Le métropolite Emmanuel de Chalcédoine sera présent à Paris le mercredi 26 février 2025 pour une rencontre exceptionnelle à l’occasion de la sortie de son livre « Libres enfants de Dieu », publié aux Éditions du Cerf.
L’événement, qui se tiendra à 19h à la cathédrale Saint-Stéphane (7, rue Georges Bizet, 75016 Paris), est organisé sous l’égide de Son Éminence le métropolite Dimitrios, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, et de Jean-François Colosimo, directeur des Éditions du Cerf.
Dans cet ouvrage majeur, le métropolite Emmanuel témoigne du message de liberté de l’Église orthodoxe à l’heure où l’avenir du monde et le devenir du christianisme nous interpellent. Il y partage sa réflexion sur la vision et l’action du patriarche œcuménique Bartholomée Ier, tout en relatant les nombreuses missions accomplies en son nom : dialogues œcuméniques et interreligieux, Grand Concile de Crète, reconnaissance de l’autocéphalie de l’Ukraine, ainsi que ses engagements auprès de l’Union européenne et des institutions internationales.
Le métropolite aborde également les défis contemporains majeurs, qu’ils soient religieux – comme le sort des chrétiens d’Orient ou la situation du patriarcat de Moscou – ou planétaires, tels que la multiplication des conflits et la crise environnementale. L’ouvrage est enrichi de témoignages personnels sur son parcours spirituel, de son enfance crétoise à sa formation théologique à Paris et Boston, en passant par son épiscopat en France, ses pèlerinages au Mont-Athos et sa vie actuelle à Istanbul.
Né en Crète en 1958, le métropolite Emmanuel a occupé plusieurs fonctions importantes au sein de l’Église orthodoxe, notamment comme directeur du bureau de l’Église orthodoxe auprès de l’Union européenne, vicaire épiscopal en Belgique, métropolite de France et président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France et de la Conférence des Églises européennes. En 2021, il a été élu à l’unanimité métropolite du siège majeur de Chalcédoine par le Saint-Synode du patriarcat œcuménique de Constantinople, sur proposition du patriarche Bartholomée Ier. Il est également co-auteur, avec le cardinal Kurt Koch, de « L’Esprit de Jérusalem » paru au Cerf.
La rencontre sera suivie d’un cocktail, offrant ainsi l’opportunité d’échanger plus librement avec l’auteur.
Découvrez en avant-première le prologue de Libres enfants de Dieu, le livre-événement du Métropolite Emmanuel.
Métropolite Emmanuel :
« Je m’efforce, modestement, en retissant les visages et les apprentissages, les événements et les enseignements qui m’ont façonné, de montrer combien, malgré les difficultés en apparence insurmontables, “le royaume de Dieu est proche”. »
« Dieu ne ment pas », affirme saint Paul dès les premières lignes de sa lettre à Tite. Dieu, dit-il, se révèle « en Jésus-Christ » comme « celui qui nous sauve ». Dieu, ajoute-t-il, nous accorde la vie éternelle « qu’il nous a promise avant tous les siècles ». C’est de don que nous anticipons dès aujourd’hui en l’espérance au sein de l’Église. Là où, grâce à la puissance de son Esprit, le Père nous fait accéder par son Fils à la « connaissance de la vérité » ordonnée à l’exercice de la piété (Tt 1, 4).
Cette dernière formule, chaque fois que je la relis, ne manque pas de me saisir. Elle récapitule les deux sens originels, en grec, du mot « orthodoxie ». Ils vont à l’inverse de l’usage actuel du terme qui désigne la conformité rigide et la soumission aveugle à un système officiel d’idées abstraites et de règles artificielles. Au contraire, étymologiquement, le mot signifie à la fois la « juste appréhension » et la « juste célébration ». Il implique la vérification existentielle que Jésus est l’« unique nécessaire » ainsi qu’il se définit lui-même devant Marthe et Marie avant de ressusciter Lazare d’entre les morts (Lc 10, 42).
L’Église orthodoxe se veut le lieu de la transmission d’une expérience vécue, celle du Christ présent « parmi nous ». Elle pose pour seul critère de vérité la venue du Royaume. Elle déploie, pour le rendre perceptible, un riche univers à la fois biblique et liturgique, sacramentel et spirituel, aux fortes résonances anthropologiques et cosmiques. Elle n’a de but que la participation réelle, ici et maintenant, de chaque personne humaine à la vie divine, son libre accès à l’amour qui annule la mort ainsi que le clame le Cantique des cantiques (Ct 8, 6). Or ce chemin est infini. Jamais en effet, dans le monde présent ou dans le monde futur, nous n’épuiserons ce mystère : la Trinité elle-même ne cesse d’inviter tout notre être festif par la communion.
Une autre raison, plus personnelle, explique mon attachement à cette épître pastorale. Paul écrit à Tite avec élan paternel. Il désigne ainsi son destinataire comme son « enfant légitime dans la foi », l’Église en Crète. Cette même Église au sein de laquelle, par mes ancêtres nés là-bas, j’ai reçu le baptême et où, enfant, j’ai été instruit dans la foi. Le Christ s’y est toujours adressé à moi en méditant et en priant, en lisant les Écritures, car il s’offre en partage à toutes les générations, à toutes les cultures, en tout lieu et en tout temps, à travers les âges, à toutes et à tous pour la « vie du monde » (Jn 6, 51).
Enfant, j’ignorais alors quelle serait mon existence. Je ne me connaissais pas encore de vocation religieuse. J’avais cependant déjà compris, en méditant la vie de saint Tite, qu’il est bon de sortir de soi, de partir vers les lointains, d’aller à la rencontre de Dieu vivant et de le servir en servant les autres quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent et où qu’ils aillent, toutes des sœurs et tous des frères parce que tous les enfants de l’unique Père céleste.
Ce sentiment n’a cessé de prendre réalité après mon adolescence. Il ne s’est plus arrêté de grandir, depuis, sous la motion inspirante et exigeante de Sa Toute Sainteté Bartholomée Ier dont l’exemple a guidé hier, guide aujourd’hui et guidera demain mes pas. En dépit de mes insuffisances, je le vis chaque matin dans la volonté de concilier la corne d’or à l’Église du Christ sur Terre qui, pour moi, se concentre dans le patriarcat œcuménique, dans sa diaconie première, irréductible et inaltérable, de l’orthodoxie, dans son engagement en faveur de l’unité des Églises, les religions, les cultures, sans se départir du droit, de la justice et de l’environnement. Et dans son combat pour la liberté intrinsèque de chaque personne humaine qui se révèle, plus que jamais, l’un des noms de Dieu.
Or, et c’est malheureusement l’évidence, le monde orthodoxe traverse à cette heure une crise qui fait écho à celles qui, nombreuses et virulentes, affectent sous des formes multiples notre planète en n’épargnant aucune communauté humaine. Une crise a cependant le mérite qu’elle force à distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais, l’essentiel de l’accessoire. De cette conviction est né le présent essai où je m’efforce, modestement, en retissant les visages et les apprentissages, les événements et les enseignements qui m’ont façonné, de montrer combien, malgré les difficultés en apparence insurmontables, « le royaume de Dieu est proche » dès lors que l’on fait « crédit » à la Bonne Nouvelle (Mc 1, 15).
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