Entretien avec Serge Bortnyk, délégué de l’Église orthodoxe ukrainienne au Conseil œcuménique des Églises

Lors de la 11e Assemblée du Conseil œcuménique des Églises, qui s’est tenue du 31 août au 8 septembre à Karlsruhe (Allemagne), Serge Bortnyk, délégué de l’Église orthodoxe ukrainienne au Conseil œcuménique des Églises, professeur à l’Académie théologique de Kiev et au séminaire de l’Église orthodoxe ukrainienne nous a accordé une interview.

Le 27 mai 2022 a eu lieu le Concile local de l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU). Il était initialement prévu comme Assemblée clérico-laïque. Pourquoi cela s’est-il produit et quelles décisions importantes y ont été prises pour la vie de l’EOU ?

Le 27 mai, plusieurs événements ont eu lieu simultanément dans la vie de l’Église orthodoxe ukrainienne. Premièrement, il y a eu un Assemblée clérico-laïque, c’est-à-dire des représentants des diocèses de l’Église orthodoxe ukrainienne qui ont pu venir, parce qu’il y avait une guerre en cours dans le pays. Personne ne pouvait savoir à l’avance combien de représentants viendraient. Mais peu après le commencement, tout le monde s’est rendu compte qu’ils étaient assez nombreux, ce qui signifie qu’ils étaient autorisés à prendre des décisions importantes. Pour cette raison, ce jour-là, après le Concile du peuple un synode s’est réuni, puis un concile des évêques, puis un concile local, qui est autorisé à prendre des décisions importantes dans la vie de l’Église et, en particulier, à changer ses statuts. Y assistaient quatre groupes de personnes qui composent l’Église: évêques, moines, prêtres et laïcs. Ainsi, c’est le Concile local qui a décidé que l’Église orthodoxe ukrainienne devenait maintenant indépendante en matière de gouvernance, autonome. Cette Église orthodoxe ukrainienne vit dans l’État ukrainien, ce qui signifie que le centre de la prise de ses décisions se trouve à Kiev, et non à Moscou, comme le croyaient certains de nos détracteurs. Une décision a également été prise quant à la possible restauration de la consécration du Saint-Chrême [par l’Église ukrainienne et non par le Patriarcat de Moscou, ndt]. Il n’y a pas eu de décret de reprise de cette pratique, mais il a été dit que celle-ci, si nécessaire, pourrait être relancée, comme elle l’était avant la révolution de 1917.

Est-il possible de dire qu’après ces décrets l’Église orthodoxe ukrainienne est devenue indépendante, autocéphale ?

Il n’y a pas de procédure simple dans le monde orthodoxe en ce moment pour qu’une nouvelle Église devienne autocéphale. Par conséquent, il n’y a pas eu de proclamation d’autocéphalie, sinon nous aurions été traités de schismatiques. Il n’y avait pas non plus de demande au Patriarcat de Moscou d’accorder l’autocéphalie, car personne ne nous l’accorderait dans notre situation. Mais ce qu’on appelle parfois aujourd’hui « l’autocéphalie technique » a été proclamé. C’est-à-dire que nous affirmons que nous avons les droits de l’autocéphalie complète, mais sans ce statut officiel, qui est reconnu dans l’Orthodoxie universelle. Cela implique une forme d’autonomie dans les prises de décision. Nous ne prenons pas nécessairement des décisions contre Moscou, mais pas nécessairement non plus dans son intérêt. Autrement dit, nous suivons avant tout les intérêts de nos croyants en Ukraine, et maintenant aussi de nombreux croyants à l’étranger qui ont été forcés de quitter l’Ukraine.

Après ce Concile en mai, l’Église orthodoxe russe a déclaré que de facto ce Concile n’a rien modifié, puisque l’Église orthodoxe ukrainienne était déjà indépendante auparavant. Que pensez-vous de cela ?

Je pense qu’on peut dire qu’il y a une lutte d’interprétations différentes. D’une part, l’interprétation de ce qui s’est passé en octobre 1990, lorsque l’Église orthodoxe ukrainienne a reçu une lettre du patriarche Alexis II de Moscou sur les droits à une large autonomie. À cette époque, c’était déjà pas mal. Ces droits ont été étendus et réalisés progressivement. Grâce à eux, notre Église a multiplié le nombre de paroisses, de prêtres, de diocèses, etc. Tout cela était avant le Concile qui eut lieu en mai 2022. Mais nous avons subi beaucoup de critiques de l’extérieur, notamment de l’Église orthodoxe d’Ukraine, pour le fait que notre centre de décision soit situé à Moscou. Moscou influence, soi-disant, notre comportement, et soi-disant nous sommes une Église dépendante de Moscou. Des critiques similaires ont été promues par plusieurs initiatives législatives de la Verkhovna Rada (Parlement d’Ukraine), qui portent dans l’abstrait « sur les Églises qui ont un centre dans le pays de l’agresseur … ». L’Église orthodoxe ukrainienne n’a pas été nommée, mais le débat quant à la question si notre centre est à Kiev ou à Moscou dure depuis quelques années. Et donc la décision du Concile qui a eu lieu en mai a souligné à nouveau et ce n’est pas la première fois, que notre centre est situé à Kiev, et non à Moscou. Par conséquent, de telles lois, qui sont d’une nature si discriminatoire, ne devraient pas s’appliquer à notre Église.

L’attitude des autorités ukrainiennes à votre égard a-t-elle changé dans la pratique après ce Concile ? Ou est-ce que tout est resté pareil ?

En Ukraine, nous existons maintenant dans une situation de guerre. Ce que je peux dire ce que le pouvoir central de l’État ukrainien, en particulier le président Volodymyr Zelensky, le Cabinet des ministres, nous traitent bien mieux que les autorités locales dans certaines régions. C’est-à-dire qu’il existe des exemples dans des dizaines de régions (je ne peux pas donner une liste exacte pour le moment), lorsque les autorités locales interdisent les offices liturgiques de l’Église orthodoxe ukrainienne. Par exemple, ils ferment des églises ou transfèrent de force certaines communautés à l’Église orthodoxe d’Ukraine [autocéphale]. La situation était déjà assez compliquée sous l’ancien président Petro Porochenko, et après avoir reçu le tomos d’autocéphalie en 2019, lorsqu’on a voulu unir de force les deux Églises, deux structures. Cette tendance se poursuit même aujourd’hui après le début de la guerre, précisément parce que beaucoup nous associent au Patriarcat de Moscou, lui-même associé à l’État russe.

Il existe une rhétorique dans l’Église orthodoxe russe qui qualifie la guerre en cours en Ukraine comme étant métaphysique, au sein de laquelle la Russie combattrait l’Occident anti-chrétien. En tant qu’Ukrainien, délégué de l’Église orthodoxe ukrainienne au Conseil œcuménique des Églises, savez-vous si de telles opinions existent dans la société ukrainienne et dans l’Église orthodoxe ukrainienne ?

Comme je l’ai dit, nous vivons dans une situation de conflit d’interprétations. Du côté de l’Église orthodoxe russe vient l’opinion qu’il y a maintenant en Ukraine une guerre entre deux civilisations, qu’il s’agit d’une guerre métaphysique contre le mal mondial, au sein de laquelle les Russes défendent le bien mondial. Je pense que pour l’Ukraine c’est une opinion erronée. C’est avant tout une question géopolitique. Autrement dit, il s’agit de la question avec qui l’Ukraine sera à l’avenir : plus avec la Russie ou plus avec l’Occident ? En tout cas, diverses Églises chrétiennes existent en Ukraine depuis assez longtemps, qui sont davantage axées sur la coopération avec l’Occident. Nous voyons que l’Occident a tendance à mieux accepter les Ukrainiens que les Russes. Il offre davantage de possibilités pour la migration de la main-d’œuvre et des étudiants. Diverses formes de communication mutuelle se développent. Par exemple, ils ont ouvert un régime sans visa… C’est-à-dire qu’il existe des décisions pratiques pour la coexistence de l’Ukraine avec l’Europe. De même, de nombreuses Églises non orthodoxes, telles que l’Église gréco-catholique, comptent un grand nombre de paroissiens vivant en Europe occidentale. Et ils ne pensent nullement que l’Europe est un monde anti-chrétien qui est contre le Christ, comme on le prétend parfois en Russie. Dans l’Église orthodoxe ukrainienne, je pense qu’il existe des attitudes différentes en fonction de l’expérience que les gens ont avec les chrétiens occidentaux. Mon expérience personnelle suggère qu’il ne s’agit en aucun cas d’un mal mondial. La société occidentale a des problèmes, mais elle est aussi plus ouverte et donc ces problèmes sont plus manifestes et l’on peut plus facilement en parler. Il existe également des problèmes similaires en Russie, mais ils sont peu discutés, de sorte que ceux qui sont moins impliqués dans les processus de l’Église les connaissent moins. En général, je crois que le facteur de communication et de dialogue sur la place de l’Église dans la société est très important et il est plus présent en Europe occidentale, dans la tradition que nous recherchons maintenant. Il y a une orthodoxie plus ouverte, des relations plus égales entre les laïcs et le clergé, et il y a aussi un certain nombre d’autres caractéristiques positives qui, me semble-t-il, devraient être acceptées dans l’Église orthodoxe ukrainienne.

Autrement dit, il vous semble que l’Église orthodoxe ukrainienne a une attitude plus positive envers l’Occident que l’Église orthodoxe russe ? Peut-on dire que l’Église orthodoxe russe est plus conservatrice que l’Église orthodoxe ukrainienne ? Comment pourriez-vous expliquer cela ?

Si nous parlons de la différence de perception de l’Occident en Russie et en Ukraine, alors il y a une différence et cela peut s’expliquer ne serait-ce par la situation géographique. L’Ukraine est plus proche de l’Occident. Des millions d’Ukrainiens travaillent et prennent des vacances à l’étranger. Si vous regardez les statistiques des personnes ayant voyagé à l’étranger, leur pourcentage en Ukraine est nettement plus élevé qu’en Russie. La Russie est tout simplement un grand pays, et même si ses habitants ne font que se déplacer à l’intérieur de la Russie, il y aura toujours des choses intéressantes et nouvelles à voir. Les Ukrainiens se déplacent souvent en Europe. Aujourd’hui, par exemple, lorsque la guerre a éclaté, de nombreux Ukrainiens regrettent d’avoir peu voyagé en Ukraine, de mal la connaître, et d’avoir préféré se détendre en Turquie, en Égypte ou ailleurs. Par exemple, pendant de nombreuses années consécutives, suite à mon retour en Ukraine après mes études, j’ai essayé de visiter l’Allemagne au moins une fois par an, au mois d’août. J’ai aussi visité Moscou pour le travail quand c’était nécessaire… Et c’est l’une des raisons pour lesquelles les Ukrainiens connaissent mieux la situation en Occident. Ils n’ont pas peur de lui. Je sais qu’il y a des cas, par exemple, dans la région de Tchernivtsi, où des villages entiers sont partis en Occident. Ainsi, près de Bruxelles, ou plus encore en Italie, il y a des colonies entières d’Ukrainiens. C’est-à-dire qu’il existe de grands groupes de personnes qui ne se déplacent pas seulement individuellement, mais en grands groupes. En conséquence, ils ont une certaine expérience de la vie en Occident. Ils communiquent entre eux et connaissent la situation réelle en tant que telle. Ils ne se font pas d’illusions sur le fait que l’Occident est bon et que tout va bien là-bas. Mais ils ne se font pas non plus d’illusions sur le fait que tout est parfait en Russie. C’est-à-dire qu’ils connaissent plus ou moins la situation et en Occident et en Russie. Et, en conséquence, ils choisissent librement où ils aimeraient aller s’ils étaient contraints de quitter l’Ukraine pour une raison ou une autre.

Quelles sont les relations actuelles entre l’Église orthodoxe ukrainienne et l’Église orthodoxe d’Ukraine ? Selon vous, quelle est la possibilité que ces deux structures fusionnent en une seule ? En combien de temps cela pourrait-il arriver ?

Si nous parlons de la relation entre les deux Églises orthodoxes ukrainiennes : l’Église orthodoxe ukrainienne et l’Église orthodoxe d’Ukraine… Traduit en langues étrangères, tout comme dans notre langue, l’ukrainien, cela ressemble en fait à la même chose. Ce sont trois mots identiques, mais dans un ordre différent. En fait, l’Église orthodoxe d’Ukraine est l’ancienne Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev. Autrement dit, la majorité, l’épine dorsale de l’Église orthodoxe d’Ukraine est constituée de quatre-vingts pour cent ou plus du clergé de l’ancien patriarcat de Kiev. En particulier, je suis prêt à dire qu’ils ont également préservé l’idéologie du patriarcat de Kiev. C’est-à-dire qu’il s’agit principalement d’une église nationale pro-étatique qui lutte contre l’influence russe. De mon point de vue, pour eux, ce n’est pas tant le christianisme, la prédication du Christ qui est importante, mais l’idée nationale et la lutte pour la libération de l’Ukraine de l’influence russe. Nous pouvons dire que cela est important et nécessaire, surtout dans une situation de guerre, mais ce n’est pas la chose la plus importante dont l’Église chrétienne devrait s’occuper. C’est précisément là où nous ne sommes pas d’accord avec l’Église orthodoxe d’Ukraine : sur la compréhension de ce qui est primaire et de ce qui est secondaire pour l’Église. Essentiellement, les deux choses sont importantes, mais quand même, qu’est-ce qui vient en premier et qu’est-ce qui vient en second ? Quant à savoir si une fusion rapide de l’Église orthodoxe ukrainienne et l’Église orthodoxe d’Ukraine est nécessaire … Je pense que ce n’est pas nécessaire. D’abord parce qu’on a vu cette tentative en 2018-2019 pendant le mandat présidentiel de Petro Porochenko. Il a essayé d’unir l’Église en une seule structure et de l’utiliser pour lui-même dans la lutte politique pour la présidence. Il n’a pas réussi, et les Églises ne se sont pas unies. De plus, une situation de confrontation s’est créée lorsque, selon certains rapports, les relations entre les Églises sont devenues encore pires qu’elles ne l’étaient. Il y a des litiges canoniques entre ces Églises qui portent par exemple sur la reconnaissance de la validité des ordinations de l’Église orthodoxe d’Ukraine, et il y a surtout la question psychologique quant à ce que nous sommes les uns pour les autres : des ennemis, des frères, des amis ? Pour cette raison, je pense que la situation est tendue. Et à ce stade, dans les 10 à 20 prochaines années, nous devons avant tout travailler à faire en sorte que la situation soit moins saturée émotionnellement, afin que les deux Églises se développent de manière indépendante dans la société ukrainienne. Il y a assez de liberté en Ukraine. Il y a peu d’influence de l’État sur l’Église. L’État essaie d’aider davantage l’église, par exemple, avec des avantages par rapport au gaz ou autre chose, mais il n’interfère pas dans la situation. Un exemple clair est le choix du métropolite Onuphre, primat de l’Église orthodoxe ukrainienne. L’État n’avait pas de grande influence à ce moment-là. Autrement dit, nos évêques l’ont choisi indépendamment. Il y a eu une tentative d’influencer l’Église, comme je l’ai déjà dit, en 2018-2019 de la part de Petro Porochenko. Mais ce fut une tentative ratée. Presque tout avait échoué. Sur les 100 évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne, seuls deux sont passés à la nouvelle structure de l’Église orthodoxe d’Ukraine. Le reste est demeuré dans l’Église orthodoxe ukrainienne. Beaucoup d’entre eux étaient fermement convaincus qu’une telle transition n’était pas nécessaire dans cette situation. Je crois qu’il faut faire une pause dans la volonté d’unir ces structures, et travailler avant tout à faire en sorte qu’il y ait une compréhension mutuelle, une atmosphère plus saine et plus fraternelle entre les chrétiens de ces deux Églises. Par exemple, je crois que nous (l’Église orthodoxe ukrainienne) devrions reconnaître le baptême réalisé dans l’Église orthodoxe d’Ukraine. Nous devons le reconnaître. Mais nous ne pouvons pas reconnaître la plénitude et la canonicité de la structure de cette Église. De même, en principe, nos sacrements sont reconnus par l’Église orthodoxe d’Ukraine. Ainsi, au niveau des gens ordinaires, l’idée que ces deux structures relèvent de l’Église orthodoxe pourra être acceptée. Ensuite, nous pourrons parler de la façon dont nous pourrons unir, dans une prochaine étape, ces structures. Cela se produira lorsqu’il y aura une atmosphère plus saine dans la société, dans les paroisses de villes et villages concrets. Autrement dit, je crois que l’on doit commencer par le bas, de sorte que l’unification des structures au niveau pan-ukrainien soit le résultat de la croissance de la compréhension mutuelle au niveau national.

La remarque du patriarche Philarète (Denisenko) selon laquelle l’Église orthodoxe d’Ukraine a une fausse autocéphalie et qu’elle est sous l’influence du Patriarcat œcuménique est-elle à vos yeux corrects ?

Il existe différentes opinions sur le statut de l’Église orthodoxe d’Ukraine. Au départ, on pensait que toutes les Églises orthodoxes [en Ukraine] s’uniraient. C’était ce qu’espéraient à la fois l’État ukrainien et le Patriarcat œcuménique. Mais cela ne s’est pas produit. Si cela s’était produit à ce moment, alors le statut des droits maximaux garantis par l’autocéphalie aurait été tout à fait correct. Mais étant donné que l’Église orthodoxe d’Ukraine, qui est nouvellement créée, se compose en grande partie de l’ancien patriarcat de Kiev, je pense qu’il est dans ce cas juste qu’elle soit sous un certain contrôle du Patriarcat œcuménique, afin que cette Église prenne connaissance de la réalité des choses, afin qu’elle grandisse progressivement, au lieu de déclarer immédiatement son haut statut. En d’autres mots, l’Église orthodoxe d’Ukraine est une jeune église. Elle a besoin de comprendre où elle en est et seulement ensuite elle pourra grandir dans ce statut. C’est la chose la plus positive que je puisse dire à propos de l’Église orthodoxe d’Ukraine. Il y a beaucoup plus d’opinions critiques à son sujet dans notre Église.

L’Église orthodoxe d’Ukraine a vraiment beaucoup moins de droits que l’Église orthodoxe ukrainienne. Par exemple, elle n’a pas le droit d’ouvrir des paroisses en Europe occidentale, alors que l’Église orthodoxe ukrainienne peut le faire, comme elle pouvait le faire avant même la décision du Concile ayant eu lieu en mai. Mais auparavant, elle le faisait partiellement en accord avec Moscou. Des prêtres ukrainiens étaient envoyés dans les paroisses d’Europe occidentale pour le troupeau ukrainien, et ainsi ce problème était résolu. Maintenant, ce problème est beaucoup plus aigu, car il y a une guerre en cours, et beaucoup ne veulent pas entendre la commémoration du patriarche Cyrille de Moscou lors des services divins où viennent des réfugiés ukrainiens.

Quelles furent les relations entre les délégués des deux Églises orthodoxes ukrainiennes et l’Église orthodoxe russe ici au Conseil œcuménique des Églises ?

La question des relations entre les délégations ukrainienne et russe au Conseil œcuménique des Églises est un peu simplifiée, car l’Ukraine est représentée par l’Église orthodoxe ukrainienne, c’est-à-dire nous, et l’Église orthodoxe d’Ukraine, c’est-à-dire nos frères avec qui nous nous « battons ». Notre relation est très différente. Autrement dit, j’ai de bons contacts personnels et avec l’Église orthodoxe d’Ukraine et avec l’Église orthodoxe russe. Hier, j’ai eu un exemple précis à la gare. Un prêtre de l’Église orthodoxe d’Ukraine s’est approché de moi. Je lui ai parlé. Et puis un prêtre de l’Église orthodoxe russe s’est approché de moi, et ce prêtre de l’Église orthodoxe d’Ukraine s’est écarté pour qu’ils n’aient pas de contact direct… Personnellement, je n’ai pas peur et c’est assez intéressant de communiquer avec les deux parties. Autrement dit, ce statut intermédiaire a souvent ses avantages. Cela permet de communiquer avec ceux qui entretiennent entre eux une relation extrêmement conflictuelle, au sein de laquelle personne ne veut rien changer, et au sein de laquelle chaque partie campe sur ses positions.

Y a-t-il eu une rencontre officielle entre les délégués des deux Églises orthodoxes ukrainiennes et de l’Église orthodoxe russe ?

Il n’y a pas eu de rencontre officielle entre l’Église orthodoxe ukrainienne et l’Église orthodoxe russe. D’ailleurs, elle n’était pas non plus prévue. Mais initialement, il était prévu d’avoir une discussion sur le podium avec la participation des parties ukrainienne et russe. Autrement dit, cela faisait partie des plans initiaux. Mais le ministère allemand des Affaires étrangères a exprimé sa position, qui était de ne pas permettre du tout à la délégation russe de participer à cette Assemblée, en raison du fait qu’ils soutiennent la guerre en Ukraine et, par conséquent, qu’il est immoral, de leur point de vue, d’autoriser la participation de la délégation russe à cette Assemblée. En d’autres termes, il y a eu des discussions difficiles. Je sais à travers des conversations avec des délégués russes, avec des représentants de l’Allemagne, avec des représentants de la direction du Conseil œcuménique des Églises, que la question était de savoir quelle devrait être la relation entre l’État et l’Église en Russie et ici en Occident. Autrement dit, nous critiquons maintenant l’Église orthodoxe russe pour le fait que sa position est indissociable de la politique de l’État. Mais alors l’État allemand, représenté par le président, a-t-il le droit d’imposer aux Églises, en particulier aux Églises allemandes et autres Églises, ce qu’elles doivent faire et comment elles doivent se comporter vis-à-vis de l’Église orthodoxe russe ? Autrement dit, pour le Conseil œcuménique des Églises, la question n’est pas tant de savoir si les Russes sont bons ou mauvais, mais si l’État allemand a le droit d’imposer sa position aux Églises. En fait, cette question est très difficile. En Ukraine, je le mets souvent en avant. Et de fait, je me réjouis d’une certaine façon que cette question se révèle être très aiguë et importante aussi pour d’autres Églises, non seulement en Ukraine, mais aussi dans d’autres pays et dans d’autres contextes.

Propos recueillis par le père Jivko Panev et Veronica Cibotaru.

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