Nous vous invitons à lire le texte du père Jean-Baptiste Garrigou, responsable de l’atelier d’iconographie Saint-Jean-Damascène :
« La guerre au regard de l’icône
Nous prenons souvent la lecture iconographique comme un soutien de la vision chrétienne du monde, comme support visuel de la perspective de vie chrétienne.
Par rapport à la guerre, le chemin le plus compliqué est, comme le dit le patriarche Athénagoras, « qu’il n’y a pas de guerre plus difficile que celle livrée contre soi-même ».
L’icône nous apprend que l’image sainte apparaît après un jeûne nécessaire, après s’être libéré de l’emprise des passions. La vie sainte est l’action porteuse de l’Esprit Saint libérée des passions. Elle seule permet le discernement et l’apparition de l’image sainte.
L’Église est le lieu de sainteté par définition basée sur la lutte contre les passions, pour le service de la vie et de la communion sacramentelle.
Aussi, chaque fois que nous voyons des hommes d’Église, nous attendons d’eux qu’ils aient des actes et des décisions épurées des passions, des décisions saintes basées sur l’action de l’Esprit Saint. Chaque fois qu’ils parlent nous devons imaginer que l’Esprit Saint parle à travers eux, sinon il y a un risque d’imposture.
En ce sens chaque prêtre est « père » car porteur de l’Esprit consolateur et chaque évêque est le légitime représentant de l’Église dans l’Esprit dans la mesure où ses décisions sont reliées à la personne du Christ, sinon il y a un risque d’imposture.
Il en est de même dans l’icône. Chaque fois que les peintres ont été influencé par les passions humaines (humanisme des formes anatomiques, exagération des éléments décoratifs, surévaluation des couleurs etc..) cela a entraîné une représentation décadente car éloignée de la recherche de la participation à la lumière incréée philocalique de l’Esprit Saint « La paix qui surpasse toute intelligence » ! celle qui calme la tempête des passions et permet la vision chrétienne du monde.
Chaque fois que l’Église a pris le langage du monde ou le parti pris du monde elle s’est corrompue et fourvoyée. Chaque fois que l’iconographie a pris ce chemin elle s’est détournée du Christ.
Lorsque la lumière du monde l’emporte sur la lumière de l’Évangile nous rentrons dans une période de crise et de décadence.
C’est ce qui se passe actuellement dans notre monde. La paix philocalique, l’hésychia de la Parole vivante ont engendré une paix mondaine philosophique parce-que les enjeux de la Parole divine sont devenus des serviteurs de la réalité bassement humaine. Au lieu de s’élever à des réalités « existant-Ciel », l’Église s’est retrouvé piégée par la complicité des passions temporelles.
Dans l’icône, dans une situation de décadence, il convient de redresser, de réaffirmer les lignes essentielles, de refaire apparaître la ligne de vie qui marque l’action de l’Esprit Saint.
La guerre en Ukraine est un conflit humain généré par des problématiques politiques. Elle n’est pas une crise au sens propre de l’Église. Par contre, en se mêlant à cette crise l’Église devient participante des réalités du monde et donc porteuses des contradictions diaboliques décadentes.
L’Église est faite pour transmettre la paix du Christ et non pour soutenir la guerre qui en est l’opposé. Lorsque les soldats sont venus arrêté l’innocent Christ, le Fils du Dieu vivant, saint Pierre a sorti son glaive. Le Christ a arrêté ce geste car il n’était pas celui d’un serviteur de Dieu mais celui d’un esclave des passions.
Après chaque eucharistie, alors que nous avons « quitté les soucis du monde » et que nous sommes réunis à la paix du Christ, il n’est plus possible d’ouvrir la bouche autrement que pour la louange divine. C’est elle qui guide la main de l’iconographe repentant et c’est elle qui doit conduire le chemin de chaque chrétien loin des enjeux politiques. »