« Jeûnons d’un jeûne agréable, bien-plaisant au Seigneur. Le vrai jeûne consiste à s’éloigner du mal… » (Stichère)
Vénérables pères,
Frères et sœurs,
Le stichère, placé dans l’office liturgique du premier jour du Grand Carême, résume de façon synthétique tout le sens de notre temps de préparation à la Fête des fêtes – la merveilleuse et très lumineuse Résurrection du Christ. Avec peu de mots, mais riches en contenu, il nous révèle l’essence réelle de ce qui nous attend, et dont le but est la purification et la transformation ultimes dans les limites de nos possibilités en cette vie, notre élévation au-dessus de tout ce qui est terrestre et éphémère, et la communion à tout ce que notre Seigneur Jésus-Christ a fait et enduré pour nous et notre salut. Le vrai jeûne, insiste l’hymnographe inspiré par Dieu, représente et exige non seulement notre abstinence de nourriture et de boisson, mais aussi « l’éloignement du mal, la retenue de la langue, l’apaisement de la colère, le renoncement à la convoitise, à la médisance, au mensonge et au parjure. La privation de toutes ces choses est un jeûne véritable et agréable ».
Les souffrances innocentes du Christ et sa mort, qui se sont achevées par la victoire sur la mort et l’ennemi du salut humain, sont le point culminant, l’expression ultime de l’amour sacrificiel de Dieu pour l’humanité déchue dans le péché. L’œuvre de notre salut n’est cependant pas seulement divine. C’est une œuvre divino-humaine, pour laquelle l’humanité s’est préparée depuis le temps des ancêtres et à laquelle elle a participé en la personne de la Très Sainte Mère de Dieu et de tous les justes des jours de l’Ancien Testament. C’est pourquoi notre participation à l’œuvre du Christ et à sa Résurrection est aussi notre œuvre personnelle, qui suppose et exige notre conscience profonde et notre véritable communion à toute l’histoire économique du salut. Depuis le jour de la Résurrection du Christ, la vie de l’homme représente un chemin vers la Résurrection universelle, à laquelle nous sommes tous appelés par notre Père céleste aimant – une compréhension en profondeur, une imitation et une fidèle adhésion au chemin que l’Homme-Dieu Jésus-Christ a parcouru le premier de tous.
Ce chemin est celui de l’amour et du pardon, de la miséricorde et de la sainteté. Son commencement est l’amour de Dieu et du prochain. Son préalable est un repentir profond et le pardon – « … et pardonne-nous nos dettes, comme nous pardonnons aussi à nos débiteurs » (Mt 6:12). Il passe par notre compassion à l’imitation de Dieu et notre miséricorde pleine d’amour pour l’humanité – « … soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6:36), et l’acquisition parfaite des vertus chrétiennes, pour trouver son point culminant dans la sainteté et le Royaume de Dieu : « … maintenant que vous avez été affranchis du péché et que vous êtes devenus esclaves de Dieu, vous avez pour fruit la sainteté et pour fin la vie éternelle » (Rm 6:22).
C’est précisément ce chemin béni par Dieu que nous suivons selon nos forces tout au long de notre vie, que la sainte Église nous rappelle et vers lequel elle nous oriente avec une insistance particulière chaque année pendant les jours de la sainte Grande Quarantaine. Commençant par le pardon mutuel, passant par le Triomphe de notre foi orthodoxe salvatrice, les hauteurs de l’enseignement théologique et ascétique de saint Grégoire Palamas, le Mystère de la Croix du Christ, l’Échelle des vertus de saint Jean le Sinaïte et l’exploit de sainte Marie l’Égyptienne, notre voyage à travers le Grand Carême nous conduit jusqu’à l’Entrée du Seigneur à Jérusalem et à ses Souffrances salvatrices pour nous et à sa mort sur la croix.
Le jeûne est le premier de tous les commandements que Dieu nous a donnés. Nous sommes tous appelés à un jeûne supportable et agréable à Dieu. Cela s’applique à tous les chrétiens orthodoxes, et combien plus à nous, les clercs, qui devons être un exemple pour les autres à tous égards.
Les saints pères insistent sur le fait que le jeûne est un « instrument donné par Dieu » de salut (saint Sophrone de Jérusalem). « Car c’est un instrument qui conduit à la chasteté ceux qui le désirent » (saint Diadoque de Photicé). En même temps, le jeûne est aussi un remède miraculeux pour nos âmes. Saint Athanase le Grand nous enseigne : « Vois-tu ce que fait le jeûne ? Il guérit aussi les maladies et surmonte les troubles corporels, et chasse les démons, et dissipe les mauvaises pensées, et rend l’esprit plus lumineux, et le cœur – pur, et le corps – sanctifié… ». Saint Photius le Patriarche résume tout le sens du jeûne en une phrase : « Le jeûne est un médicament qui purifie les passions ». Ne renonçons pas, frères et sœurs, à ce remède, mais recevons-le avec joie et actions de grâces à Dieu.
Avec un esprit de repentir, de réconciliation et de pardon envers nos prochains, de concentration en nous-mêmes, de lutte contre les mauvaises pensées, de prière, de présence aux offices magnifiques et profonds du Grand Carême, de participation aux saints Mystères de la Confession et de la Communion, rapprochons-nous de Dieu et attirons à nous la grâce divine qui sanctifie, pacifie et sauve. Que notre voyage à travers la sainte Grande Quarantaine soit digne de notre haute vocation. Parcourons le chemin jusqu’au tombeau vide du Seigneur et à la joie pascale en paix avec nous-mêmes, avec Dieu et avec notre prochain, dans la miséricorde, la piété et le bon combat dans la foi (cf. 2 Tm 4:7-8), afin qu’à la fin de ce chemin, avec des cœurs purs et une joie inexprimable, nous puissions nous saluer aussi avec le miracle de la Résurrection du Christ.
Que l’amour de Dieu qui pardonne tout et sa grande miséricorde soient avec nous tous !
Bon et salutaire carême !
† DANIEL, patriarche de Bulgarie »