Le patriarche Porphyre : « Pardonnez et priez tous les uns pour les autres »

Homélie de Sa Sainteté le patriarche de Serbie Porphyre prononcée le 2 mars 2025, dimanche du Pardon, lors de la sainte Liturgie en la cathédrale Saint-Sava à Vračar

« Aujourd’hui, mes frères et sœurs, c’est le dimanche du Pardon, et demain commence le Grand Carême. Dans l’extrait de l’Évangile selon Matthieu d’aujourd’hui, l’Église nous souligne et nous rappelle ce qui est important à observer pendant le carême. Le passage que nous avons entendu est un extrait du Sermon sur la Montagne, précédé d’une parole sur la prière, celle que nous enseigne notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui révèle que notre prière ne doit jamais être seulement pour nous-mêmes et jamais individuelle. C’est pourquoi Il nous dit de ne pas dépenser beaucoup de paroles, des paroles vides, mais de prononcer simplement la prière Notre Père, dans laquelle il est clairement dit quelle doit être notre prière. Tout d’abord, il est souligné que nous prions tous ensemble un Père commun, le Père céleste, c’est-à-dire que Dieu est le père de tous les hommes et qu’Il appelle tous à la connaissance de la vérité, au salut, et que notre tâche en tant qu’Église, avec Lui comme Père commun, est de prier tous ensemble pour le monde entier et pour tous les hommes sans aucune division ni aucune dispute ou querelle d’opinions, comme le dit l’apôtre Paul dans l’extrait de l’Épître aux Romains que nous avons entendu.

Et voici, cette parole que nous avons entendue nous rappelle qu’il est important pendant le carême de nous pardonner les uns aux autres. Elle développe et explique les derniers versets de la prière Notre Père, en disant que si nous ne nous pardonnons pas les uns aux autres, comment pouvons-nous espérer que quelqu’un nous pardonne quoi que ce soit, et encore moins que le Seigneur nous pardonne, Lui qui nous a tout donné et qui ne regarde pas nos péchés, mais regarde notre disposition à reconnaître notre péché et à demander Son aide et Sa guérison comme à un Médecin. Donc, le pardon auquel est consacré le jour d’aujourd’hui dans notre Église doit être le contenu intensif et continuel du carême qui nous attend, et que le pardon que nous apprenons au cours de cette Quarantaine devienne une partie intégrante de notre vie, de nos pensées quotidiennes, de nos paroles et de nos actes. Car, comment pouvons-nous espérer que Dieu nous pardonne beaucoup plus, incomparablement plus, mille fois plus que ce que nous pouvons et devons pardonner à nos prochains, nous pardonner les uns aux autres.

Et puis le Seigneur dit dans cette histoire qu’il est important de savoir comment nous jeûnons, qu’il est important de comprendre que le jeûne en lui-même n’est pas une vertu. Le jeûne n’est pas une vertu en soi, et n’est pas une fin en soi. Le fait que nous ne mangions pas certains types d’aliments et que nous suivions certaines règles est nécessaire, important et utile pour nous, mais ce n’est pas le but et ce n’est pas suffisant. Si nous le faisons pour que les autres nous remarquent et pas seulement cela, mais pour qu’ils nous louent comme étant spirituels, comme des ascètes, comme meilleurs que les autres, alors ce jeûne est manqué, il ne diffère pas d’un simple régime auquel beaucoup se soumettent aujourd’hui pour obtenir des effets corporels extérieurs, par lesquels ils impressionnent les autres et s’admirent eux-mêmes. L’abstinence de nourriture ou de quoi que ce soit n’est pas une vertu en soi. Selon l’attitude que nous avons envers le jeûne, y compris ce jeûne extérieur, le jeûne sera pour nous salutaire et sera un chemin qui nous mène au Christ, ou bien ce sera un chemin erroné et sera destructeur pour nous. Si nous jeûnons pour nous exercer afin de nous préparer à un exercice plus profond, l’exercice de l’abstinence de tout mal en nous, que ce soit par la pensée, par la parole ou par l’action, et si nous sommes capables et fortifiés pour le faire avec l’aide de Dieu et par amour pour Dieu et pour notre prochain, et parce que nous savons que c’est la bonne manière de vivre, que c’est, comme nous disons, notre ethos chrétien orthodoxe sans lequel nous ne sommes pas ce que nous sommes, alors le jeûne prend tout son sens.

L’apôtre Paul dit que celui qui ne mange pas de nourriture grasse ne méprise pas et ne condamne pas ceux qui en mangent, car si nous nous abstenons de certains aliments et suivons certaines règles de jeûne, mais que nous méprisons ceux qui sont à côté de nous et les condamnons, nous savons déjà ce que c’est. C’est ce qui est très bien et plastiquement décrit par les exemples de nombreux pharisiens qui accomplissaient la loi – ils devaient l’accomplir et c’était juste – mais ce qui était faux, c’est qu’ils voulaient une confirmation et des louanges ici et maintenant, et même une récompense eschatologique, c’est-à-dire qu’ils attendaient une récompense de Dieu lui-même. Ils ne percevaient pas une manière correcte de vivre comme un chemin normal, comme quelque chose qui va de soi, mais ils le faisaient pour se vanter et s’élever par rapport aux autres. Il est donc important d’avoir une attitude correcte envers le jeûne, de le voir comme un exercice spirituel et non comme une fin en soi ; de le voir comme l’accomplissement de la loi de Dieu et comme une réponse à l’amour de Dieu, comme l’expression de notre besoin personnel, comme l’expression et la confirmation de notre amour pour Dieu et pour notre prochain.

Dans cette histoire, il est également dit en un mot : Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. Cela concerne aussi bien les possessions extérieures que les possessions intérieures, c’est-à-dire, en lien avec ce que nous avons dit précédemment sur le sens et le but du jeûne, les biens et les possessions matérielles ne sont pas mauvais ou erronés en eux-mêmes. Tout ce qui existe et que Dieu a créé est bon, mais selon notre rapport à ce que nous possédons, notre choix sera pour l’amour de Dieu ou contre lui. Si nous nous fions à ce que nous avons, si nous nous fions à notre gloire et à notre pouvoir et pensons que ce sont des valeurs, si nous y trouvons la paix et le repos, si nous y attachons notre cœur, si c’est primordial pour nous, alors nous nous sommes attachés passionnément à quelque chose qui est en dehors de Dieu et hors de Dieu. Cependant, si nous savons que le Christ est le commencement et la fin, qu’Il est tout, que tout dépend de Lui, y compris ce que nous avons, la richesse, la gloire et le pouvoir, alors nous connaîtrons la valeur de tout ce que nous avons comme quelque chose qui est en soi transitoire, mais parce que nous l’avons comme un don de Dieu, nous remercierons Dieu et attacherons notre cœur, notre amour et notre être à Lui, et serons tout aussi prêts, lorsque des temps plus difficiles viendront, lorsque des épreuves viendront, lorsque nous serons privés de ce que nous avons, à remercier Dieu, car nous saurons que c’est Son don dont Il connaît le sens, et il nous appartient, avec foi et confiance en Son amour et en Sa providence, de tout accepter.

Que le Seigneur Dieu fasse que le carême à venir soit béni, que nous nous pardonnions les uns aux autres. Pardonnez-moi aussi à moi, indigne, pour tout ce par quoi j’ai provoqué une quelconque confusion, incompréhension ou par quoi j’ai péché contre l’un d’entre vous ou contre quiconque de notre Église locale. Pardonnez aussi à tous les évêques et prêtres, comme nous prions Dieu pour que tout vous soit pardonné à tous. Pardonnez et priez pour nous, et prions tous les uns pour les autres, et nous prions certainement sans cesse pour chaque âme vivante afin qu’elle réponde à l’appel de Dieu, à Son amour et qu’elle suive le chemin du salut. Amen. »

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Jivko Panev

Jivko Panev, cofondateur et journaliste sur Orthodoxie.com. Producteur de l'émission 'Orthodoxie' sur France 2 et journaliste.
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