« Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe d’Ukraine, après avoir délibéré au sujet des derniers événements dans le domaine des relations inter-orthodoxes, déclare :
1. Nous sommes contraints de constater qu’en raison des agissements anti-canoniques du Patriarcat de Constantinople en Ukraine et aussi de l’entrée en communion des primats des Églises de Grèce et d’Alexandrie avec « l’Église orthodoxe d’Ukraine » schismatique, la situation dans le monde orthodoxe s’est notoirement détériorée et la division entre les Églises orthodoxes locales s’est approfondie non seulement au niveau administratif, mais aussi spirituel, c’est-à-dire au niveau de la communion sacramentelle.
2. Il est devenu évident que cette crise n’est pas seulement le problème des relations bilatérales entre les patriarcats de Constantinople et de Moscou, mais qu’elle concerne toute l’orthodoxie mondiale, à savoir toutes les Églises orthodoxes locales, étant donné que la crise détruit les fondements mêmes de la vie et de la mission de l’Église du Christ. Le présent problème revêt un caractère non pas administratif, mais ecclésiologique. Il est apparu au grand jour une nouvelle conception de la primauté du patriarche de Constantinople en tant que « premier sans égaux » dans l’orthodoxie mondiale, ce que n’a jamais connu l’Église orthodoxe et ce qui de facto constitue la violation du principe de la conciliarité de l’Église et la conséquence d’une conception erronée de la nature de l’Église en général, ainsi que du rôle d’une Église locale individuelle dans le corps de l’Église du Christ en particulier. En outre, le Patriarcat de Constantinople a commencé à recevoir en concélébration des personnes n’ayant pas le rang sacerdotal, ce qui constitue un blasphème et une profanation de l’eucharistie.
3. Prenant cela en considération, la cessation par l’Église orthodoxe d’Ukraine de la communion eucharistique avec le Patriarcat de Constantinople et avec les Églises et hiérarques qui ont reconnu les schismatiques ne constitue pas un usage abusif de l’eucharistie, ni d’autant plus un chantage au moyen de l’eucharistie, comme certains le disent parfois, mais au contraire la protection de l’eucharistie et la préservation de la pureté et de l’intégrité canoniques et spirituelles de l’Église. En effet, notre Seigneur Jésus-Christ, comme l’a écrit l’apôtre Paul, a « aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible » (Eph. V, 25-27).
4. C’est précisément pour ces raisons que c’est un mensonge et une manipulation que d’accuser l’Église orthodoxe d’Ukraine de soi-disant se mouvoir vers l’auto-isolation en cessant la communion eucharistique avec ceux qui sont entrés en communion avec des schismatiques non repentis. En réalité, nous défendons la pureté de la tradition canonique de l’Église, nous défendons l’Église contre le blasphème. Autrement, si des gens qui n’ont pas d’ordinations légitimes sont admis à célébrer, si le schisme est proclamé Église, tandis que la véritable Église du Christ est ignorée ou appelée « schisme », il surgit alors le danger de substitution de l’Église. Qui plus est, par de tels agissements anti-ecclésiaux est effacée la limite entre l’Église et le schisme. Il en résulte la création d’une nouvelle « Église » fondée par des gens en lieu et place de celle que notre Seigneur Jésus-Christ s’est acquis par Son propre sang (cf. Actes XX, 28).
5. L’un des principes de base du droit canon de l’Église orthodoxe consiste en ce que celui qui entre en communion eucharistique avec celui qui est excommunié, s’excommunie lui-même de la communion de l’Église. À ce sujet, l’entrée en communion par certaines Églises locales avec des gens qui ont fait un schisme dans d’autres Églises locales, ne s’en sont pas repentis et ne possèdent pas un véritable sacerdoce, pose automatiquement la question : le fait qu’ils demeurent en communion eucharistique avec des schismatiques ne constitue-t-il pas leur participation dans ce péché et la transgression du principe canonique susmentionné ?
6. Nous considérons que la seule façon de sortir de cette crise est la discussion conciliaire panorthodoxe et la résolution de toutes ces questions problématiques. Conscients de la toute la difficulté liée à la convocation de cette réunion panorthodoxe, nous ne voyons toutefois jusqu’à maintenant pas d’autre issue à cette situation de crise. Aussi, nous saluons l’initiative de S.B. le patriarche de la sainte ville de Jérusalem et de toute la Palestine Théophile III en faveur de la convocation d’une réunion panorthodoxe en Jordanie. Aux jours difficiles de l’histoire de notre Église, le Patriarcat de Jérusalem nous a déjà aidé une fois lorsque, en 1620, le patriarche de Jérusalem Théophane a restauré la hiérarchie orthodoxe pour remplacer ceux qui étaient passé à l’union [avec Rome ndt] sous la pression du pouvoir polono-lituanien alors en place. Nous approuvons, nous remercions et considérons avec espoir de tels appels des primats et des hiérarques des autres Églises locales à la tenue d’une réunion panorthodoxe, ces appels se faisant entendre de plus en plus fortement ces derniers temps.
7. Nous constatons que, malheureusement, des facteurs géopolitiques et politiques ont commencé à intervenir grossièrement dans la vie de l’orthodoxie mondiale. Il en résulte que des Églises locales individuelles ont commencé à prendre leurs décisions ecclésiastiques sous l’influence de ces facteurs, au mépris des canons et de la tradition séculaire de l’Église. Nous comprenons que chaque Église locale accomplit son ministère dans le cadre de tel ou tel État, et parfois même de plusieurs d’entre eux. Souvent, tel ou tel peuple orthodoxe est très étroitement lié tant à son propre État qu’à son Église locale. Cependant, c’est là notre profonde conviction, chaque Église orthodoxe dans son service à Dieu doit être au-dessus des frontières et intérêts nationaux, étatiques ou politiques et ne pas céder aux pressions extérieures, se souvenant que le royaume de Dieu que nous prêchons n’est pas de ce monde (cf. Jn VIII, 36). Si chaque Église locale s’associe exclusivement aux intérêts de son État, l’orthodoxie mondiale ne pourra être une, sachant qu’il arrive que les États soient en conflit ou en guerre les uns avec les autres, mais l’Église doit préserver l’unité et réconcilier les gens, et non pas devenir partie ou moyen de confrontation. Nous exprimons l’espoir que la sainte Église orthodoxe, avec l’aide de Dieu, trouvera les forces de surmonter ces défis et gardera son unité, en s’élevant au-dessus des frontières et intérêts nationaux et étatiques, car en Christ, il n’y a ni Grec ni Juif… ni barbare ni Scythe… mais Christ est tout et en tous (Col. 3,11).
8. Nous nous adressons aux archipasteurs, pasteurs, moines et moniales, ainsi qu’aux laïcs de notre Église orthodoxe d’Ukraine. Chers évêques, pères, frères et sœurs ! Tout cela ne s’est pas produit hors de la Providence divine et c’est précisément en Ukraine et dans notre Église, dans le cadre de l’orthodoxie mondiale, que se produit aujourd’hui la limite entre l’Église et le schisme. Dans cette situation, nous devons garder la pureté de la structure canonique et de la doctrine de l’Église. On nous effraye par l’auto-isolation. Mais lorsque nous vivons dans la foi véritable, il ne peut y avoir d’auto-isolation, ce qu’a exprimé le métropolite de Kiev et de toute l’Ukraine Vladimir de bienheureuse mémoire : « Avec le Christ, il n’y a pas d’auto-isolation ». En fait, aujourd’hui, notre Église orthodoxe d’Ukraine, en passant par différentes épreuves, défend l’unité de toute l’orthodoxie mondiale. N’ayez pas peur ! Vous vous trouvez dans la véritable Église ! Aimez l’Église, gardez l’Église et vous-mêmes en elle, parce que par Elle le Seigneur nous sauve. Et laissez tout le reste à la volonté de Dieu. Rappelez-vous que ce ne sont pas les hommes qui dirigent l’Église, mais le Seigneur Lui-même. Prions pour que le Seigneur par Son Esprit Saint corrige toute les erreurs humaines, qu’Il nous purifie de toute souillure et qu’Il sauve nos âmes ».