Nous poursuivons notre analyse du discours de mission, rapporté dans l’Évangile de Matthieu (Mt 10:7-10). Après avoir étudié les premières instructions données par Jésus, nous nous concentrons ici sur deux éléments essentiels : la gratuité et la simplicité demandées aux Douze dans l’accomplissement de leur mission.
L’appel à la gratuité : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »
Dans cette section du discours, Jésus réitère l’appel au repentir, héritage de la prédication de Jean-Baptiste, et insiste sur la gratuité de l’annonce évangélique :
Allez, prêchez, et dites : Le Royaume des Cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie, dans vos ceintures ; ni sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâton ; car l’ouvrier mérite sa nourriture. (Mt 10:7-10)
Comme Jésus, les apôtres doivent accompagner l’annonce du Royaume de Dieu de miracles : guérisons, résurrections et délivrances. Ces dons sont reçus gratuitement et doivent être partagés de la même manière.
Les paroles de Jésus font écho à Sa réponse aux disciples de Jean-Baptiste :
Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. (Mt 11:5)
Si les Évangiles rapportent de nombreux cas de guérisons et de délivrances accomplies par Jésus, ils mentionnent également que les disciples, bien qu’investis de Son autorité, ne parvenaient pas toujours à accomplir ces miracles. Par exemple : Ils chassaient les démons au nom de Jésus, mais n’y parvenaient pas toujours. (Lc 10:17, Mt 17:19) Ce n’est qu’après la Résurrection que les disciples reçoivent de Jésus la plénitude de cette autorité, comme le décrivent les Actes des Apôtres : Pierre ressuscita Tabitha, et Paul ressuscita Eutychus. (Ac 9:36-41, 20:9-12)
L’expression « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » souligne que leur mission ne doit jamais être monnayée ou utilisée à des fins personnelles. En revanche, Jésus précise que « l’ouvrier mérite sa nourriture », reconnaissant ainsi que les disciples peuvent recevoir un soutien matériel, tel que nourriture ou abri, pour accomplir leur tâche.
La simplicité dans la mission : un appel à la pauvreté évangélique
L’appel à ne rien emporter pour le voyage – ni argent, ni sac, ni chaussures de rechange – est une prescription de pauvreté. Cependant, cette pauvreté n’est pas un rejet des besoins matériels, mais une invitation à la confiance totale en Dieu et à la simplicité.
La comparaison des versions de Matthieu, Marc et Luc montre des nuances dans ces consignes. Par exemple :
- Chez Matthieu et Luc, les apôtres ne doivent rien emporter, ni même un bâton.
- Chez Marc, ils peuvent prendre un bâton, mais pas un sac ou de l’argent.
Ces différences peuvent être interprétées comme une flexibilité pratique, mais elles renvoient également à une symbolique plus profonde. La version de Marc pourrait évoquer le souvenir de l’Exode, où les Hébreux mangèrent l’agneau pascal ceints de leurs reins, le bâton à la main (Ex 12:11). Ce rappel symbolise l’urgence et la disponibilité pour répondre à l’appel divin.
Après la Résurrection, l’Église chrétienne adopte ces principes de gratuité et de simplicité. Les Actes des Apôtres témoignent d’une organisation communautaire fondée sur le partage :
Tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient et déposaient le prix aux pieds des apôtres. (Ac 4:34-35)
Les apôtres veillent également à réprimer toute tentative de faire commerce des dons de Dieu, comme en témoigne l’épisode de Simon le Mage, condamné pour avoir voulu acheter le pouvoir d’imposer les mains (Ac 8:18-20).
L’appel à la gratuité et à la simplicité, au cœur du discours de mission de Jésus, ne se limite pas à une éthique personnelle des apôtres. Il reflète une dépendance totale envers Dieu et un refus de l’attachement aux biens matériels. Ces consignes, adaptées par l’Église primitive, continuent d’inspirer la mission chrétienne, basée sur le service désintéressé et la foi dans la providence divine.
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