« L’église Saint-Élie n’était pas seulement un lieu de culte : elle était une archive de pierre, le témoignage d’une époque et d’une civilisation qui a donné à l’Albanie des figures telles qu’Ali Pacha de Tepelenë. Avec sa disparition, ce n’est pas seulement un monument culturel que nous avons perdu, mais une part de nous-mêmes », écrit Klara Buda dans un article que nous reproduisons avec son accord :

Flammes venant de l’intérieur – église de Saint-Élie, Lekël, août 2025.
En août 2025, l’église orthodoxe de Saint-Élie à Lekël, dans la vallée du Drino, a été ravagée par un incendie dont l’origine reste inexpliquée. Monument classé et témoin de deux siècles d’histoire, elle s’est effondrée dans l’indifférence générale. Les flammes, parties de l’intérieur, soulèvent des questions troublantes : accident, négligence ou agenda caché ? Pendant que le patrimoine chrétien ancien disparaît en silence, l’attention de l’État semble absorbée ailleurs — notamment par la construction d’un micro-État bektashi en plein cœur de Tirana.
Pendant près de deux siècles, l’église orthodoxe « Saint-Élie » de Tepelenë, située dans la vallée du Drino, s’est dressée comme un témoignage vivant de l’histoire. Construite à la fin du XVIIIᵉ – début du XIXᵉ siècle par Thanas Vaja, ancien secrétaire d’Ali Pacha de Tepelenë, elle avait résisté aux tempêtes de la nature, aux bouleversements politiques, ainsi qu’aux incendies qui, à maintes reprises, ont ravagé les montagnes environnantes. En silence, l’église avait accompli ce que seuls les véritables monuments savent faire : préserver la mémoire et la transmettre aux générations.
Que cette église ait brûlé aujourd’hui, non pas à la suite d’une catastrophe naturelle, mais en raison de l’indifférence et du manque de soins institutionnels, constitue une blessure qui dépasse les murs de pierre. C’est la rupture d’un fil reliant au passé, une perte qui ne concerne pas seulement la communauté orthodoxe de Tepelenë, mais l’ensemble de la mémoire culturelle du pays.
Les flammes qui l’ont dévorée n’étaient pas celles des montagnes asséchées, mais celles de l’oubli, du mépris et de l’irresponsabilité. Ce que le temps, les guerres et les idéologies n’avaient pas réussi à abattre, a disparu aujourd’hui de nos propres mains, sous les yeux d’un État qui ne savait pas ou ne voulait pas la protéger malgré son statut de monument culturel.
L’église Saint-Élie n’était pas seulement un lieu de culte : elle était une archive de pierre, le témoignage d’une époque et d’une civilisation qui a donné à l’Albanie des figures telles qu’Ali Pacha de Tepelenë. Avec sa disparition, ce n’est pas seulement un monument culturel que nous avons perdu, mais une part de nous-mêmes. Et cela rend son extinction plus douloureuse que n’importe quel feu de montagne.
Une exposition à venir à Paris
En septembre 2025, le Collège des Bernardins à Paris présentera une exposition du photographe Wandrille Potez, consacrée à douze vues de la vallée du Drino, au sud de l’Albanie, où se trouve également l’église orthodoxe « Saint-Élie » de Tepelenë. Cette vallée constitue un espace patrimonial de premier plan, caractérisé par une densité remarquable de monastères orthodoxes.
Ces édifices, témoins matériels d’une tradition architecturale byzantine et dépositaires de la mémoire historique de la minorité chrétienne locale, constituent un ensemble patrimonial d’une valeur exceptionnelle. Leur relative méconnaissance en dehors du contexte régional souligne la nécessité d’une meilleure reconnaissance internationale et d’une politique renforcée de préservation.

L’église Saint-Élie à Lekël, vallée du Drino, telle qu’elle apparaissait avant l’incendie récent d’août 2025.