Évangéliaire des éditions Apostolia (2023),
Dimensions : 34 x 26 cm – 454 pages, pour le commander en ligne, cliquez ICI !
Les éditions « Apostolia », réputées pour leur dynamisme, poursuivent leurs activités cette année par la publication d’un ouvrage très attendu : l’Évangéliaire. Ce recueil des passages (péricopes), de l’Évangile qui sont lus au cours de l’année dans les offices, principalement à la divine liturgie, est, pourrait-on dire, le livre liturgique par excellence, car il constitue le support de la Parole de Dieu proclamée dans l’assemblée, et donc de la révélation du Verbe incarné, de la théophanie, qui s’accomplit chaque fois que les chrétiens se réunissent pour célébrer sa présence parmi eux. Certes, en cas de nécessité, on pourrait lire ces péricopes de l’Évangile à partir de n’importe quel support, l’important étant le contenu de la Bonne Nouvelle qui est annoncée ; mais le livre même est devenu – comme les icônes et de manière peut-être encore plus prégnante encore –, une véritable prolongation de l’Incarnation.
Pendant longtemps, même après la diffusion des livres imprimés, il a continué à être un manuscrit, souvent de grand luxe et écrit en lettres d’or. Aujourd’hui, il est en général de grand format, édité sur un beau papier, et le plus souvent recouvert d’une reliure précieuse, en or ou en argent. Déposé en permanence sur l’autel, il représente le Christ présent dans l’église et il est l’objet d’une vénération particulière. Lors de la petite entrée, qui constituait jadis le début de la divine liturgie par l’entrée des saintes Écriture avec l’évêque, il est amené en procession, précédé de luminaires, par le prêtre ou le diacre, et élevé solennellement avec l’acclamation : « Sagesse, Debout ! »
Tous les fidèles ont alors pleine conscience qu’ils se trouvent devant le Christ rendu présent dans la gloire qu’il aura lors de son Second Avènement. Une fois l’Évangile déposé sur l’autel, le diacre procède à une seconde procession au moment de lire la péricope prescrite, sur l’ambon, au milieu de l’église. Ensuite, lorsque la Liturgie des Catéchumènes laisse la place à la liturgie des fidèles, et à la préparation pour le sacrifice eucharistique, on le place en retrait de l’autel. Dans certaines églises, il est alors posé sur le trône de l’évêque, situé derrière l’autel, conformément à ce qu’on trouve sur certaines fresques représentant le second avènement avec le thème de la « préparation du Trône » (etoimasia). On saisit alors que la divine liturgie est véritablement l’anticipation du dernier jour, décrit par saint Jean dans l’Apocalypse, lorsque les cieux s’ouvriront pour manifester le trône de Dieu, et que l’Agneau immolé viendra prendre de la main de Celui qui est assis sur le trône le Livre écrit au recto et au verso, et en ouvrira les sept sceaux du jugement de Dieu sur le monde, salué par les vingt-quatre vieillards et une multitude d’anges (Ap. 4-6).
L’Évangile est donc un objet sacré, digne de la plus grande vénération, c’est pourquoi il convient de donner un soin particulier à son édition. Et l’on peut dire que, dans la mesure des moyens dont les éditeurs disposaient, et pour que l’ouvrage reste abordable, cette édition de qualité, ornée de miniatures originales qui reprennent les thèmes traditionnels illustrant les épisodes évangéliques, est une réussite.
Réussite non seulement sur le plan de la présentation mais aussi du contenu. Entreprise avec la bénédiction de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, cette édition vise à répondre aux usages liturgiques des différentes juridictions, en assurant un texte unique. Si toutes les Églises locales orthodoxes suivent le même lectionnaire byzantin, fixé depuis le XIe siècle, d’abord pour les dimanches, ensuite pour les samedis, et finalement, lorsque l’usage de la liturgie quotidienne se fut répandu, pour les jours ordinaires, elles n’ont pas la même manière de compter les semaines : les Églises de tradition grecque distinguant la série des évangiles selon saint Matthieu, après la Pentecôte, de la série des évangiles selon saint Luc, à partir de l’Exaltation de la Croix, alors que les Églises de tradition slaves ont une numérotation continue[1].
Respectant les traditions locales, les éditeurs ont réussi à indiquer les différents usages, en les accompagnant d’explications détaillées sur le Typikon à respecter. Pour la partie réservée au Ménologe, c’est-à-dire aux lectures pour les fêtes des saints du cycle fixe, ils ont ajouté au calendrier des saints byzantins, les saints les plus notables des Églises locales (y compris un bon nombre de saints de France), ce qui permettra aux paroisses qui souhaitent solenniser tel ou tel saint de trouver la lecture appropriée. On trouvera de plus (p. 411), un tableau détaillé des lectures communes pour les différentes catégories de saints et un annexe pour les évangiles à lire en diverses circonstances, actualisé pour l’usage contemporain.
Le problème principal restait cependant celui de la traduction elle-même, qui doit être adaptée aux besoins réels de l’Église orthodoxe en France et de paroisses, composées de fidèles qui ne maitrisent pas toujours parfaitement la langue française et ses subtilités. Il est bien connu que toute traduction est un peu une trahison, et des discussions interminables et passionnées divisent depuis longtemps les partisans de la littéralité et ceux de l’adaptation pastorale. Certaines traductions de l’Évangile ont été publiées, qui se prétendent fidèles à la lettre du texte, mais du fait qu’elles ont été souvent réalisées par des traducteurs dont le français n’était pas la langue principale, le résultat était presque incompréhensible. Il fallait donc pour cette Évangéliaire destiné à être adopté par toutes les juridictions, une traduction fidèle, dans un bon français contemporain mais pas trop littéraire. Certes, il y aura certainement en la matière des avis différents, et les critiques ne vont certainement pas manquer. Mais, en examinant de près cette traduction, à partir du texte grec, et sans idées préconçues, j’ai pu constater qu’elle est non seulement fidèle – souvent plus fidèle que les traductions reçues (Bible de Jérusalem, Traduction œcuménique de la Bible, Crampon) –, et qu’elle trouve des solutions élégantes à des passages difficiles. Même si certains ne seront pas d’accord avec moi, je pense toutefois qu’il s’agit d’une excellente traduction qui pourra servir de modèle à des traductions liturgiques à venir.
Il convient donc de féliciter les éditions « Apostolia » pour cette publication de l’Évangéliaire, qui, espérons-le, témoignera de l’unanimité de la foi orthodoxe autour de la parole de Dieu et contribuera à surmonter les divisions et tensions dont nous souffrons, alors que nous avons de tels trésors qui peuvent procurer la vie aux hommes de notre temps.
Mont Athos, 23 janvier 2023
[1] Sur la question des confusions à propos du début de la lecture de l’Évangile de saint Luc, appelé le « saut de Luc », voir Mg Job Getcha, Le Typikon décrypté, Cerf, Paris 2009, p. 70-72.