Dans cet article et dans les articles suivants, arrêtons-nous sur la question de la forme initiale du texte du Nouveau Testament, sur les modifications qu’il a subies au fil du temps et sur les raisons de ces modifications. Ces informations sont importantes pour comprendre les particularités des sources auxquelles a recours quiconque entreprend d’étudier la vie et l’enseignement de Jésus.
L’Écriture sacrée juive au temps de Jésus: les rouleaux
Tous les manuscrits anciens qui nous sont parvenus se présentent sous la forme ou bien de rouleaux, ou bien de codices.
À l’époque de l’Ancien Testament, les Juifs ne disposaient que de rouleaux, c’est-à-dire de longues feuilles de papyrus (allant jusqu’à 7, voire 10 m de longueur) que l’on enroulait autour d’un ou deux axes: on lisait le texte à mesure que l’on déroulait le rouleau.
Lorsque Jésus est entré dans la synagogue de Nazareth, on lui remit le livre du prophète Ésaïe. L'ayant déroulé, il commença la lecture. Ensuite, il roula le livre, le remit au serviteur, s'assit et se mit à prêcher (Lc 4:17, 20).
En lisant ces lignes, nous imaginons un livre constitué de feuillets séparés cousus ensemble, que l’on pouvait ouvrir ou fermer à n’importe quelle page. En réalité, le livre que tenait Jésus entre les mains était un rouleau, qu’il a d’abord déroulé au bon endroit, puis qu’il a enroulé. Les Juifs n’avaient pas de codices à son époque.
Évolution vers les codices
C’est plus tard seulement, à l’époque déjà chrétienne, que s’est répandu l’usage des codices, c’est-à-dire de livres contenant des feuilles séparées cousues ensemble.
Cependant, l’utilisation des rouleaux a subsisté jusqu’à nos jours dans la tradition juive. Les codices ont été empruntés par l’Église chrétienne au monde de l’Antiquité (les livres sous cette forme existaient en Grèce et à Rome). Entre le 3e et le 4e siècle, les rouleaux ont été presque complètement évincés par les codices.
Sur les 5 500 manuscrits du Nouveau Testament qui nous sont parvenus, seuls une centaine sont des rouleaux, tous les autres sont des codices.
Rouleau et codex: symboles de deux Testaments
Le remplacement progressif des rouleaux par les codices peut s’expliquer par des raisons d’ordre pratique: ces derniers sont plus faciles à manipuler, se conservent mieux, se détériorent moins. Mais on peut également y voir un sens théologique.
Les rouleaux faisaient partie des attributs de la religion de l’Ancien Testament, considérés dans la tradition juive comme sacrés et inaliénables, mais rejetés par les chrétiens. Du reste, cela ne s’est pas produit immédiatement. Les premiers Évangiles ont probablement été écrits justement sur des rouleaux.
Notons que sur les icônes anciennes les évangélistes étaient représentés avec des rouleaux entre les mains, et non des codices. À l’époque byzantine cependant, on s’est mis à représenter les évangélistes avec des codices. Les prophètes bibliques, en revanche, sont toujours représentés avec des rouleaux, même dans l’iconographie byzantine.
En ce qui concerne Jésus Christ, sur toutes les icônes que nous connaissons où il est représenté tenant l’Évangile, il tient entre les mains un codex et non un rouleau.
Ainsi, le rouleau symbolise l’Ancien Testament, et le codex, le Nouveau.
Cet article fait partie de la série basée sur les six volumes de « Jésus-Christ. Vie et Enseignement » par le métropolite Hilarion Alfeyev, disponible tous les vendredis sur cette page. Pour obtenir votre exemplaire du premier volume, « Début de l’Évangile », visitez le site des Éditions des Syrtes.