Olga Lossky, Une soutane à mobylette. Le père Cyrille Argenti (1918-1994), éd. Salvator, 2024, 206 pages, 20 euros.
On connaissait le père Cyrille Argenti (1918-1994) de bienheureuse mémoire par ses écrits et des enregistrements (audio et vidéo), grâce à Olga Lossky, dont on sait le talent littéraire et ce livre en témoigne encore, nous avons maintenant une biographie de cette figure remarquable et rayonnante de l’orthodoxie en France au XXe siècle. Un récit à l’image de son protagoniste : plein de vie !
S’appuyant, en plus des écrits et des enregistrements, sur des archives et de nombreux témoignages, cet ouvrage nous en apprend beaucoup sur la vie du père Cyrille qui fut au cœur de plusieurs des grands enjeux du XXe siècle, qu’ils soient religieux ou sociétaux. Le livre propose aussi un cahier central de photographies.
Comme Mère Marie Skobtsov, le père Cyrille fut proclamé en 1990 Juste parmi les nations pour avoir sauvé des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Engagé dans la Résistance, ces sauvetages furent l’une de ses tâches, avec d’autres dans le maquis, qu’il mena alors au péril de sa vie. Il fut arrêté en 1944 et ce moment crucial, entre la vie et la mort qui se profilait, est raconté en détail par Olga Lossky. Ce fut un tournant dans son existence. Incarcéré, il put finalement s’échapper grâce à une intervention inespérée d’une personne inattendue.
Le père Cyrille est issu d’une famille grecque de marchands originaires de Chios dont l’histoire conduit jusqu’à la région de Gênes que ses ancêtres quittèrent au XIVe siècle pour Chios. Lors du massacre de Chios en 1822, une partie de la famille périt tandis qu’une autre partie parvint à s’échapper et s’installa à Londres et à Marseille où la famille avait déjà ouvert un commerce en 1816. C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le jeune Pandélis Léonidas, ses prénoms à l’état civil, s’engage dans des études de théologie à Paris (Institut Saint-Denys) puis à Athènes. En 1949 en Grèce, il est tonsuré moine, puis ordonné diacre et ensuite prêtre en 1950 par l’archevêque d’Athènes.
C’est le 21 juillet 1950 que le père Cyrille est nommé prêtre vicaire de l’église de la Dormition de la Mère de Dieu à Marseille. Il s’agit de la plus ancienne église orthodoxe construite en France, en 1834, puis reconstruite en 1845, pour la communauté grecque déjà présente dans la cité phocéenne au XVIIIe siècle. Dans ses nouvelles fonctions et jusqu’à la fin de son existence terrestre la vie de père Cyrille est remplie d’engagements nombreux et d’entreprises diverses qu’il mène à bien avec sa grande détermination en dépit des difficultés. À Marseille et dans les environs pour accomplir ses différentes activités, en plus des célébrations et du soutien aux plus démunis, père Cyrille se déplaçait à mobylette, par tous les temps, d’où le titre de l’ouvrage, « Une soutane à mobylette ». Il serait trop long ici d’évoquer toutes les initiatives qu’aborde Olga Lossky dans l’ouvrage. Mentionnons juste quelques-unes dans lesquelles le père Cyrille est à l’origine : fondation d’une maison de retraite à La Bouilladisse, organisation de camps de jeunesse, du mouvement des Éclaireurs grecs orthodoxes de Marseille, création de la Jeunesse orthodoxe du Midi, cofondation d’une radio œcuménique à Marseille, Radio Dialogue (qui devient en 2015 Dialogue RCF), participation au groupe interreligieux Marseille Espérance, etc. À l’échelle nationale, il participe aux activités de la Fraternité orthodoxe d’Europe occidentale, il est également durant de nombreuses années vice-président de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), il est aussi au cœur de l’initiative du groupe Catéchèse orthodoxe à l’origine de la publication d’ouvrages pour aider à la transmission de la foi dont Dieu est vivant. Catéchisme pour les familles. À l’échelle internationale, il est très actif au Conseil œcuménique des Églises, notamment au sein de la commission « Mission et évangélisation ».
Une autre des actions, de longue haleine souligne Olga Lossky, menée par le père Cyrille est son investissement pour l’utilisation du français dans les offices. Il lui a fallu vaincre bien des réticences en dépit du succès rencontré par les offices en français. Cela conduit notamment, à la fin des années 1970, à la création de la paroisse Saint-Irénée à Marseille, une paroisse multiethnique qui célèbre en langue française.
Le livre d’Olga Lossky rend un vibrant hommage à la vie et à l’action de ce pasteur qui a marqué tous ceux qui l’ont rencontré, croyants ou non, dont les témoignages présentés dans l’ouvrage rendent compte avec gratitude de cette figure au visage lumineux.
Des hommages au père Cyrille Argenti seront rendus prochainement à l’occasion du trentième anniversaire de son rappel à Dieu, le 21 novembre 1994, à Marseille, le 16 novembre, et à Paris, le 30 novembre.