À l’occasion du 10e anniversaire de l’enlèvement du métropolite d’Alep Paul Yazigi, et l’archevêque syro-jacobite Youhanna Ibrahim, le patriarche d’Antioche Jean X et le patriarche syro-jacobite Ignace Ephrem II d’Antioche ont publié une déclaration commune :
« Déclaration commune – Dix ans après l’enlèvement des archevêques d’Alep
Frères, sœurs et enfants spirituels bien-aimés,
Le Christ est ressuscité ! Vraiment, il est ressuscité !
Nous vous saluons aujourd’hui en cette période pascale festive et exaltée, les yeux fixés sur la croix de souffrance, et sachant que le Seigneur de gloire a transformé cette croix de souffrance en une croix de gloire. Aujourd’hui, nous nous souvenons de la croix portée par les chrétiens qui vivent au Moyen-Orient, victimes de meurtres, de déplacements et de terreur. Aujourd’hui, nous nous souvenons de la lance qui a marqué pour nous, chrétiens, au cours des deux derniers millénaires, la Passion de notre Seigneur au Calvaire, et de l’autre lance qui nous a blessés au cours des dix dernières années, et cette blessure n’a pas été guérie. Aujourd’hui, nous nous souvenons de l’enlèvement de nos frères, les archevêques d’Alep, Youhanna Ibrahim et Paul Yazigi, survenu le 22 avril 2013.
Dix années se sont écoulées. En tant que chrétiens, nous continuons à affirmer que nous ne comptons que sur notre Seigneur pour notre présence ici, sur cette terre d’Orient. Dix ans ont passé. En tant que chrétiens, nous continuons d’affirmer que nous demeurons ici contre vents et marées. Nous sommes ici en tant que témoins vivants de Jésus de Nazareth qui nous a aimés et que nous aimons. Dix ans ont passé et nous affirmons que nous avons suivi cette affaire sans relâche. Nous avons frappé aux portes des gouvernements locaux et étrangers, des ambassades, des autorités religieuses et civiles, dans l’espoir de recevoir ne serait-ce qu’une lueur d’espoir sur cette question. Nous aimerions partager toutes ces informations avec vous, chers frères et sœurs, et tout ce que nous avons fait dans cette affaire et dans bien d’autres. Nous poursuivons nos efforts à cet égard. Jusqu’à présent, nous sommes déterminés de toutes nos forces à discerner ce qui est factuel parmi toutes les ténèbres qui enveloppent cette affaire, une affaire qui décrit les agonies de l’enlèvement et dépeint l’humiliation de la dignité humaine. Cette affaire nécessite plus que des mots doux sur les droits de l’homme. Les droits de l’homme sont politisés en fonction des intérêts. Cependant, la communauté internationale et les gouvernements devraient travailler sérieusement à la mise en œuvre de ces droits, au lieu d’adopter une position d’aveuglement et d’incapacité, et de se contenter de prononcer des paroles de condamnation et de dénonciation.
En cette semaine lumineuse de la glorieuse Pâques, nous nous souvenons qu’avant tout, nous sommes les enfants de la Résurrection, en dépit de toutes les difficultés. Nous nous souvenons également que les larmes versées par les femmes portant la myrrhe qui pleuraient le Christ se sont transformées, après la résurrection, en larmes d’allégresse et de joie, en voyant le Maître qui a vaincu la mort et détruit le pouvoir du malin. En tant que chrétiens, l’enlèvement des deux évêques nous invite à réfléchir et à réaliser que tout le monde est visé dans cet Orient. Les ravisseurs des évêques n’ont pas posé de questions sur une dénomination, une affiliation ou une religion. Les deux évêques ont été enlevés parce qu’ils étaient un parfum émanant du témoignage parfumé de l’Église d’Antioche, l’Église de ce pays. C’est ici que les apôtres ont marché pour la première fois et que le berceau du christianisme a jailli dans le monde entier. Aucun tremblement de terre ni aucune calamité ne pourra venir à bout de l’Église. Ces circonstances nous invitent à une profonde révision existentielle de l’histoire de notre existence ici et à la nécessité de renforcer notre cohésion dans cet Orient blessé, et de témoigner de notre Seigneur, non seulement par l’entretien des structures de pierre, mais aussi par l’authenticité de la foi de nos enfants et leur présence sur la terre de leurs ancêtres, et en évitant tout extrémisme ethnique ou factionnel qui affaiblit leur témoignage pour le Christ Jésus, qui a voulu que tous soient un.
Au milieu de cette Pâques lumineuse, nous sommes prêts à contempler le visage de Jésus, dont nous tirons puissance et miséricorde en dépit de tout ce qui nous entoure. Nous crions vers lui du fond du cœur, en fléchissant le genou de l’âme et en disant : Tu nous as fait naître, tu nous as créés à partir de l’argile de cette terre. Tu as voulu que nous soyons les témoins de ton saint nom. Fortifie-nous, Seigneur, pour que nous soyons à la hauteur du témoignage qui nous a été confié. Efface nos fardeaux à la lumière de ta résurrection. Calme les impulsions des guerres et insuffle en nous l’esprit de ta paix. O Dieu, sois avec les personnes enlevées et avec tous ceux qui sont dans la détresse et l’affliction. Ô Sauveur, le monde aspire à la douceur de ta paix. Nous t’implorons en ce glorieux temps pascal, et nous nous inclinons de tout cœur devant toi, nous prosternant et chantant du plus profond de notre âme :
« Le Christ est ressuscité des morts, par la mort il a terrassé la mort, et à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie. »
Damas, 22 avril 2023. »
Patriarche d’Antioche Jean X | Patriarche syro-jacobite Ignace Ephrem II d’Antioche |