« Église orthodoxe serbe à ses enfants spirituels pour Noël 2024
Porphyre, ar la grâce de Dieu, Archevêque orthodoxe de Peć, Métropolite de Belgrade-Karlovci et Patriarche de Serbie, avec tous les hiérarques de l’Église orthodoxe serbe – au clergé, au monachisme et à tous les fils et filles de notre sainte Église : grâce, miséricorde et paix de Dieu le Père, de notre Seigneur Jésus-Christ et de l’Esprit Saint, avec la joyeuse salutation de Noël :
Paix de Dieu – Christ est né !
Nos chers enfants spirituels,
Aujourd’hui, réunis à la sainte Liturgie, nous célébrons la Nativité de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ, Celui qui « pour nous les hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s’est incarné du Saint-Esprit et de la Vierge Marie et s’est fait homme ». Dans la joie spirituelle, nous célébrons l’événement qui est si grand qu’il a divisé l’histoire de l’humanité en deux ! Cet événement, saint Maxime le Confesseur l’appelle le but de l’acte créateur de Dieu, – le Mystère du Christ, l’union de Dieu et de la création dans la Personne du Fils de Dieu qui s’est fait homme, – ce que nous ne pouvons comprendre que si nous gardons à l’esprit que le monde créé ne peut exister éternellement sans l’unité avec Dieu le Créateur. Pourquoi ? Tout d’abord parce que, selon les mots de saint Athanase le Grand, la nature de la création est l’état de non-être précédent sa création, ce qui signifie qu’elle est mortelle. Pour que la nature créée surmonte la mort et existe éternellement, elle doit être en communion avec la Source même de la vie, avec le Dieu Trinitaire, le Seul éternel et incréé par nature.
Nous tous, les hommes, avons été introduits dans cette communion une fois pour toutes lorsque, il y a vingt siècles, par la bienveillance de Dieu le Père et avec la coopération du Saint-Esprit, le Fils unique de Dieu est descendu dans l’histoire humaine, dans la « vallée des larmes », pour que, dans l’humilité ultime, il s’incarne et naisse comme un Enfant dans la petite grotte de Bethléem. En inclinant les cieux vers la terre, il nous a donné une communion indestructible avec Dieu. Dieu, sans commencement, immortel et parfait, s’humilie et s’identifie à nous, à Sa création, et en recevant ce qui est incomparablement inférieur à Lui, il nous donne ce qui est incomparablement plus élevé et plus parfait que nous. L’amour divin, méditant sur la destinée éternelle de l’homme, a voulu, par la bienveillance de la Sainte Trinité, que le monde créé soit guéri et sauvé dans le Dieu-homme Christ. Ô profondeur de la richesse et de la sagesse de Dieu ! L’éternité a embrassé le passager, l’incréé s’est uni indissolublement au créé, l’immortalité a guéri le mortel. En un mot, Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit déifié, pour qu’il devienne un dieu-homme par la grâce.
Chacun de nous, frères et sœurs, qu’il réchauffe aujourd’hui son cœur avec la flamme qui a réchauffé le divin Enfant nouveau-né, et qu’il fasse de sa maison, par la joie de la réunion familiale, une grotte de Bethléem ! En même temps, nous qui célébrons dans la paix, ne devons pas oublier ceux qui souffrent, ceux qui pleurent et passent ces jours de joie exilés de leurs foyers, répétant ainsi le sort de l’Enfant-Dieu Christ, déjà exilé dans sa plus tendre enfance, qui, avec Sa Très Sainte et Très Pure Mère et le juste Joseph, a dû fuir en Égypte devant le tyran Hérode.
Ce même divin Enfant, aujourd’hui encore, non seulement métaphoriquement mais aussi réellement, étant porteur de la pleine nature humaine, partage l’exil, la tristesse et la souffrance de tous les malheureux sur le globe terrestre. Nous voyons comment, dans de nombreuses régions du monde, des mères et des pères, avec des enfants dans les bras, fuyant les Hérode modernes, vivent au XXIe siècle le sort des enfants de Bethléem à l’époque de la Nativité du Christ. Dans les régions où le Christ est né, on entend encore « des pleurs et de grandes lamentations » (Mt 2, 18). Là-bas, comme dans les pays voisins, la Syrie et le Liban, le nombre de victimes humaines se multiplie sans pitié, tandis que le nombre d’enfants tués, ce qui est le plus terrible, a largement dépassé le nombre d’enfants qui ont péri sous les mains d’Hérode. Avec des cris de prière à Dieu pour qu’il accorde la paix au monde entier, nous contemplons également le terrible conflit entre frères de même sang et de même foi en Ukraine et en Russie, qui, au grand regret de nous tous, entre déjà dans sa quatrième année.
Nous implorons Dieu dans la prière qu’il prenne dans ses bras les victimes innocentes de l’effondrement de l’auvent de la gare de Novi Sad. Nous regardons dans nos cœurs, et nous nous regardons les uns les autres, priant le Seigneur de nous donner la force de tirer constamment de cet événement tragique, mais aussi des autres événements mentionnés et non mentionnés dans le pays et dans le monde, une leçon d’avertissement sur le fait que nous devons être frères les uns envers les autres, être humains, chrétiens, sincères, essentiellement bons.
Nous ressentons le besoin paternel d’adresser cette année encore notre voix conciliaire avant tout à nos enfants spirituels au Kosovo-et-Métochie, mais aussi à tous ceux à qui parvient l’appel de l’Église de Saint-Sava. Le peuple serbe, dans cette patrie séculaire, est depuis un quart de siècle le peuple le plus menacé et le plus vulnérable du continent européen. Soumis à des pressions, des arrestations, des spoliations violentes des administrations municipales, la fermeture des services de santé locaux, la confiscation des terres et autres biens privés, la destruction de cimetières et de monuments culturels, il est constamment intimidé et persécuté. Nous vous regardons, nos frères et sœurs au Kosovo-et-Métochie, avec amour, respect et gratitude. Nous admirons votre foi, votre courage, votre patience et votre endurance. Tout comme nous croyons aux paroles du Seigneur : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés », nous croyons aussi que le jour viendra où, pour vous et pour tout notre peuple, brillera le Soleil de justice, le Christ notre Dieu, et que vous aussi vous serez rassasiés de sa justice.
La plus grande bénédiction de l’année qui commence nous est apportée par la célébration du 850e anniversaire de la naissance de la personnalité la plus importante de l’histoire de notre peuple – Saint Sava. À cette occasion, profondément préoccupés par les événements actuels au sein de notre peuple, nous souhaitons souligner deux faits de sa vie, en priant pour que l’année qui s’ouvre à nous soit placée sous le signe de l’enseignement qui en découle.
Premièrement, par son départ pour le Mont Athos, le jeune Rastko, comme le jeune homme de la parabole évangélique qui a posé à Christ la question la plus radicale : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? », a confirmé le fait que la jeunesse a faim et soif d’éternité, c’est-à-dire : de plénitude, de vérité, de justice, de bonté, d’amour, de beauté, en général de sens. Cependant, contrairement au jeune homme mentionné, saint Sava a suivi le Christ volontairement et joyeusement. Sur son exemple, comme sur l’exemple de nombreux jeunes à travers l’histoire, nous voyons que la faim et la soif bénies de sens ne suffisent pas. Il faut une transformation, une sortie de soi, une vie dans la vertu, une vie selon l’Évangile du Christ, selon Sa Parole. Il faut un exploit d’amour envers Dieu, mais aussi envers chaque homme comme son frère éternel. Et cet amour consiste à écouter, à comprendre, à embrasser et à accepter l’autre comme son prochain ; à pardonner, à compatir, à faire preuve de miséricorde, de sacrifice, de toute vertu semblable à celle du Christ. Ce sont toutes des œuvres d’amour que saint Sava, notre Illuminateur et Maître pour toujours, après avoir suivi le Christ, transformé et sanctifié par la grâce du Saint-Esprit, a accomplies et manifestées.
C’est précisément parce qu’il a été transformé et illuminé par Dieu, en tant que saint de Dieu, qu’il est devenu un modèle et un exemple pour tous, et même pour son propre père. À la lumière de son exemple, nous sommes appelés à écouter attentivement la jeunesse, à la respecter, à la protéger et à la fortifier dans tout ce qui est bon et juste.
En même temps, il est de notre devoir, outre de prendre soin des jeunes, de témoigner par la parole et les actes d’amour, par toute notre vie, que la plénitude qu’ils recherchent se trouve dans le Christ Seigneur, que le Christ est le sens de tout et que, si le Christ est à la première place, tout se mettra en place.
Le deuxième fait instructif pour l’année à venir est la réconciliation des frères ennemis que saint Sava a accomplie sur les reliques de leur père, saint Siméon le Myroblyte, en 1207 au monastère de Studenica. Pour la réconciliation, sa prière et ses efforts n’ont pas suffi, même s’il n’y aurait pas eu de réconciliation sans eux. Il était également nécessaire que les deux frères se tendent la main, s’embrassent et se pardonnent mutuellement. C’était la seule vraie manière évangélique de parvenir à la paix entre les frères, dans l’État et dans le peuple. Saint Sava, inspiré par l’Évangile du Christ, a montré par là et nous a légué un modèle d’action conciliatrice de l’Église.
L’Église ne condamne pas, ne divise pas, ne fait pas de différence entre les frères, mais nous rappelle que nous avons tous besoin les uns des autres et appelle chacun à la paix et à la communion d’amour. N’oublions pas qu’une multitude de malheurs, de conflits et de guerres commencent par la déshumanisation du prochain, par l’effacement de l’humanité de l’autre être humain. Il est donc d’une importance capitale que nous cessions tous d’utiliser un vocabulaire dans lequel l’autre est d’abord appelé étranger, puis adversaire, puis ennemi et, enfin, être inhumain. Souvenons-nous des conséquences fatales de telles actions dans l’histoire de l’humanité, qui sont malheureusement nombreuses ! Souvenons-nous de notre passé et des divisions dont nous ne pouvons toujours pas nous remettre ! Soyons de dignes héritiers de saint Sava le pacificateur et de ses frères, et non des héritiers de Caïn, le premier fratricide, qui a adressé à Dieu lui-même les paroles les plus terribles : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9).
Par conséquent, frères et sœurs, où que nous vivions, surmontons les fossés qui nous séparent, écoutons-nous les uns les autres, respectons les points de vue et les opinions des uns et des autres, surtout lorsqu’ils sont différents des nôtres ! Renonçons à l’agression et à la violence comme moyen de résoudre les problèmes et les désaccords ! Construisons à tout prix des ponts de compréhension, d’amour et de paix, même si nous savons bien que les constructeurs de ponts sont souvent lapidés des deux rives.
Dans la joie de Noël, la seule vraie nouvelle sous le soleil, lorsque Dieu s’est réconcilié pour toujours avec l’homme, embrassons le Christ et les uns les autres, en célébrant l’hymne de Noël :
« Christ est né, glorifiez-le !
Voici le Christ des cieux – allez à sa rencontre ! »
Nos chers enfants spirituels, chrétiens orthodoxes, enfants de l’Église orthodoxe serbe, dans la patrie et la diaspora, nous, vos pasteurs spirituels, prions pour que l’Enfant-Dieu Christ habite le cœur de tous et que, ayant la paix avec Lui, nous nous réconcilierions et « pacificierions » entre nous, afin que, dans la paix et l’amour, avec les anges, d’une seule bouche et d’un seul cœur, nous nous réjouissions et chantions :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »
Paix de Dieu – Christ est né !
Donné au Patriarcat de Serbie, à Belgrade, pour Noël 2024.
Vos intercesseurs devant le Divin Enfant :
[Signatures des hiérarques] »