L’Église orthodoxe ukrainienne est, comme cela est connu de tous, la seule Église orthodoxe canonique et légitime en Ukraine, et aussi la plus grande organisation religieuse de ce pays. Elle est reconnue par toutes les Églises orthodoxes du monde, ainsi que par toutes les Églises et confessions hétérodoxes, tandis que la structure non canonique, schismatique, qui, tout en se nommant « Église orthodoxe d’Ukraine », n’a pas même les attributs les plus fondamentaux d’ecclésialité, est reconnue par seulement quatre Églises orthodoxes lesquelles, par le nombre de leurs fidèles, ne représentent qu’un très faible pourcentage dans l’univers orthodoxe. Il va de soi que, même si la disproportion numérique était en faveur de la structure non canonique, c’est-à-dire au détriment de l’Église canonique, cela ne changerait rien sur le plan ontologique : l’Église est l’Église, et la parasynagogue [terme canonique désignant une assemblée ecclésiastique illicite, ndt] illégale peut devenir l’Église exclusivement par la repentance et la procédure canonique, en aucun cas d’un trait de plume.
L’Église orthodoxe ukrainienne n’est pas une « belligérante », mais une Église de Dieu vivante et active dans l’unité de foi et la communion liturgique avec l’Église orthodoxe russe et les Églises orthodoxes en général. Les guerres, justes et injustes, sont menées par des États, pas les Églises. Il est d’un caractère monstrueux de traiter une quelconque Église comme un ennemi en raison du fait que les membres des parties tragiquement en conflit, dans la mesure où ils sont croyants, sont les fidèles d’une seule et même Église. L’Église est toujours pour la paix, priant constamment pour la paix et faisant tout ce qu’elle peut pour remplacer l’hostilité et la haine entre les hommes et entre les peuples par l’amitié et l’amour entre eux. L’Église ne divise pas les gens en « siens » et « étrangers », « domestiques » et « étrangers » ; elle s’efforce, au nom de Dieu qui est Amour, d’aimer tout le monde et de prendre soin pastoralement du salut des âmes et de la vie de tous ceux qui ont besoin d’amour fraternel et d’aide.
Le meilleur exemple d’une telle attitude et d’un tel comportement est donné par l’Église orthodoxe ukrainienne – son primat, Sa Béatitude le métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine, son épiscopat, son clergé, ses moines et moniales et son peuple fidèle. C’est pourquoi l’Église orthodoxe serbe regarde avec une profonde préoccupation, tristesse et un amour fraternel compatissant la « persévérance des saints » (Ap 14, 12 ; cf. 1,9) en Ukraine, en regardant les pressions, la violence et les persécutions que les autorités ukrainiennes actuelles exercent contre l’Église canonique, et donc contre la majorité de ses propres citoyens, étant donné qu’il s’agit de la plus grande communauté religieuse du pays. Les persécutions ont culminé précisément ces derniers jours avec la saisie violente d’églises au profit d’une structure schismatique pseudo-ecclésiale, qui a le statut d’une « Église d’État » sui generis et d’une Inquisition informelle. Le pic de terreur à venir a été annoncé, à savoir une répétition fidèle de la persécution soviétique de l’Église – l’expulsion de deux cent cinquante moines et de centaines de professeurs et d’étudiants en théologie de la Laure des Grottes de Kiev, la source spirituelle séculaire et le centre de la Sainte Rus’, les fonts baptismaux du christianisme slave oriental et de l’Orthodoxie dans l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie modernes.
La Laure des Grottes de Kiev avec ses sanctuaires n’est pas seulement un symbole et le centre de l’Ukraine orthodoxe et, plus largement, du « monde russe » (quelle que soit l’interprétation du terme), mais aussi une source inépuisable et vivifiante de spiritualité de toute l’Orthodoxie. En outre, les trésors spirituels et culturels de la Laure sont un élément extrêmement important et visible non seulement du patrimoine culturel de l’Ukraine et de toute la Rus’, mais aussi du patrimoine culturel mondial. À la lumière de ces faits, la décision de la direction actuelle de l’Ukraine d’expulser le métropolite Onuphre, la fraternité monastique et l’académie théologique de la Laure n’est rien de plus que synonyme de l’horrible terreur d’État contre l’Église, ainsi que de la violation la plus flagrante de ses droits fondamentaux, de la liberté religieuse et de la liberté de conscience en général. Le comportement de la direction de l’État ukrainien témoigne que son véritable but – probablement le but ultime – est d’effacer la mémoire historique et toutes les traces de l’Orthodoxie originelle en Ukraine afin de changer le code et l’identité historique que l’Église a minutieusement construits et préservés au cours des siècles, depuis le Saint-Prince Vladimir à nos jours.
Ressentant et sachant que la seule Église orthodoxe existante en Ukraine avec, à sa tête, le métropolite Onuphre de Kiev, porte courageusement et humblement sa croix et monte avec espérance vers le Golgotha du Christ et le sien, nous sommes convaincus que le Seigneur crucifié et ressuscité – en raison de la foi profonde, du pardon et de l’amour pour tous, y compris les ennemis selon leur choix – donnera la force à Son Église d’endurer toutes les souffrances qu’elle doit endurer. En même temps, nous élevons notre voix s’écriant contre la terrible injustice, contre la terreur d’État exercée à l’endroit de l’Église en Ukraine qui « crie vers le ciel ». Nous espérons que les Églises et les communautés religieuses, ainsi que les institutions et les organisations qui se soucient de la paix, de la justice et d’une certaine forme d’ordre dans le monde, condamneront la violation flagrante des droits et libertés religieux en Ukraine.
En priant avec ferveur le Seigneur pour la cessation de la guerre fratricide en Ukraine et pour l’instauration d’une paix bénie dans ce pays le plus tôt possible, nous attendons avec foi, espérance et amour le triomphe de la Croix et de la Résurrection du Christ sur les puissances des ténèbres. Nous vénérons Ta Croix, ô Christ, et nous glorifions Ta sainte Résurrection.
Le patriarche de Serbie Porphyre,
Président du Saint-Synode des évêques de l’Église orthodoxe serbe »