L’Église orthodoxe d’Albanie : « Clarifications et positions sur les questions ecclésiastiques de l’Ukraine et de l’Afrique »

L’Archevêché de Tirana a fait hier une déclaration de clarification hier concernant les positions que l’archevêque Anastase d’Albanie, a exprimées de temps en temps sur les questions ecclésiastiques d’Ukraine et d’Afrique.

L’Archevêché souligne que toute tentative d’interpréter différemment les positions de Sa Béatitude ne correspond pas à la réalité et a pour seul but de déformer ses positions.

« L’Archevêché de Tirana clarifie que les opinions de Sa Béatitude l’archevêque Anastase de Tirana et de toute l’Albanie sur les questions ecclésiastiques de l’Ukraine et de l’Afrique ont été clairement exprimées dans ses écrits, qui ont été publiés de manière responsable depuis l’année 2019 jusqu’à récemment. Toute autre tentative d’interprétation, d’utilisation sélective, d’addition et de déformation de ses positions ne correspond pas à la réalité », peut-on lire dans la simple déclaration publiée mercredi 26 janvier au soir par le Saint Archevêché de Tirana.

Il y a quelques jours, l’archevêque Anastase avait publié un article intitulé : « : « La fracture de l’Ukraine a atteint l’Afrique » dans lequel il a exposé ses positions sur ces questions que vous pouvez lire ci-dessous ;

« † Anastase

Archevêque de Tirana, Durrës et toute l’Albanie

Depuis le début de la crise ecclésiastique en Ukraine, nous avons souligné oralement et par écrit que le temps ne peut cicatriser les fractures ecclésiastiques et les schismes. Au contraire, il les approfondit et les endurcit.

La récente décision du Patriarcat de Moscou d’établir un exarchat sur le continent africain confirme les craintes initiales.

Parallèlement au schisme qui touche des millions d’orthodoxes ukrainiens, une nouvelle fissure est en train de se créer sur le sensible continent africain, où l’activité missionnaire orthodoxe se développe au cours des dernières décennies.

Dans les États africains, diverses confessions chrétiennes sont établies de longue date, ainsi qu’un islam expansionniste.

Désormais, les Africains ordinaires seront invités à se convertir à l’orthodoxie par deux patriarcats orthodoxes, sans communion sacramentelle entre eux.

Le scandale et l’affaiblissement du témoignage orthodoxe par cette activité de division sont évidents. C’est une évolution douloureuse.

L’affirmation selon laquelle il n’y a pas de schisme dans l’orthodoxie, mais simplement des désaccords ressemble à la théorie selon laquelle le coronavirus n’existe pas.

Le schisme, avec ses diverses mutations, est évident, et il est urgent de rechercher un remède et d’utiliser le vaccin que la tradition apostolique a défini : la réconciliation, l’entente.

En novembre 2019, nous avions envoyé à tous les primats orthodoxes le texte – qui a également été publié dans la presse – « Appel – Supplication pour surmonter la polarisation ecclésiale », dans lequel nous avions souligné la priorité absolue du devoir d’unité, la nécessité de recourir au dialogue, d’éviter des coalitions ethno-phylétisme, et d’activer de façon urgente le principe de conciliarité, sur lequel repose l’Église orthodoxe à travers les siècles.

Nous avons clairement insisté sur ce point : « Rassemblés dans le Saint-Esprit, avec respect mutuel et pour but exclusif de trouver un règlement pacifique, nous avons la possibilité de parvenir à une solution acceptable pour toute l’Église orthodoxe ».

Cet appel anxieux reste absolument pertinent aujourd’hui aussi. Pour rendre service au lecteur, il est reproduit ci-dessous ».

Dans l’attente de la fête de la Nativité 24.11.2019
Appel – Supplication pour surmonter la polarisation ecclésiale

1. Depuis des mois maintenant, on a beaucoup parlé et écrit au sujet de la question ecclésiale ukrainienne. Ce qui est plus crucial et nécessaire, cependant, est de souligner la nécessité impérieuse de l’unité de l’Orthodoxie. S. Jean Chrysostome, exprimant l’expérience spirituelle des Pères et la tradition ecclésiale, a proclamé : « Le nom de l’Église n’est pas un nom de division, mais d’union et d’harmonie. L’Église est venue à l’existence non pour que nous soyons divisés, mais unis ». Et ailleurs : « Rien n’irrite tant Dieu que la division de l’Église » Toute action doit donc prendre sérieusement en compte cette vérité fondamentale : l’unité de l’Église passe avant tout et est au-dessus de tout.

2. Les événements ecclésiastiques de l’année passée ont créé une nouvelle réalité, avec l’immixtion manifeste d’intérêts et d’opportunismes géopolitiques. Cette nouvelle situation ne peut, directement ou indirectement, être ignorée. L’octroi de l’autocéphalie à l’Église d’Ukraine n’a pas apporté l’unité souhaitée des orthodoxes, ni la paix, comme cela s’était passé avec tous les octrois précédents d’autocéphalies. La personne centrale du problème ukrainien, le « patriarche » autoproclamé Philarète a finalement refusé le Tomos, en condamnant son contenu et son but. Les divisions se sont étendues à d’autres régions et, plus généralement, au monde orthodoxe. Parallèlement, le mystère par excellence de l’unité et du pardon – la divine Eucharistie – a été utilisée par le Patriarcat de Moscou lors de la confrontation comme moyen de pression. Des dizaines de millions d’Orthodoxes ont cessé la communion eucharistique avec le Patriarcat œcuménique, le Patriarcat d’Alexandrie et l’Église de Grèce. En outre, la question de la validité des sacres épiscopaux effectués par le « patriarche » auto-proclamé Philarète alors qu’il était excommunié et anathématisé, continue à diviser. Les résultats douloureux de cette opération sont connus à tous, non seulement dans les cercles orthodoxes, mais plus généralement dans le monde chrétien entier.

3. Actuellement, dans la plupart des Églises orthodoxes, prévaut un silence préoccupant. Les pressions politiques qui transparaissent des deux côtés heurtent l’autorité spirituelle de l’Église orthodoxe. Tandis que la mobilisation de personnes irresponsables pour invectiver ceux qui expriment des opinions différentes, flattant en même temps ceux qu’elles soutiennent, avilit le dialogue inter-orthodoxe et ce à une époque critique pour l’Orthodoxie. Certains cercles ecclésiastiques s’attendent que, peu à peu, toutes les Églises orthodoxes reconnaîtront celui qui a reçu le Tomos. Cependant, même si certaines Églises autocéphales le reconnaîtront encore, un certain nombre d’autres parmi elles ont déclaré publiquement qu’elles continueraient à maintenir leur refus. Le résultat en sera une fragmentation ethnophylétiste (entre Grecs, Slaves et ceux qui souhaitent des relations harmonieuses avec tous), qui abolira le caractère multi-ethnique et multi-culturel de l’Orthodoxie ainsi que son universalité. Le temps ne corrige pas automatiquement les schismes ecclésiastiques, ni ne les cicatrise. Au contraire, il les consolide et les approfondit.

4) Il est urgent de rechercher des voies pour surmonter la polarisation ecclésiale. Pour faire face aux différents conflits dans le monde, la première étape des mesures à prendre est la désescalade. Il est largement accepté et souvent répété au niveau international que l’on ne peut faire face aux tensions que par un dialogue sérieux. Il faut donc que l’on recherche le plus rapidement possible à reprendre la communication et à échanger des propositions constructives entre les protagonistes de la crise. Il existe dans l’Église orthodoxe des personnes qui peuvent contribuer au commencement immédiat des délibérations.

5. Il est temps que soient posées comme fondements des nouveaux efforts les vérités de la Tradition orthodoxes qui s’appuient sur la Sainte Écriture : « Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur! et ne faites-vous pas ce que je dis? » (Lc 6, 46, cf. Matth. 7, 21) ; « Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent… » (Matth. 5, 44). « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs… «  (Matth. 6, 12).  «Vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix » (Eph. 4,3 ; cf. également Gal. 5, 15). En suivant fidèlement les commandements du Seigneur, nous discernerons de nouvelles voies pour surmonter la crise.

 6. Il y a des solutions. Dieu nous éclairera pour les déterminer. Les solutions ne seront pas atteintes, cela va de soi, par l’échange de textes provocateurs et menaçants, ni par des interventions extra-ecclésiastiques. Pas plus qu’il n’est possible qu’elles s’imposent unilatéralement et automatiquement avec le temps. Tout retard aggrave la situation déjà douloureuse. Et si « en fin de compte » et « à l’avenir », un solution quelconque est trouvée, de nombreuses pages désagréables se seront déjà accumulées dans l’histoire de l’Orthodoxie. Le principe fondamental de la conciliarité, dans laquelle s’est appuyé le cheminement séculaire de l’Église orthodoxe est le seul qui en fin de compte peut ouvrir une issue dans la crise présente. Rassemblés dans le Saint-Esprit, avec respect mutuel et pour but exclusif de trouver un règlement pacifique, nous avons la possibilité de parvenir à une solution acceptable pour toute l’Église orthodoxe. Plus la valorisation de la conciliarité au niveau panorthodoxe est retardée, plus les fissures multiples dans le monde orthodoxe deviendront dangereuses. La technologie actuelle accroît le tumulte, la confusion et le trouble entre les orthodoxes et, finalement, la crédibilité de l’Orthodoxe dans le monde contemporain diminue.

7. Alors que s’approche la fête de Noël, la grande fête de la venue du Fils et Verbe de Dieu dans l’humanité, l’initiative extraordinaire du Père pour la réconciliation avec le genre humain, nous soumettons humblement notre supplication pour hâter nos pas vers la réconciliation, l’apaisement. De telle façon que nous soyons justifiés lorsque nous tous orthodoxes chantons l’hymne « Gloire à Dieu dans les hauteurs et paix sur terre, bienveillance parmi les hommes » (Lc 2, 14) Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation » ( 2 Cor. 5,18). L’initiative pour le traitement thérapeutique de la nouvelle réalité appartient indubitablement au Patriarcat œcuménique. Mais toutes les Églises autocéphales aussi, tous les Orthodoxes sans exception, ont la responsabilité de contribuer à la réconciliation. Celle-ci apportera la paix à des millions de personnes. En même temps, l’Orthodoxie confirmera sa capacité spirituelle à cicatriser les blessures, avec pour guide la Parole de Dieu et la puissance du Saint-Esprit. En confirmant que la vérité est l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, qui a pour Chef le Christ, le Fils incarné de Dieu pour qui et par qui sont toutes choses (Hébr. 2, 10), qui nous a donné le ministère de la réconciliation (2 Cor. 5, 18).

Tirana, le 20 novembre 2019

+ Anastase, archevêque de Durrës, Tirana et de toute l’Albanie

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Jivko Panev

Jivko Panev, cofondateur et journaliste sur Orthodoxie.com. Producteur de l'émission 'Orthodoxie' sur France 2 et journaliste.
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