chemin qui nous mène à la vie éternelle.
Le Dimanche de l’Orthodoxie est aussi un rappel de la foi de nos ancêtres, c’est-à-dire la foi des saints apôtres, des saints pères et des martyrs, et de la manière dont nos ancêtres ont vécu et défendu la vraie foi. Le Dimanche de l’Orthodoxie est un moment de réflexion et de prise de conscience du devoir que nous avons, nous aussi, de préserver le trésor de la foi hérité de nos ancêtres et de le transmettre aux générations futures, d’accomplir notre devoir envers Dieu et envers nos ancêtres.
Chrétiens orthodoxes,
Le fondement de la représentation iconographique de notre Seigneur Jésus-Christ, de sa Mère et des saints est l’incarnation de la Deuxième Personne de la Sainte Trinité, le Fils de Dieu.
Saint Jean l’Évangéliste dit : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, la gloire de celui qui est né du Père, plein de grâce et de vérité » (Jn I,14). Saint Jean le Théologien témoigne également : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, c’est le Verbe de vie, et la Vie a été révélée, et nous l’avons vue ; nous vous rendons témoignage et nous vous annonçons la Vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous a été révélée » (I Jn I,1-2).
Ainsi, l’icône de notre Sauveur Jésus-Christ nous rappelle l’humilité du Fils de Dieu, qui « s’est dépouillé lui-même, en prenant la forme d’un serviteur, en se faisant semblable aux hommes, en prenant l’apparence d’un homme, en s’humiliant lui-même, en devenant obéissant jusqu’à la mort, et même jusqu’à la mort sur une croix » (Philippiens II,7), afin de faire de nous des hommes des fils de Dieu selon la grâce (cf. Jn I,12). Le Sauveur s’est humilié, il est descendu du ciel sur la terre, afin d’élever les hommes de la terre au ciel.
L’icône n’est pas une idole, comme l’ont erronément interprété les persécuteurs des saintes icônes et comme l’interprètent aujourd’hui ceux qui nient leur vénération. L’idole est une divinité inventée, qui n’existe pas réellement, une image sculptée que les païens adoraient, croyant qu’elle leur obéissait et répondait à leurs exigences. L’icône est l’image d’une personne réelle, qu’il s’agisse de notre Sauveur Jésus-Christ, de la Mère de Dieu ou des saints de Dieu.
Il existe un lien spirituel entre l’icône et la personne qui y est peinte, et nous honorons non pas le matériau (le bois ou la toile) mais la personne peinte, établissant ainsi un lien mystique entre le prototype et nous. Le chrétien orthodoxe, lorsqu’il prie devant les icônes, ne dit pas « Icône, aide-moi ! », mais « Seigneur, aie pitié de moi ! », « Mère de Dieu ou Très pure Vierge, aide-moi ! », « Saint Hiérarque Nicolas ou Saint Georges, priez pour nous ! ».
Les icônes nous présentent des scènes des Saintes Écritures ou des images de personnes dont la vie est agréable à Dieu, qui ont obtenu le bonheur de la vie éternelle dans le Royaume des Cieux, nous rappelant que l’homme est appelé à la sainteté.
Les icônes sont des fenêtres sur l’éternité, à travers lesquelles notre âme, en regardant vers les saints, s’élève, croît spirituellement. Il est difficile d’imaginer la maison ou l’église d’un chrétien orthodoxe sans icône. Un tel espace serait comme un désert, un lieu vide, sans Dieu.
L’icône facilite la communication avec la personne peinte, vers laquelle nous dirigeons notre prière. Devant l’icône, la prière est intime, plus humble, plus intense. L’icône nous aide à rassembler nos pensées, à concentrer notre attention sur la prière. La présence pleine de grâce de la personne représentée sur l’icône devient un maître qui nous rappelle que nous sommes tous appelés à partager la béatitude éternelle et que nous pouvons, nous aussi, acquérir le Royaume de Dieu par les œuvres de la foi.
L’icône nous montre que l’homme peut vaincre le péché et atteindre la déification avec l’aide de la grâce de l’Esprit Saint et par une vie pure.
Enfants spirituels bien-aimés,
L’Église orthodoxe roumaine, en tant que « mère spirituelle du peuple roumain » (Mihai Eminescu), a toujours pris soin de ses fils, où qu’ils se trouvent, dans le pays ou à l’étranger. Grâce à divers programmes d’assistance socio-caritative, des cantines ont été construites pour les personnes aux revenus modestes, des maisons pour personnes âgées, des unités médicales pour les malades, des foyers pour enfants, etc. Cette activité caritative a été rendue possible par la contribution de chaque membre de l’Église, qui a généreusement donné le peu qu’il avait.
L’un des commandements du Sauveur est d’être miséricordieux : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Luc VI,36). La miséricorde est la manifestation de la vertu de bonté. Le chrétien orthodoxe sait que lorsqu’il est miséricordieux, il ressemble à Dieu, et que « Dieu aime celui qui donne avec joie » (II Cor. IX,7).
N’oublions pas nos semblables qui sont dans le besoin, les affamés, les nus, les assoiffés, les malades, les prisonniers, les étrangers et les émigrés, les souffrants, les affligés et les aliénés, les sans-abri, les sans-logis, sachant qu’en chacun de ces semblables, le Christ lui-même, notre Sauveur, souffre en silence (cf. Matthieu XXV,35-36).
Afin de soutenir les activités missionnaires, pastorales et socio-caritatives de l’Église orthodoxe roumaine, le Fonds missionnaire central a été créé, dans lequel sont déposés les dons de chaque paroisse ou monastère de l’Église orthodoxe roumaine. Le Fonds missionnaire central est une expression de la solidarité des orthodoxes roumains, mais aussi un témoignage de l’unité de la nation.
Chaque année, des communautés paroissiales, des églises, des monastères et des établissements sociaux du pays et de la diaspora bénéficient du soutien de ce fonds, contribuant ainsi, par des activités missionnaires, sociales, éducatives et caritatives, à la préservation de notre identité roumaine.
Cette année, nous nous adressons donc aux prêtres et aux fidèles de notre Sainte Église, en les exhortant à participer à la collecte pour le Fonds central missionnaire et à contribuer chacun selon ses possibilités et son cœur, par amour pour Dieu et pour ses semblables, conscients qu’en aidant l’Église de notre nation, nous nous aidons nous-mêmes en tant que peuple fidèle.
Espérant que notre appel sera entendu et que vous répondrez avec une générosité chrétienne, nous vous remercions pour votre générosité et prions Dieu de vous bénir de ses riches dons et de vous aider dans votre ascension spirituelle jusqu’à la glorieuse fête de la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ !
Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous ! (II Cor. XIII, 13).
Le texte est signé par le patriarche Daniel et tous les membres du Saint-Synode de l’Église orthodoxe roumaine.