Le 27 février 2022, le patriarche Cyrille de Moscou a prononcé une homélie à la fin de la Divine liturgie à l’occasion du centenaire du début des persécutions de l’Église orthodoxe russe par le pouvoir bolchévique, dont nous proposons la traduction intégrale en français.
« Vos Éminences et Excellences, chers pères, frères et sœurs,
Je vous salue tous cordialement et vous souhaite un bon dimanche. Le jour présent est un jour particulier, car nous commémorons le centenaire du début des persécutions contre l’Église orthodoxe russe au XXème siècle. Les raisons de ces persécutions sont bien connues. Des interruptions s’étaient produites dans la livraison du pain, le peuple a commencé à souffrir de la faim, et Sa Sainteté le Patriarche Tikhon a pris la décision d’aider les affamés : d’allouer tous les moyens dont disposait l’Église, et même d’enlever et vendre les encadrements précieux des icônes, pour sauver les affamés.
Mais ce n’est pas ce qui était nécessaire au pouvoir athée. Le but du pouvoir n’était pas que l’Église manifeste son amour et sa sollicitude aux affamés, mais de profiter de la faim pour accuser l’Église de résistance, de réticence pour aider les souffrants, se saper son autorité et de créer les conditions préalables aux persécutions. Afin de ne pas parler seulement moi-même, je voudrais vous lire aujourd’hui le message de Sa Sainteté le Patriarche de toute la Russie, qu’il a signé en ce jour en 1922. Ce document historique a été longtemps interdit.
Pour la seule propagation de ce document, les gens pouvaient être emprisonnés et même perdre la vie. Cela témoigne à quel point Sa Sainteté et toute l’Église étaient sensibles à la famine dans la région de la Volga. Les historiens débattent sur le fait que cette famine était engendrée par des causes naturelles ou, hormis celles-ci, si elle avait été aggravée par les actions du pouvoir alors en place. Il est évident que l’Église a répondu, avec un cœur ouvert, avec amour, mais ce n’est pas ce qu’il fallait au pouvoir. Suite a cela a commencé une terrible campagne, dirigée contre le patriarche Tikhon, qui se termina par son arrestation et son incarcération, d’abord en prison, et ensuite sous assignation à résidence.
Nous savons quelles terribles souffrances a subies notre Église, et nous voyons comment l’ennemi du genre humain s’est efforcé perfidement, non seulement de détruire l’Église, mais aussi de la compromettre aux yeux du peuple croyant. Aujourd’hui, nous connaissons tout cela et nous prions le saint hiérarque Tikhon, qui a été canonisé, afin qu’il préserve notre Église des différentes épreuves, des schismes et des divisions, qui, à son époque, provoquées par des forces extérieures, détruisaient l’Église de Dieu et sapaient la foi dans la vie de notre peuple.
Aujourd’hui, nous avons aussi besoin d’unité, d’unité avec nos frères et nos sœurs d’Ukraine. Nous connaissons les circonstances difficiles dans lesquelles se trouve l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou. J’ai particulièrement prié, aujourd’hui, pour son Béatissime primat et, naturellement, pour l’ensemble de l’épiscopat et pour tout le peuple orthodoxe d’Ukraine. Je vous invite à prier aussi. À Dieu ne plaise que la situation politique actuelle en Ukraine, pays frère qui nous est proche, permette aux forces mauvaises, qui ont toujours combattu l’unité de la Rus’ et celle de l’Église russe, de prendre le dessus.
À Dieu ne plaise qu’entre la Russie et l’Ukraine soit tracée une ligne terrible, rougie par le sang de nos frères. Nous devons prier pour le retour à la paix, pour le rétablissement de relations fraternelles entre nos peuples. Notre Église orthodoxe une, représentée en Ukraine par l’Église orthodoxe ukrainienne présidée par Sa Béatitude Onuphre, est le gage de cette fraternité. Nous avons aussi prié pour eux aujourd’hui. Pour que le Seigneur leur donne la force et la sagesse de résister, comme le patriarche Tikhon, aux attaques du malin, et, en même temps, de servir fidèlement leur peuple, par la foi et la justice, notamment en promouvant la paix par tous les moyens.
Que le Seigneur garde notre Église dans l’unité. Que le Seigneur protège de la guerre fratricide les peuples qui font partie d’un espace unique, celui de l’Église orthodoxe russe. Ne donnons pas aux puissances extérieures obscures et hostiles l’occasion de se moquer de nous, faisons tout pour préserver la paix entre nos peuples, en même temps que pour protéger notre Patrie historique commune de toutes actions extérieures, qui peuvent détruire cette unité.
Aujourd’hui, nous prions particulièrement pour Sa Béatitude Onuphre, pour notre Église et pour nos pieux enfants. Que le Seigneur préserve la terre de la Rus’. Lorsque je dis « Rus’ », j’emploie l’antique expression de la « Chronique des temps passés » : « L’origine de la terre de la Rus’ ». Une terre dont font partie aujourd’hui la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie, d’autres tribus et d’autres peuples. Prions pour que le Seigneur garde la terre de la Rus’ des ennemis extérieurs, des désordres intérieurs, pour que l’unité de notre Église se renforce, pour que, par la grâce de Dieu, les épreuves, les attaques et les provocations se retirent et pour que les orthodoxes d’Ukraine puissent jouir de la paix et de la tranquillité. C’est pour cela que nous prions aujourd’hui. Et je vous demande à tous de mentionner Sa Béatitude Onuphre et nos frères et sœurs d’Ukraine dans vos prières à l’église et à la maison, et de prier pour la paix. Que la bénédiction de Dieu, par les prières du saint hiérarque Tikhon, patriarche de toute la Russie, nous renforce dans l’unité, dans la concorde et la vérité divine, afin que, jamais ni en quoi que ce soit, nous nous écartions de cette vérité, ni dans les œuvres spirituelles, ni dans les affaires quotidiennes, parce que c’est précisément ainsi qu’est glorifié parmi les hommes le non Très-béni du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen ».