La troisième période de l’histoire de l’interprétation du texte évangélique s’étend du 4e au 8e siècle et recouvre toute l’époque des Conciles œcuméniques. C’est celle qui offre le matériau le plus riche pour l’interprétation de l’histoire évangélique.
Les débats théologiques, dont notamment ceux qui portaient sur la personne de Jésus-Christ comme Dieu et homme, ont fait naître la nécessité de revisiter constamment l’Évangile et d’autres livres du Nouveau Testament afin de réfuter les opinions erronées et hérétiques.
En plus de la littérature polémique, comportant une analyse détaillée de certains épisodes du Nouveau Testament et des paroles de Jésus, cette période a vu naître des commentaires suivis sur des Évangiles entiers et sur l’ensemble du corpus des quatre Évangiles.
Interprétation allégorique: une ascension de la lettre vers l’esprit
À cette époque, la tradition de l’interprétation allégorique des Évangiles se reflète dans les travaux des représentants de l’école d’Alexandrie, notamment chez Cyrille d’Alexandrie. Ce type de commentaires a été également fréquemment utilisé par Grégoire de Nysse et Maxime le Confesseur. Ce dernier parlait ainsi des deux formes sous lesquelles l’Écriture se révèle aux hommes: la première, qui est «simple et accessible, que la plupart peuvent voir»; la seconde «plus cachée et accessible à un petit nombre, c’est-à-dire à ceux qui, comme Pierre, Jacques et Jean, sont devenus des saints apôtres devant lesquels le Seigneur s’est transfiguré dans la gloire qui triomphe du sentiment».
Maxime le Confesseur comparait l'interprétation des Saintes Écritures à une ascension de la lettre vers l'esprit. La méthode d'interprétation anagogique des Écritures (du gr. ἀναγωγή "élévation"), comme la méthode allégorique, part de l'idée que le mystère du texte biblique est inépuisable: seule la trame extérieure des Écritures est limitée par le cadre narratif, tandis que la "contemplation" (θεωρία), ou sa signification mystique intérieure, est illimitée.
À la suite d’Origène, Maxime le Confesseur sépare l’Écriture en corps et esprit:
«La sainte Écriture a l’Ancien Testament pour corps et le Nouveau pour âme, esprit et intellect. Et encore: de la sainte Écriture prise en totalité, la lettre selon l’histoire est le corps, l’intelligence de ce qui est écrit et le but en vue duquel cette intelligence est ordonnée, est l’âme… En effet, comme l’homme que nous sommes est mortel pour ce qui apparaît et immortel pour ce qui n’apparaît pas, ainsi la sainte Écriture, elle qui comprend la lettre qui passe et, caché sous cette lettre, l’esprit qui ne cesse jamais d’être, établit la justesse de ce qu’exprime cette interprétation.»
Maxime le Confesseur, La Mystagogie, coll. « Les Pères dans la foi », n° 92, 2005, p. 107-108
La tradition de l’interprétation littérale en Orient et en Occident
Parallèlement aux interprétations allégoriques s’est également développée la tradition de l’interprétation littérale du texte de l’Évangile, dans les travaux des représentants de l’école d’Antioche, tels qu’Éphrem le Syrien, Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste.
Ces auteurs se sont avant tout intéressés au sens littéral des épisodes de la vie de Jésus et de ses paroles, qu'ils ont examinés à travers le prisme des prophéties vétérotestamentaires ainsi que dans le contexte de l'histoire de l'humanité.
Dans ses commentaires de l’Évangile, Jean Chrysostome met l’accent sur les leçons de morale qu’il convient d’en tirer, en projetant constamment les situations de la vie de Jésus et de ses disciples sur la vie de ses contemporains. Cette façon d’interpréter l’Évangile reste, jusqu’à ce jour, privilégiée dans la prédication religieuse.
La tradition de l’interprétation littérale et allégorique de l’Évangile s’est également développée à la même époque en Occident.
Deux éminents théologiens latins, Augustin d’Hippone et Jérôme de Stridon, qui jouissent dans la tradition catholique du statut de docteurs de l’Église, ont apporté une contribution importante à la compréhension du texte évangélique. Le premier est l’auteur de nombreux commentaires des textes évangéliques, dans lesquels il associe les approches littérale et allégorique. Le second est l’auteur de tout un cycle de commentaires bibliques et d’analyses textuelles.
On doit à Jérôme notamment une traduction complète en latin de l’Ancien Testament, et une nouvelle version de la traduction latine du Nouveau Testament. Il est également l’auteur d’un commentaire de l’Évangile de Matthieu en quatre volumes, et de commentaires sur d’autres livres bibliques.
Dans ses commentaires, Jérôme de Stridon s'en tient pour l'essentiel à la méthode littérale qu'il assortit de quelques éléments de critique littéraire (il commente certains mots et expressions, leur traduction).
Cet article fait partie de la série basée sur les six volumes de « Jésus-Christ. Vie et Enseignement » par le métropolite Hilarion Alfeyev, disponible tous les vendredis sur cette page. Pour obtenir votre exemplaire du premier volume, « Début de l’Évangile », visitez le site des Éditions des Syrtes.